Tribune libre

Chikungunya et recherche : les médecins généralistes se rebellent

4 mars 2006

Le 30 janvier, réunion à la préfecture avec le ministre de la Santé ; un certain nombre de documents lui sont remis en mains propres et des idées de recherche lui sont exposées devant l’ensemble des institutionnels de l’île.
Le 2 févier, réunion avec la nouvelle directrice de la DRASS, partante pour tous les projets que nous avons et prête à les soutenir.
Les 6, 8 , 9 et 10 février, réunions d’informations des professionnels de santé aux quatre coins de l’île, fortement “incitées” par le ministre quelques jours auparavant ; celles-ci se déroulent dans des conditions déplorables, à des horaires incongrus pour les médecins ou infirmiers libéraux.
Depuis, les professionnels de santé ne sont uniquement informés que par les médias (merci à eux). Aucune communication directe avec la base, pas un groupe de travail ou de réflexion associant de façon rigoureuse la médecine de terrain, rien qui se soit mis en place sous l’égide de nos instituions. Grave et lamentable à la fois. Et pourtant, des idées foisonnent de toutes parts, chacun dans son coin.

Les 15 et 16 février, les médecins généralistes sont enfin invités par les hospitaliers pour faire un groupe de recherche... mais en plein après-midi !
Le 20 février à la Région, réunion du groupe de travail interprofessionnel, sous la présidence de la vice-présidente Mme Catherine Gaud, qui affirme qu’il fallait être concret et agir sans “réunionnite” à outrance. (...)
Tous les jours, depuis que le Premier ministre a promis 9 millions d’euros dans la recherche, on voit fleurir tout un tas de “spécialistes” ou “représentants” des professionnels dans les médias, “spécialistes” que nous n’avions jamais entendus avant, alors que des cris d’alarme avaient été poussés depuis des mois.
Avec MÉDOCÉAN, nous revendiquons de par nos actions passées de visites de pairs et de groupes de pairs, actions reconnues bien au-delà des mers, d’être au moins entendus dans nos propositions. (...)

Une prochaine réunion du groupe de travail se déroule le 9 mars prochain à la Région (au Département ?). Nous espérons bien avoir des réponses concrètes à ce propos.
Comment connaître l’ensemble des signes cliniques de cette maladie si on n’interroge pas les médecins ? Comment connaître les traitements pris par les patients (parfois en automédication) si on ne les interroge pas eux-mêmes ? Comment évaluer la prise en charge de la douleur si ce n’est en faisant des études avec une méthode rigoureuse et le moins de biais possible et non simplement en demandant l’avis de quelques personnes prônant pour leurs paroisses et fortement médiatisé ensuite ?
Comment ne pas sauter sur l’occasion unique qui se présente pour faire de la recherche tous azimuts et sans a priori sur les formules chimiques adéquates ? La médecine traditionnelle réunionnaise pourrait peut-être apporter des pistes de recherche. Sont-elles prises en compte ?
Pourquoi ne pas adresser une grille (simple et facile à remplir) à l’ensemble des 1.135 médecins libéraux de l’île pour leur demander leur avis puis ensuite déterminer les signes cliniques les plus fréquents (les malaises d’origine indéterminée sont de plus en plus fréquents dans nos cabinets sans que personne s’en émeuve) et sans se contenter du seul retour des médecins sentinelles (dont je fais partie d’ailleurs) et comprendre pourquoi la prévalence réelle de la maladie a été sous-estimée pendant plusieurs mois. L’ensemble des professionnels de santé aimerait enfin être écouté.
Messieurs et mesdames les décideurs, vous possédez les moyens financiers et logistiques. Nous pouvons vous offrir des moyens humains et motivés... quoiqu’un peu fatigués actuellement.
En tous les cas, nous serons très vigilants sur la répartition et l’utilisation des fonds alloués à cette recherche et nous demandons à Monsieur le Préfet une grande clarté dans ce domaine. De l’argent pour qui, pour quoi, et dans quel but ?

Voilà plus d’un mois que des propositions concrètes ont été faites verbalement lors de différentes réunions (le temps nous manque pour élaborer des projets écrits et bien structurés). Fédérer les forces vives ne coûte pas cher ; il suffit d’en avoir la prétention et l’ambition, d’avoir un bon carnet d’adresses et de disposer d’une logistique suffisante pour contacter les différents intervenants.
Est-ce le cas actuellement de nos élus ? Réponse le 9 mars ? Les erreurs du passé ont toutes les chances de se renouveler pour d’autres pathologies si nos décideurs locaux ne prennent pas un peu plus en compte ce qui se passe réellement sur le terrain. Cette épidémie n’est qu’un exemple parmi tant d’autres du déficit d’informations qui descendent d’en haut et qui remontent de la base et qui pénalisent avant tout... les patients.
À quand d’autres réunions d’information destinées aux professionnels de santé à des heures adaptées à leur travail ? C’est la seule façon d’avoir une réponse commune aux multiples questions que nous posent tous les jours nos patients.
Nous persistons à avoir confiance en nos institutions et nous admettons aisément que le travail de communication entre nous tous, est un travail difficile actuellement. Nous sommes prêts à aider toutes les bonnes volontés à gérer au mieux cette crise en apportant nos contributions concrètes, au moins dans le domaine de la Santé qui nous est cher.

Dr Philippe de Chazournes,
président de MÉDOCÉAN


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