Fin de la quarantaine et tests obligatoires avant l’embarquement à partir du 18 juillet

Coronavirus à La Réunion : inquiétantes failles dans la nouvelle stratégie de l’Etat

16 juillet 2020, par Manuel Marchal

L’État a présenté sa nouvelle stratégie de lutte contre le coronavirus à La Réunion, dans une optique de retour à la normale surtout sur le plan des vols entre la France et La Réunion : fin de la quarantaine et deux tests à réaliser pour les passagers transitant par un aéroport parisien : le premier 72 heures avant le décollage et le second une semaine après l’arrivée à La Réunion. Faute de mesures contraignantes, tout repose sur une valeur : le civisme. En effet, l’expérimentation a montré que le test préalable à l’embarquement n’est pas une garantie suffisante. Il doit obligatoirement être suivi d’un test 7 jours après l’arrivée. Seule la quarantaine jusqu’au résultat négatif du second test permet alors de circonscrire l’éventualité d’un cas importé susceptible de faire de graves dégâts sanitaires à La Réunion. La nouvelle stratégie de l’État n’a pas encore les moyens d’assurer que tous les passagers venus de France pourront passer un test 7 jours après l’arrivée et supprime la quarantaine. Dans ces conditions, l’épidémie de coronavirus ne peut que s’aggraver à La Réunion.

La quarantaine en centre dédié avait permis de circonscrire les cas de COVID-19 importés à La Réunion. Cette protection n’existe plus.

La fin de l’état d’urgence sanitaire a pour conséquence principale à La Réunion un allègement des contrôles des passagers en provenance de France. Depuis le 11 juillet, il n’est plus possible juridiquement d’imposer une quarantaine à une personne venant d’une zone considérée comme verte par le gouvernement français. Si la quarantaine reste la règle pour tous les passagers arrivant à La Réunion, exception est faite pour les personnes qui ont transité par un aéroport situé en France avant de venir à La Réunion. Officiellement, c’est la baisse de l’intensité de l’épidémie en France qui explique ce relâchement des contrôles, impliquant la fin de la quarantaine pour les passagers venant de ce pays.
Pour maintenir un certain niveau de sécurité, la France a mis en place de nouvelles modalités d’entrée à La Réunion à partir du 18 juillet prochain. Hier en conférence de presse, le préfet Jacques Billant, Étienne Billot, directeur adjoint de l’Agence régionale de Santé de La Réunion, et le Docteur Martine Servat (ARS) ont présenté la nouvelle stratégie de l’État visant à lutter contre l’épidémie de COVID-19 à La Réunion.
Le préfet évoque 3 garanties. La première est « le contrôle aux frontières » qui repose sur le test COVID-19. L’État et les compagnies aériennes ont lancé une expérimentation visant à raccourcir la quarantaine à une semaine au lieu de deux, en échange de la présentation du résultat d’un test de dépistage négatif avant l’embarquement, et d’un engagement pour nouveau test de dépistage à réaliser à la fin de la semaine de quarantaine. En cas de résultat négatif à J+7, la personne concernée a le droit de sortir de chez elle, à condition d’éviter les lieux fréquentés, les réunions de travail et de porter un masque dans l’espace public jusque J+14. Ce sont désormais 90 % des passagers qui choisissent de faire ce test préalable. A compter du 18 juillet, la procédure sera analogue à un détail près : la fin de la quarantaine.

