En quoi consiste la recherche entomologique ?

Chikungunya : Connaître le moustique pour le combattre

16 février 2006

Lutter efficacement contre le moustique vecteur du chikungunya nécessite de connaître son mode et cycle de vie qui évoluent à mesure qu’il colonise le milieu. C’est le sens de la recherche entomologique qui permet de confirmer le vecteur, en l’occurrence l’aedes albopictus, mais aussi, après capture, de tester sa résistance aux insecticides. Seuls ses éclairages scientifiques pourront permettre d’adapter la lutte anti-vectorielle et de transmettre des messages cohérents à la population.

Trois experts de l’Entente interdépartementale de démoustication de Méditerranée, deux de Martinique et un de Guadeloupe travaillent en étroite collaboration avec l’OMS pour faire progresser la connaissance du vecteur et permettre d’adapter la lutte. Mandaté par le ministre de la Santé, un nouveau renfort scientifique vient d’arriver dans notre île, alors que les premiers résultats des travaux entomologiques seront remis à la préfecture dès vendredi.

15 lots d’aedes positifs

Depuis deux mois, un agent de la DRASS est affecté exclusivement à la capture des moustiques. Il existe deux techniques pour s’emparer des adultes. Le piège lumineux est employé pour l’anophèle, moustique nocturne vecteur du paludisme. Pour l’aedes qui est un diurne, l’attractif chimique est utilisé. Il faut que le moustique soit capturé vivant car s’il meurt, le virus meurt également et n’est plus identifiable.
Julien Thiria, ingénieur sanitaire à la DRASS nous explique que les adultes peuvent être capturés au repos durant la journée quant ils se sont nichés sous les feuilles, dans les herbes hautes. Sur 120 lots de moustiques capturés, toutes espèces confondues, et transmis à l’Institut de médecine tropicale du Service de santé des armées à Marseille, 15 lots d’aedes albopictus ont été déclarés positifs, porteurs du virus. Le culex a été capturé, mais il n’est pas porteur, alors que l’aedes aegypti n’a pas été retrouvé depuis trois ans à La Réunion.

"...
en espérant qu’il n’y ait pas d’autres vecteurs "

Reste alors l’anophèle, car si l’aedes albopictus est bien vecteur, cela ne signifie en rien qu’il soit le seul. "C’est une question que l’on se pose, en espérant qu’il n’y ait pas d’autres vecteurs", souligne Julien Thiria, car si l’anophèle était porteur du virus, c’est toute la stratégie de lutte qui devrait être revue. Une seule expérience de laboratoire réalisée en Afrique a permis de détecter le virus chez l’anophèle de type gambiae. Cela n’a jamais été vérifié en milieu naturel, mais seul un renforcement des captures d’anophèles permettra de savoir s’il est responsable ou non de la propagation du virus. Selon l’ingénieur sanitaire, la forme épidémique actuelle ne permet pas de recoupement avec l’anophèle qui est un moustique rural alors que l’aedes est urbain. Dans les vieux cahiers d’entomologie de La Réunion, l’aedes a été retrouvé jusqu’à 1.050 mètres d’altitude. Julien Thiria confirme qu’il est possible de le retrouver dans les parties basses des cirques de Salazie et de Cilaos.

Tests de résistance

Une fois capturés, des tests de résistance sont réalisés sur les adultes et sur les larves, dont la capture ne pose quant à elle aucun problème. Dans chaque gobelet contenant une dose diagnostique de produit insecticide, est placée une vingtaine de larves. Vingt autres, des larves témoins, sont placées dans un gobelet qui ne contient aucun produit afin de prendre en compte la mortalité naturelle. Après 24 heures, selon le nombre de larves mortes par gobelet, une étude diagnostique de leur résistance peut être réalisée. Il faut procéder plusieurs fois à l’expérience pour obtenir des résultats fiables. Les adultes sont quant à eux mis dans des tubes fermés dont les parois sont munies d’un papier imbibé de produit. Enfin, l’évaluation par sondages permet de vérifier l’efficacité de la lutte anti-vectorielle sur le terrain.

Évaluation par sondage

Elle s’articule désormais autour du nouveau protocole de lutte et de ses modalités de mise en œuvre. S’agissant des larves, des gîtes sont répertoriés sur un périmètre de 40 à 50 maisons dans une zone déterminée, avant son traitement. La première opération de démoustication se fait de nuit avec des nébulisations d’adulticide, désormais à base de deltaméthrine. Le lendemain, les brigades effectuent un traitement adulticide et larvicide avec des pulvérisateurs solo. Quatre jours après, toujours sur la même zone, est réalisé un nouveau traitement nocturne par nébulisation. Le septième jour, les brigades larvicides refont un passage et enfin quinze jours après le début du traitement, les brigades vertes du Conseil régional opèrent des destructions mécaniques de gîtes larvaires et assurent la réhabilitation des espaces verts. C’est à peu près au onzième jour que les gîtes larvaires sont à nouveau répertoriés permettant ainsi d’évaluer l’efficacité des brigades insecticides. S’agissant des adultes, la DRASS envisage de placer des pièges pondoirs avant et après traitement. Ce sont des boîtes en fer, peintes en noir pour permettre le réchauffement de leur contenant d’eau, offrant ainsi un lieu de ponte idéal pour les femelles. Elles sont ensuite placées à hauteur d’Homme. Le nombre d’œufs retrouvés avant puis après traitement permettra d’obtenir une valeur globale de la population de femelle adulte encore sur le site. Parce que le vecteur peut d’abord gîter dans les eaux claires puis dans les eaux sales et enfin dans les fosses septiques, cette investigation est majeure tant elle permet d’informer la population des points stratégiques de pontes pour la destruction mécanique des gîtes.

Estéfani


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