Les Réunionnais rendus responsables de l’épidémie à La Réunion, et qui serait coupable en France ?

Chikungunya : la population sera-t-elle accusée ?

24 juillet 2008, par Manuel Marchal

Face à l’éventualité d’une épidémie de chikungunya, l’Etat a mis en place un vaste plan de prévention. Si jamais une épidémie se déclenchait, la population française serait-elle accusée d’être responsable de la situation ? C’est en tout cas ce qui s’est passé à La Réunion, où la conséquence de l’inaction de l’Etat a été le drame que toute La Réunion a connu.

À La Réunion, les autorités ont rejeté sur les Réunionnais la responsabilité de la propagation de l’épidémie. En France, la population pourrait-elle être culpabilisée de la sorte ?
(photo Toniox)

« Le moustique vecteur du chikungunya n’est pas implanté en Ile-de-France. Il n’y a donc aucune possibilité de transmission large du virus dans la région », explique-t-on à la Direction générale de la santé. Au lendemain de l’annonce d’un diagnostic de chikungunya, l’administration donne son verdict.
Quatre jours après l’annonce par Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, d’un plan de lutte anti-chikungunya, la première alerte semble donc, selon les services sanitaires, une impasse épidémiologique.
Malgré tout, dans le Sud de la France, des mesures sont prises. Mais qu’adviendrait-il si le virus passait à travers les mailles du filet ? Autrement dit, si une épidémie se déclenchait, prenant en défaut le dispositif mis en place, quelle serait la réaction des autorités ?
A La Réunion, rien n’a été fait pendant des mois pour circonscrire l’épidémie, et ce sont les Réunionnais qui ont été désignés coupables. En France, la population sera-t-elle accusée d’être responsable de la propagation du virus si une épidémie se déclenche ?
Entendra-t-on les plus hautes autorités dire que si le chikungunya se répand, c’est parce que les habitants jettent leurs déchets n’importe où, ou parce qu’ils voyagent trop ? (voir encadré). Et si jamais un Réunionnais importait le virus en France, que dirait-on sur La Réunion ? La réponse à ces questions apportera sans nul doute une clarification sur la manière dont des responsables parisiens considèrent les Réunionnais.
Si jamais le virus s’étendait en France, le choix de la méthode contribuerait également à la clarification. À La Réunion, des responsables envoyés par Paris se sont assis sur le principe de précaution (voir encadré) et ont décidé de répandre massivement des produits chimiques toxiques. Pourtant, une autre possibilité existe. C’est celle de donner à la population le moyen d’assurer elle-même sa sécurité sanitaire sans aucun risque pour l’environnement. Ce moyen, c’est la distribution du Bti dans tous les quartiers. C’est ce que proposait notamment le Parti communiste réunionnais.
Mais les Réunionnais n’ont pas été écoutés, et l’usage du Téméphos et du Fénitrothion a nui à la faune réunionnaise, sans compter les nombreuses personnes intoxiquées.
En France, la population sera-t-elle écoutée, ou devra-t-elle subir des épandages à forte dose de produits toxiques ?
Le gouvernement apporte une première. Le communiqué du ministère de la Santé diffusé vendredi dernier souligne en effet que « l’épidémie de chikungunya à La Réunion avait montré à quel point l’effort des particuliers s’avère essentiel dans la lutte contre la prolifération des insectes vecteurs ».
Cela veut dire que contrairement à ce qui s’est passé à La Réunion, la méthode choisie par l’Etat s’appuiera sur la population, et cette dernière sera donc au cœur de la bataille.
Alors pourquoi ne pas avoir utilisé cette méthode d’emblée à La Réunion ? Pourquoi cette différence de traitement ?

Manuel Marchal


Les Réunionnais désignés coupables

Lors d’une conférence de presse le 4 janvier 2006, le préfet affirme : « chaque individu est responsable de sa situation ».

Dans "Le Quotidien" du 14 janvier, un responsable de la DRASS explique l’augmentation du nombre de malades par l’explication suivante : « le déplacement des personnes malades pendant les fêtes ».

« Pourquoi cette inertie pendant d’aussi longs mois ? Pourquoi projeter sur les Réunionnais la responsabilité de la propagation du virus, alors que les choses, dès le départ, n’ont pas été prises au sérieux par les autorités ? », extrait d’une lettre de 32 médecins du Sud publiée le 18 janvier 2006 dans la presse.

« Face à la crise croissante, il est inadmissible qu’on continue à culpabiliser et à montrer du doigt la population réunionnaise », extrait d’un communiqué d’Agir Pou Nout Tout daté du 7 février 2006.

Le 21 juillet 2006, Didier Houssin, directeur général de la Santé, estimait lors d’une conférence de presse que la première priorité est de nettoyer les cours.


« Ici, il y a de l’argent »

Sous la pression de la population, l’Etat a dû abandonner les épandages massifs d’insecticides toxiques. Une stratégie mise en œuvre au mépris du principe de précaution, comme le rappelle une conférence de presse tenue le 8 février par deux entomologistes en mission à La Réunion, André Yebakima et Jean-Paul Boutin.
« Le principe de précaution complique les choses. Il permet d’ouvrir le parapluie et plus personne ne prend ses responsabilités (...) dans le monde, j’ai pulvérisé le Fenitrothion à l’intérieur des maisons. Les gens sont revenus chez eux 1 heure après. Je n’ai jamais enregistré de problème ou de mort d’animaux », ainsi s’exprimait le 8 février 2006, André Yebakima, à propos de l’utilisation d’insecticides chimiques nuisibles à l’environnement. « C’est justement parce que c’est un toxique qu’il est efficace contre les moustiques », renchérissait son collègue Jean-Paul Boutin.
Toujours le 8 février, les deux spécialistes étaient interrogés sur le refus d’utiliser le Bti. « Ce n’est pas un problème de coût. Ici à La Réunion, il y a de l’argent », ont-ils dit.

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Messages

  • je viens de lire cet article, et ,je veux donner mon avis .Je pense que chacun a eu et a sa part de responsabilité .L’état , representé par nos élus , a sans aucun doute mis trop de temps à réagir et agir ,la population a été assi trop laxiste et pas assez solidaire .Aujourd’hui , on retrouve un phénomène flagrant : l’assistanat du moustique comme je l’appelle. Cet assistanat s’étend ausi au respect de l’environnement .Chacun est responsable de ses actes , oui je le pense .Pourquoi attendre une invasion de rats , de moustiques pour agir , ou appeler les services compétents .Si chacun avait chaque jour , des gestes de prévention , des actes de citoyen , on éviterait déjà la moindre épidémie ?Pourqoui attendre les actions des communes , de la DRASS, des associations pour penser au tas de saletés qui traîne depuis ds mois dans sa cour ?
    Par contre , je souligne que c’est bien joli de nettoyer devant notre porte mais nous ne sommes qu’une île parmi d’autres tout prés de nous , et que il est indispensable pour irradiquer les épidémies , d’agir autour de chez nous .
    Pour conclure , je suis pour des sanctions pénales pour des actes ( dépôts sauvages d’ordures , jet de papiers ou autre sur la voie publique , dechets ’oubliés’ aprés le pique-nique , dépotoires d’ordures de carcasses de voiture dans sa cour etc, en fait toutes actes qui peut nuire à soi même et autrui ).Il faudrait aussi penser à ce que chacun puisse avoir un composteur , des poubelles adaptées .


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