Chikungunya : après les erreurs, retrouver la confiance

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12 juin 2006

Le passé se répète, seuls les hommes changent. Le paludisme, la dengue des années 60-70. Puis le chikungunya et d’autres arboviroses qui passent avec moins de fracas : West Niles, Ross River, etc. C’est à nous, mammifères évolués, doués de raison, d’éviter que les erreurs ne se reproduisent pas indéfiniment. Si l’on veut agir sur le présent, il faut des armes pour anticiper, avec la veille, comprendre, avec la recherche et agir collectivement mais aussi individuellement avec le Bti.

Si les connaissances relatives au chikungunya sont maigres, les épisodes épidémiques recensés à Java, en Thaïlande, entre 1973 et 1983, avec un taux d’attaque estimé entre 70 et 90% de la population, une propagation dans tout le pays, auraient dû suffire à alerter les autorités sanitaires sur le risque qu’encourrait La Réunion lorsque, en janvier 2005, les premiers cas sont survenus aux Comores.

L’explosion épidémique était prévisible

L’alerte aurait dû être donnée, le principe de précaution activé, les premiers cas isolés, la population informée et aidée, concrètement sur le terrain, pour l’application des mesures préventives. Mais l’on a jugé préférable de ne pas risquer d’engendrer la psychose généralisée. On a minimisé le risque et c’est aujourd’hui, avec le recul, que l’on mesure l’impact des choix, certes difficiles, qui ont été faits.
La consultation des quelques données scientifiques disponibles aurait dû inciter à plus de vigilance s’agissant de la résistance de l’Aèdes en période sèche. On sait que ses larves peuvent résister 2 ans au moins sans la moindre goutte d’eau et que c’est justement durant la saison hivernale (en cette période), lorsque les attaques ralentissent, que les larves se disséminent dans un plus large espace géographique, aidées en ce moment par le vent. Optimisme ou inconscience, l’on attendait un miracle de la nature qui nous fait payer le peu d’égard qu’on lui confère. L’explosion épidémique était prévisible. C’est toute une chaîne de responsabilités qui est en cause. Une chaîne qu’il conviendra néanmoins de “démailler” pour en remplacer le maillon faible. La population a besoin de savoir pour comprendre et passer à l’action.

Après l’éradication du paludisme ?

Cela n’est pas sans rappeler les épisodes épidémiques de dengues en 1977-1978 qui bien qu’ayant sévi au sein de la population avec un taux d’attaque de 30%, n’ont pas mobilisé de dispositif de surveillance entomologique, de contrôle des populations d’Aèdes Albopictus, suspecté là encore d’être le vecteur de la maladie.
En 1975, la lutte contre l’Anophèle Gambiae, vecteur du paludisme, est réorientée. En 1979, l’OMS conclut à l’éradication du paludisme dans notre île. Une grande lutte prenait fin, aboutissant à un contrôle permanent des risques d’importation de la maladie. Aujourd’hui, alors que la dengue nous a fait un large clin d’œil en 2004 sans s’éclipser pour autant, l’on ne sait toujours rien de l’Aèdes Albopictus, impliqué dans sa propagation et également vecteur du chikungunya.
Seules quelques expériences de laboratoires ont montré "la faible susceptibilité orale" des espèces d’anophèle en Afrique vis-à-vis du chikungunya, ce même anophèle qui transmet habituellement le paludisme. Ce virus qui ne nous a pas oublié, lui non plus. C’est à partir de bases de connaissances scientifiques précaires, sans mobilisation précoce d’experts, de scientifiques, qu’une lutte anti-vectorielle s’est engagée à grands renforts de produits chimiques pour répondre à l’urgence, dans l’urgence.

Instaurer la confiance avec le Bti

Puis à force d’insistance, le protocole s’est ouvert au bio-pesticide, le Bti, que l’on soutenait pourtant inefficace, sans étude probante à l’appui. C’est un pas. Le prochain serait de permettre à la population d’en bénéficier. Puisque l’urgence perdure, que le risque d’une nouvelle flambée est bien réel, puisque l’expérience doit permettre de ne pas commettre deux fois, si ce n’est plus, les mêmes erreurs, il faut donner aux Réunionnais les armes pacifiques de leur défense.
La lutte communautaire est indispensable et pour mobiliser les citoyens, il faut établir un rapport de confiance. Cela pourrait être l’occasion idéale. Car que répondront les autorités à ces familles qui ont pris soin chaque jour, de vider leurs coupelles, de nettoyer leur jardin, de vivre matin et soir avec des serpentins, de badigeonner leurs enfants de répulsifs et qui malgré le respect des consignes, ont été contaminées et le seront peut-être encore l’été prochain ? Un sentiment d’impuissance a envahi la population. Mais son Histoire a fait sa force. En plus des espoirs qu’elle met aujourd’hui dans la recherche, donnons-lui, donnons-nous, les outils pour comprendre, sans relâchement dans la communication (une communication adaptée, de proximité) et les outils pour se défendre, pour nous défendre. Il faut instaurer la confiance et c’est un défi aussi grand et nécessaire que d’éliminer les gîtes larvaires.

Stéphanie Longeras


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