’ Chik : une prise de conscience ? ’

21 février 2006

Le courrier suivant nous a été adressé par un Réunionnais installé en métropole. Les intertitres sont de “Témoignages”.

Chers compatriotes, je tenais à vous faire parvenir ce courrier afin de vous exprimer le constat local et quelques réflexions face à la crise sanitaire et épidémiologique qui nous touche (plus gravement) depuis quelques semaines...
Pour planter le décor, je suis un Réunionnais installé en métropole depuis quelques mois, et je ne cesse d’assister au quotidien à une vraie déferlante (négative) de notre département par les médias métropolitains tous confondus (TV, journaux, magazines, reportages, et même les guignols de l’info... c’est dire). Tout et n’importe quoi y est rapporté, ce qui a pour conséquence immédiate un "catastrophisme exagéré" de la part des métropolitains ayant prévu de séjourner à La Réunion, conforté et accrédité par les différents Tours opérateurs et agences de voyages nationales déconseillant très fortement la destination, préférant leur conseiller d’autres lieux de vacances.
C’est également sans compter sur les échanges que j’ai avec mes proches et mes collègues qui me harcèlent de questions chaque jour passant... Pour eux, c’est véritablement "une fin du monde" qui s’abat sur nous... et bientôt La Réunion sera synonyme de "no man’s land". (Le pouvoir des médias et le recours au "sensationnel" prend, à plus d’un titre, le pas sur le simple droit à l’information).
Personnellement, je tiens en premier lieu à apporter mon soutien le plus total et sans failles à tous ceux qui sont victimes de cette épidémie sans précédent. Les médecins, agents hospitaliers, infirmiers qui aident les personnes malades, mais également tous ceux qui luttent sans arrêt contre ce moustique "ravageur" à tous les niveaux : santé, écologique, économique et politique.

Lacunes et atouts

Je ne vais pas m’étendre ni sur le passé (prévention), ni sur le présent (gestion de la situation d’urgence), mais plutôt sur le futur...
Une fois passé cet épisode épidémiologique, il nous faudra (tous) nous retrousser les manches... afin de remettre sur pied notre île qui, nous nous en rendons compte aujourd’hui, n’est pas à l’abri d’une catastrophe, quelle que soit sa nature...
Au-delà des sempiternelles critiques, au-dessus des clivages politiques, cette crise aura eu le “mérite”, si je puis dire, de nous faire prendre conscience concrètement de nos lacunes, de nos laxismes et surtout des atouts que nous avons entre les mains, mais que nous devons manipuler avec précautions, intelligence et concertation.

Devenons éco-citoyens

Prise de conscience de notre écosystème fragile.
À partir d’aujourd’hui, le moindre de nos gestes peut avoir un impact direct sur notre vie quotidienne. Devenons tous des éco-citoyens, chacun à notre échelon, changeons nos habitudes, même au prix de quelques petits sacrifices. Les inconvénients d’aujourd’hui deviendront notre qualité de vie de demain.
Prise de conscience de la fragilité de notre économie locale.
Nul ne peut nier qu’aucun secteur n’est épargné, directement ou indirectement par cette épidémie. Que cela soit dans le privé ou dans le public, tous fonctionnent au ralenti, voire arrêt de leurs activités, entraînant licenciements économiques, chômages partiels et précarité certaine à plus ou moins long terme.
Mais surtout que cela nous révèle à tous, au grand jour, l’importance de plus en plus grandissante d’un secteur qui est en passe de devenir majeur dans les années à venir pour notre économie locale, qui est sans nul doute un de nos atouts maîtres face aux enjeux de demain, et une valeur sûre face à la concurrence mondiale : le tourisme.

Panique sur les emplois du tourisme

Ce secteur que je connais plus particulièrement représente 400 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel pour notre département, des milliers d’emplois à ce jour, encore plus demain, et c’est là où la panique, dixit “Le Monde” du 16 février, se fait le plus ressentir. La publicité négative enfle, les annulations pleuvent, et il semble que les prochains mois ne seront pas des plus “roses” pour les professionnels du secteur. Pourtant, les différentes campagnes de promotions et de communications menées sur la destination Réunion depuis près d’1 an et demi par le CTR étaient, enfin, des plus efficaces, suivant une certaine logique, fonctionnant par thématique, par cibles de clientèles et faisant ressortir l’aspect “unique”, “authentique”, “diversifié” de notre département, sous l’impulsion de sa présidente Mme Lauret (présidente du CTR - NDLR). Ce travail et cet investissement qui devaient commencer à porter ses fruits ces prochains mois, sont balayés d’une seule main, ou devrais-je dire “d’un seul battement d’aile de moustique” du jour au lendemain. Un touriste (vacanciers ou d’affaires) posant les pieds sur le sol de La Réunion ne fait-il pas fonctionner l’économie locale, tous secteurs confondus ? Sans vouloir privilégier un secteur d’activité, plus qu’un autre en ce jour de crise ou tous souffrent... Sachons être objectifs et regardons autour de nous.

S’ouvrir au monde pour mieux le recevoir

L’homme accorde de plus en plus d’importance à ses loisirs, ses vacances, son bien-être, mais ne veut plus voyager dans l’incertitude et l’ignorance. Il est chaque jour plus exigeant en matière de qualité, d’accueil, de services, de rentabilité, de gain de temps. Nous avons cette carte à jouer (de par notre position géographique), ce challenge à relever (face à nos principaux concurrents directs), et les atouts pour y parvenir (climat, environnement, spécificités locales), mais ce défi ne peut se réaliser sans la contribution de chacune et chacun des Réunionnais(es). Aujourd’hui Métropolitain, demain Européen, après-demain du monde entier, le touriste ne cessera jamais d’exister, ne cessera jamais de voyager, si ce n’est pas ici, il saura très bien le faire ailleurs !
La visite de M. Bertrand (ministre du Tourisme - NDLR) est sûrement l’opportunité de lui faire entendre que nous allons de l’avant, que nous sommes conscients du travail à accomplir et que nous saurons être présents au rendez-vous de la réussite malgré la crise que nous traversons, pour notre avenir, notre devenir et ceux de nos enfants.
Certes, cela ne sera pas de tout repos. La flexibilité, la remise en question, l’adaptabilité, le perpétuel mouvement sont le quotidien du tourisme. Mais n’est-ce pas une aventure extraordinaire, un échange enrichissant qui nous attend tous ? Une porte professionnelle pleine d’avenir pour les nouvelles générations ? S’ouvrir au monde pour mieux le recevoir, tel serait mon leitmotiv pour les années à venir et ma contribution personnelle (parmi tant d’autres) pour promouvoir, communiquer et faire passer ma passion pour la terre de mes ancêtres, qui en a vu plus d’une et qui a toujours su se relever des épreuves avec fierté et grandeur.

Franck Elivion
Nantes


Le chikungunya dans le “Midi Libre”

Dans le “Midi Libre” d’hier, un éditorial fait un parallèle entre le démantèlement du porte-avions “Clémenceau” et l’épidémie de chikungunya. Il interroge : "nos gouvernants seraient-ils restés si peu actifs si, par exemple, l’épidémie avait touché un département de métropole au lieu d’un département d’outre-mer ?".


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