Le civisme pour empêcher une circulation active du virus

Le retour vers une fréquence supérieure à 20 vols par semaine en provenance de la France, ainsi que l’allègement des contrôles imposés aux nouveaux arrivants, rendent essentielle la seconde garantie évoquée par le préfet : la promotion des gestes barrière.
Enfin, l’ARS lance une vaste campagne de dépistage du COVID-19 et de la dengue sur les marchés. C’est la troisième garantie qui s’inscrit dans le suivi rigoureux des cas contact. Conséquence prévisible du maintien de l’ouverture de l’aéroport aux vols venant de France depuis le début de la crise, de l’augmentation de la fréquence des vols en provenance de ce pays contaminé par le COVID-19, et du manque de moyen pour réaliser les tests une semaine après l’arrivée à La Réunion, le nombre de cas autochtones connaît une inquiétante augmentation. Le but de l’ARS est donc de détecter si une circulation du virus est présente dans un secteur et de prendre les dispositions nécessaires. Contrairement à la dengue où tous les cas sont autochtones, il est pour le moment exclu que les autorités sanitaires communiquent sur les lieux précis où se situent des contaminés, tant que la présence d’une chaîne de contamination n’apparaît pas aux yeux de ces autorités. Rappelons que dans notre île, plus de 70 % des cas confirmés sont des personnes qui viennent de France et qui ont donc importé le virus à La Réunion.
Enfin, la préfecture et l’ARS ont présenté une campagne de communication pour accentuer la lutte contre trois dangers à La Réunion : l’épidémie de dengue, la pandémie de COVID-19, et la banalisation de ces deux maladies.
Tout le dispositif de l’État repose sur une valeur : le civisme. Le préfet a d’ailleurs salué les efforts faits par les Réunionnais depuis le début de la crise. Cela a permis de limiter considérablement l’impact de l’épidémie dans notre île. Mais tous ces efforts risquent d’être anéantis, si la vigilance n’est pas maintenue, a dit en substance le préfet.

Graves failles de sécurité

Depuis le 11 juillet et jusqu’au 18 juillet, il est donc possible de venir à La Réunion en signant une simple attestation sur l’honneur. En conséquence, la préfecture a décidé de renforcer les équipes médicales à l’aéroport afin de donner une possibilité de test aux passagers qui ne l’ont pas fait avant d’embarquer. Lundi, sur 600 passagers arrivés, 37 se sont vus proposer un test de dépistage à leur arrivée. D’après l’ARS, très peu de refus sont à dénombrer. Mais ce refus n’entraîne plus de mise en quarantaine pendant deux semaines ce qui ouvre la porte à toutes sortes de spéculations sur l’état de santé du réfractaire au test de dépistage COVID-19.
De plus, le préfet a signalé que parmi les personnes ayant présenté un test négatif à l’embarquement, plusieurs ont déjà été testées positives au coronavirus au terme de leur semaine de quarantaine.
Ce point est une grave faille dans le dispositif de l’État, car si ces personnes arrivaient maintenant, elles pourraient transmettre le virus au moindre relâchement des gestes barrière, alors qu’elles sont persuadées qu’elles ne l’ont pas.
Enfin, l’organisation des tests à réaliser une semaine après l’arrivée à La Réunion souffre d’insuffisances toutes aussi graves. Seulement 38 % des passagers assujettis à cette procédure la respecte. Le préfet note un progrès par rapport au taux de 25 % qui était observé lors de la mise en place de la quarantaine réduite à une semaine, et souligne que l’objectif est d’atteindre 100 % en mobilisant tous les laboratoires d’analyse médicale.
Sur la base de la détection de cas de coronavirus après 7 jours de quarantaine à La Réunion et 10 jours après un test négatif en France, il est donc clair que des patients venus de ce pays sont dans la nature et se peuvent se méler à la population avec tous les risques que cela comporte.
Pour « Témoignages », ce décalage entre un nombre de tests effectués inférieur de plus de la moitié au nombre des tests à réaliser est « extrêmement inquiétant ». Réponse du préfet : « pas du tout ».

Les conditions de l’aggravation de l’épidémie

Conclusion : l’expérimentation a montré que le test préalable à l’embarquement n’est pas une garantie suffisante. Il doit obligatoirement être suivi d’un test 7 jours après l’arrivée. Seule la quarantaine jusqu’au résultat négatif du test permet alors de circonscrire l’éventualité d’un cas importé susceptible de faire de graves dégâts sanitaires à La Réunion.
La nouvelle stratégie de l’État n’a pas encore les moyens d’assurer que tous les passagers venus de France pourront passer un test 7 jours après l’arrivée et supprime la quarantaine. Dans ces conditions, l’épidémie de coronavirus ne peut que s’aggraver à La Réunion.

M.M.

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