Application du principe de précaution

Chikungunya : pourquoi une telle différence de traitement entre La Réunion et la France ?

23 juillet 2008

Vendredi dernier, Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, est montée au créneau. Alors même qu’une épidémie de chikungunya n’est qu’une simple éventualité pour la France, un plan d’action est mis sur pied afin d’anticiper tout risque. C’est la mise en application du principe de précaution. En 2005, alors que des premiers cas de chikungunya ont été déclarés à La Réunion, le principe de précaution n’a pas été appliqué. Le résultat a été une catastrophe sanitaire, économique et écologique dont nous continuons à payer le prix. A cette époque, face au risque de la grippe aviaire, le gouvernement avait mis en place des actions préventives en France, mais à La Réunion, l’autorité compétente a laissé pourrir la situation. Pourquoi une telle différence de traitement entre La Réunion et la France ?

Le 18 juillet à Nice, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, a annoncé les grandes lignes d’un plan de lutte anti-chikungunya (voir encadré). Prenant en considération l’épidémie survenue l’an passé en Italie, le gouvernement applique le principe de précaution. Nul doute que l’annonce d’un cas diagnostiqué de chikungunya en région parisienne va encore amplifier la surveillance.
Alors qu’il n’y a pas aujourd’hui d’épidémie en France, un ministre monte au créneau. Car le risque existe, du fait de la présence du moustique Aedes albopictus dans plusieurs régions du Sud de la France. Cet insecte est le vecteur du chikungunya.
Si pareil dispositif avait été déployé en 2005, lors du début de l’épidémie à La Réunion, ce sont des dégâts irréparables qui auraient pu être évités. Mais à cette époque, le principe de précaution n’a pas été appliqué. Chacun peut constater le résultat de cette attitude qui a consisté à laisser pourrir la situation.

Un an pour réagir

Le chikungunya a touché plus de 250.000 Réunionnais, des centaines sont morts, des milliers gardent des séquelles. Des millions d’heures de travail ont été perdues, de nombreuses entreprises ont été en difficulté, le secteur du tourisme a été très gravement touché.
Il a fallu que des parlementaires réunionnais montent au créneau pour que le gouvernement prenne enfin la mesure de la catastrophe. Le 10 novembre 2005, la sénatrice Gélita Hoarau intervenait au Sénat. Alors que le débat portait sur la grippe aviaire, Gélita Hoarau alertait sur la « réalité actuelle d’une véritable catastrophe sanitaire » provoquée par le chikungunya. Le 29 décembre, la députée Huguette Bello adressait une question écrite à Xavier Bertrand, ministre de la Santé. Elle mettait en garde contre le risque d’un « scénario dramatique » et déplorait les moyens insuffisants dégagés par l’Etat pour lutter contre la maladie.
Cinq jours plus tard, le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer qualifiait encore le chikungunya de « grosse grippe » qui fait marcher le dos courbé.
La mobilisation continue des parlementaires, à travers notamment une audition de Gélita Hoarau au Sénat et la proposition de création d’une mission d’information parlementaire par Huguette Bello, a fini par aboutir sur une prise de conscience du gouvernement. Mais elle n’eut lieu qu’un an après le début de l’épidémie, alors que le chikungunya avait déjà fait des dégâts irréparables dans plusieurs familles de notre pays. C’est un délai inacceptable dû au refus du gouvernement de répondre à l’appel au secours des Réunionnais.

« Le parallèle est édifiant »

Car force est de constater qu’au même moment, le principe de précaution était appliqué pour la grippe aviaire. A la moindre alerte, ce sont des départements entiers qui étaient soumis à la surveillance la plus étroite. Il faut d’ailleurs rappeler que l’intervention de Gélita Hoarau en novembre 2005 a eu lieu au moment où le Sénat discutait de la grippe aviaire. Autrement dit, à Paris, le débat était bien plus avancé quant au risque éventuel d’une épidémie touchant des volailles que sur les conséquences dramatiques d’une maladie très grave touchant depuis des mois une région de la République.
A la veille de la venue de Dominique de Villepin dans notre île, cette différence de traitement donnait lieu à ce commentaire dans l’éditorial de "l’Humanité" du 24 février 2006 : « Le parallèle est édifiant : mieux vaut être poulet en métropole que Créole sous les tropiques ».
Gageons que sur la base des enseignements de la crise du chikungunya, le principe de précaution soit dorénavant toujours pleinement appliqué à La Réunion au même titre qu’il l’est déjà en France.

Manuel Marchal


Chikungunya : le plan du gouvernement

Voici le communiqué de presse du ministère de la Santé décrivant les grandes lignes du plan de lutte contre le chikunugunya et la dengue annoncé le 18 juillet dernier par la ministre de la Santé.

« Alors que le plan 2007 était composé de 3 niveaux de risque à titre de prévention, le plan 2008 s’est renforcé de 3 autres niveaux pour gérer une éventuelle épidémie au niveau national :
Niveau 3 : détection de cas groupés.
Niveau 4 : détection de plusieurs foyers.
Niveau 5 : gestion épidémique.
Cette actualisation s’est révélée nécessaire suite à l’épidémie de chikungunya survenue en Italie du Nord en août 2007 et qui a recensé près de 250 cas. Elle intervient pour anticiper une éventuelle épidémie et renforcer la sensibilisation des professionnels et de la population locale.

Un plan de communication élaboré pour informer et mobiliser la population

Un plan de communication a également été préparé cette année par les services du ministère et avec la participation de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) pour favoriser l’information et la communication par les autorités locales et nationales, et sensibiliser la population sur la gestion épidémique. Un « dossier spécial chikungunya » sera notamment diffusé prochainement par e-mailing auprès des professionnels.

Roselyne Bachelot-Narquin s’est également entretenue avec les acteurs du dispositif de prévention et de lutte (pharmaciens, équipes départementales, Conseil général et Entente interdépartementale de démoustication (EID) chargée de la veille entomologique et de la lutte contre l’Aedes albopictus) et leur a renouvelé son soutien.

La ministre est revenue sur l’introduction de l’Aedes albopictus, encore appelé « moustique tigre », sous surveillance depuis 1998 et qui a d’abord colonisé les Alpes maritimes en 2004, la Haute-Corse en 2006, et la Corse du Sud et le Var en 2007. De manière générale, les régions PACA, Corse et Languedoc-Rousillon sont les zones géographiques qui présentent un fort potentiel de développement d’Aedes albopictus.

Roselyne Bachelot-Narquin a également rappelé qu’une dizaine de cas d’importation étaient survenus l’an dernier dans le Sud de la France (principalement de dengue) et que la réaction rapide des services de la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS), du Conseil général des Alpes-Maritimes et de l’Entente interdépartementale de démoustication (EID) avait permis de contrôler la situation.
La ministre a insisté sur le rôle des professionnels de santé dans l’information à la population, au sein desquels le pharmacien, par son rôle de conseil de proximité, joue un rôle de premier plan.

Elle a enfin rappelé que l’épidémie de chikungunya à La Réunion avait montré à quel point l’effort des particuliers s’avère essentiel dans la lutte contre la prolifération des insectes vecteurs. »

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