Di sak na pou di

Chikungunya : lettre au ministre de la Santé

13 février 2006

Monsieur le Ministre
Face à l’ampleur de l’épidémie de chikungunya qui sévit actuellement, l’ensemble des médecins généralistes de La Réunion fait preuve d’une mobilisation sans faille afin de soulager, soutenir, informer, conseiller la population.
Devant ce qu’il faut reconnaître comme une pathologie nouvelle, ou du moins comme une pathologie non complètement étudiée, très nombreux sont les médecins généralistes qui se partagent leurs expériences de terrain à travers toutes les formes d’échanges, réunions ou forums électroniques, afin de proposer aux patients les soins les plus adéquats, la littérature concernant la thérapeutique du chikungunya étant, comme chacun le sait, particulièrement pauvre ; ces échanges mettent par ailleurs en relief une diversité de formes cliniques qui, compte-tenu du nombre considérable de victimes, gagneraient à être recensée afin de cerner plus complètement cette virose ; de même, l’efficacité et l’innocuité ou non des traitements, vues à travers l’expérience des confrères de La Réunion, constituent une mine de renseignements ! Ils ont vu et continuent à voir tant de victimes !
Les médecins généralistes se mobilisent en effet de façon exceptionnelle pour faire front au chikungunya ; jusqu’à saturation ; au dépens d’autres problèmes de santé publique ; au dépens de la totale liberté d’accès aux soins.
Nous sommes en effet dans un contexte de réforme du système de soins ; le nouveau dispositif conventionnel qui s’impose à tous les médecins, et ainsi à tous les assurés, est particulièrement pénalisant actuellement pour la population, du fait de l’omniprésence du chikungunya.
Sur un plan médical, les affections de longue durée (diabète, hypertension artérielle, cancers, ...) doivent être transcrits sur un protocole nouveau, strict, selon une procédure paperassière, avec un délai de 15 jours ... ; tâches administratives dont ne peuvent s’acquitter les médecins généralistes que fort difficilement actuellement et tant que durera l’épidémie de chikungunya. Le résultat en est que les patients atteints de maladie de longue durée risquent ainsi de perdre leur prise en charge à 100%, situation dramatique puisque leurs traitements sont la plupart du temps extrêmement coûteux.
Sur un plan financier, la codification qu’impose le dispositif conventionnel depuis le 1er janvier 2006, sous peine de pénalisation financière des assurés, est très complexe ; elle comporte par ailleurs de nombreux bugs et n’a pas prévu beaucoup de situations de terrain ; les médecins généralistes ne peuvent se permettre de vérifier leurs feuilles de soins en ces temps d’épidémie explosive ; le remboursement des patients est moindre ; le tiers-payant, c’est-à-dire la gratuité, est remise en question et disparaît.
Alors que, compte-tenu de l’importance de l’épidémie de chikungunya, tout assuré devrait pouvoir avoir accès aux soins sans obstacle financier. La mise en application d’un dispositif conventionnel, destiné à faire des économies à la Sécurité sociale, qui plus est grâce à une pénalisation aveugle sanctionnant même lorsque les assurés sont de bonne fois, est particulièrement mal venue en cette période d’épidémie.
Il serait donc opportun et juste que le Gouvernement surseoit à la mise en application du dispositif conventionnel jusqu’à extinction de l’épidémie de chikungunya.
De même, le décret attendu de façon imminente sur la participation financière des bénéficiaires de la CMU en hors-parcours de soins, gagnerait à ne pas s’imposer en cette période de crise sanitaire.
C’est, dans l’interêt de la santé de la population, la demande des médecins généralistes de La Réunion.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de ma haute considération.

Copies :

- Préfet

- Députés et Sénateurs

- Président du Conseil régional

- Présidente du Conseil général

- Maires de La Réunion

- Directeur de la CGSS

Dr Jean Cheung Toi Cheung,
président du Syndicat des médecins généralistes (MGRéunion)


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