C’est avec consternation que les médecins du Sud et en particulier de Saint-Louis et de La Rivière Saint-Louis suivent les comptes-rendus de l’épidémie de chikungunya par les représentants de l’État et les fonctionnaires du secteur sanitaire à La Réunion. Après une chape de silence maintenue sur le sujet depuis mars 2005, l’information autant que la désinformation explosent en même temps que l’épidémie :
difficile en effet de garder le silence sur une telle situation sanitaire. Difficile aussi, pour nous médecins qui sommes sur le terrain depuis 10 mois, d’entendre qualifier aux informations télévisées le chikungunya “d’une sorte de grippe avec le dos courbé” par notre ministre de l’Outre-mer ! Pas de quoi effrayer le touriste en effet, ni qui que ce soit en métropole où là-bas, régulièrement l’hiver, la grippe sévit accompagnée de ses courbatures.
Il est vrai que cette maladie n’est pas mortelle, on peut s’en réjouir dans cette petite île éloignée des ministères. Néanmoins, nous tenons à préciser que dans de très nombreux cas, cette “sorte de grippe” peut durer jusqu’à 6 mois voire plus chez certains sujets sensibles. Maladie invalidante, elle nécessite des arrêts de travail répétés, des traitements anti-douleur parfois assez lourds. Sur la demande et la pression de malades soumis à des désagréments les empêchant de mener une vie normale, n’y aura-t-il pas à la longue des accidents dus aux prescriptions d’anti-inflammatoires ou de cortisone ?
Pourquoi cette inertie pendant d’aussi longs mois ? Pourquoi projeter sur les Réunionnais la responsabilité de la propagation du virus alors que les choses dès le départ n’ont pas été prises au sérieux par les autorités ? Le chiffre de 7.600 cas déclarés pour tout le département est un mensonge que nous espérons par omission, à quelques centaines près, il correspond au nombre de malades sur le secteur de Saint-Louis à lui seul. Nous prenons à présent comme un affront ce chiffre officiel, quel respect les responsables sanitaires locaux ont-ils aujourd’hui pour nous professionnels débordés de travail ?
Tout donne à penser que ce chiffre de 7.600 cas n’augmentera que très lentement pour les autorités : la rupture de stock de réactifs pour les analyses de sang conjuguée avec la consigne donnée aux médecins de ne plus prescrire de prélèvements contribueront à garder un flou confortable sur les chiffres officiels. Cette manifestation de colère n’a pas d’autre objectif que de défendre une vérité nécessaire à la confiance que tout patient est en droit d’avoir en son médecin de famille. Nous ne serons pas complices d’aucuns intérêts politico-économiques.
Soucieux de dénoncer les effets douloureux, invalidants et bien plus conséquents de cette maladie que ceux d’une simple grippe, nous demandons aux autorités de faire fi des querelles, culpabilités et autres nuisances empêchant une réelle compassion envers une population touchée aussi fortement par ce fléau. Retrouvons des bases saines de dialogue, avec des chiffres et des qualificatifs plus en rapport avec la réalité.

Copies adressées au “Quotidien”, “Journal de l’île”, “Témoignages”

Docteurs :
Ah-Fa Gilbert
Maillard Thierry
Alquier Pascal
Martin Pierre
Astier Claude
Mercier Sylvain
Auberval Marc
Michel François
Bardin Jean-Pierre
Omariée Saîd
Benoit Dominique
Petiteau Serge
Bouquet Mauricette
Pinquié Carole
Devasle Philippe
Richiéro Lionel
Gibert Delphine
Richiéro Stephane
Gomard Philippe
Saison Ahu Thu
Heriard Benoit
Salinas Alain
Hirsch Marc
Tabailloux Manuel
Joyet Jean
Thiebaud Bernard
Le Bars Philippe
Thomas Pascal
Lemée Pascale
Tizon Christian
Loggia Umberto
Todesco Richard