Nombre indéterminé de cas de coronavirus importés dans notre île depuis la France : quand explosera la bombe à retardement ?

Coronavirus à La Réunion : confinement plus long qu’en France à craindre

2 avril 2020, par Manuel Marchal

A quelques adaptations près, les mesures mises en œuvres par les autorités sont les mêmes qu’en France. Elles n’avaient pas pour but d’empêcher l’entrée du coronavirus au nom d’un principe de « continuité territoriale ». Pendant ce temps, l’arrivée de milliers de passagers pas contrôlés a créé les conditions d’une bombe à retardement qui fait craindre un pic de l’épidémie plus tardif qu’en France, et donc le maintien du confinement dans notre île plus longtemps qu’en France où les activités pourront reprendre plus tôt. Qu’en sera-t-il de La Réunion ? Les Réunionnais ne seront-ils alors pas jugés comme indésirables en France, à moins de subir une sévère quarantaine ?

Pendant plusieurs semaines, des milliers de personnes venant de l’épicentre mondial de l’épidémie de coronavirus ont pu entrer sans contrôle à La Réunion.

Actuellement, l’Europe est, avec les USA, l’épicentre mondial de la pandémie de coronavirus. Ainsi, avec plus de 4000 morts dans les hôpitaux auxquels doivent se rajouter tous les autres pas pris en compte dans les statistiques françaises, la France compte désormais plus de morts qu’en Chine et beaucoup plus que la Corée du Sud, pays de population équivalente qui a adopté une autre stratégie face au virus.
Le premier cas de coronavirus à La Réunion annoncé par les autorités date du 11 mars. Depuis, ce sont 281 personnes, nombre officiel, qui ont été contaminées. De plus, La Réunion compte un cas autochtone, sans aucun lien avec les personnes qui ont amené le virus dans notre île et qui sont connues des autorités.
Cette situation découle d’une stratégie qui avait été annoncée le 11 mars : ne pas empêcher le coronavirus d’entrer à La Réunion et attendre le retour des vacances de Réunionnais partis en France. Par conséquent, il a fallu attendre le 30 mars pour qu’enfin soit mise en place une quarantaine stricte dans des centres dédiés sous la surveillance de la police pour les nouveaux arrivants.

Hôpitaux saturés en France, bientôt à La Réunion ?

Bien avant le 11 mars, plusieurs Etats avaient pris des mesures drastiques pour empêcher l’entrée du virus dans leur pays. Ils motivaient les quarantaines imposées aux arrivants par le fait que le système de santé du pays n’était pas en capacité de faire face à une épidémie généralisée de coronavirus.
En France, la capacité du service de santé est mis à rude épreuve. Face à l’urgence, un tri des patients est opéré en fonction de l’âge. Après les hôpitaux de l’Est saturés, ce sont ceux de la région parisienne qui commencent à être débordés. Des évacuations sanitaires vers d’autres régions moins touchées ou en Allemagne sont opérés en train ou en avion militaire. Autrement dit, là où en France des hôpitaux ont multiplié par deux ou trois leur capacité d’accueil en réanimation, cela ne suffit pas. Donc, le système sanitaire de la France, un des pays les plus riches du monde, s’approche chaque jour de la saturation. Qu’en sera-t-il à La Réunion ?
En effet, dans notre île, l’augmentation de la capacité d’accueil en réanimation a été augmentée de 50 % indique l’ARS. Cette hausse apparaît bien insuffisante si La Réunion était confrontée à la même crise qu’en France. Et cette hypothèse est possible, compte tenu du fait que la même stratégie est mise en œuvre qu’en France, à quelques adaptations près.

Décalage avec la France

Hier, le Premier ministre a évoqué l’après-coronavirus devant les parlementaires. Il a indiqué que la France réfléchissait à une sortie échelonnée du confinement qui dure depuis le 17 mars. Ce déconfinement pourrait être régionalisé, en fonction de la situation dans chaque région.
Notre île a été touchée par le coronavirus plusieurs semaines avant la France. Logiquement, le pic de l’épidémie devrait être atteint en France avant La Réunion, car ce sont les mêmes méthodes qui sont mises en œuvre.
Cette hypothèse n’aurait pas eu lieu d’être si dès le départ, des mesures de quarantaine stricte avaient été imposés à toutes les personnes venant de France à La Réunion depuis que le coronavirus s’est installé dans l’ancienne métropole. En moyenne, ce sont 20 vols de gros porteurs de plus de 400 sièges qui font la navette entre l’aéroport Roland-Garros et Roissy et Orly. Nos voisins ont ciblé les contrôles sur les avions venant de France, et ils sont moins touchés par le coronavirus que La Réunion.

Bombe à retardement

C’est donc une bombe à retardement qui s’est constituée à La Réunion pendant les semaines où les passagers venant de France n’étaient pas soumis à une quarantaine stricte dans des centres d’hébergement surveillés par la police.
La fameuse « avance » dont bénéficiait La Réunion dans la lutte contre le coronavirus a ainsi été perdue, faute de décisions prises pour interdire l’entrée de personnes contaminées par le COVID-19 à La Réunion, ce qui pose une fois de plus le problème de la responsabilité des Réunionnais dans les choix qui engagent l’avenir de leur pays.
Les soignants s’attendent à une vague. L’expérience du chikungunya rappelle que les hôpitaux de La Réunion étaient totalement débordés. Or, le chikungunya se transmet plus difficilement et a un taux de mortalité inférieur au coronavirus. Si cette vague arrivait, alors la situation à La Réunion serait encore plus dramatique qu’en France. En effet, les évacuations sanitaires ne seront pas possibles vers d’autres régions de la France, car c’est à 10000 kilomètres. Quant à l’appui de la marine française, le rôle assigné au porte-hélicoptères Mistral montre qu’il est d’abord là pour évacuer des ressortissants français vivant en Afrique de l’Est vers les hôpitaux réunionnais dont le personnel est déjà en tension.

Réunionnais bientôt indésirables en France ?

Dans ces conditions, il se pourrait qu’en France, le coronavirus commence à reculer tandis qu’à La Réunion le pic serait encore loin d’être atteint. Dans un tel scénario, la France pourrait envisager le déconfinement, mais il serait alors certain qu’il serait maintenu à La Réunion avec des mesures draconiennes. Il est facile de parier que les Réunionnais seront alors indésirables en France, à moins de justifier de conditions pour être autorisés à s’y rendre et d’y subir à l’arrivée une quarantaine stricte sous surveillance de la police.
Voici ce que peut signifier pour La Réunion le déconfinement généralisé, c’est-à-dire le maintien de l’état d’urgence sanitaire pour une période plus longue qu’en France, avec à la clé une stigmatisation possible des Réunionnais arrivant en France, pays où l’extrême droite est présentée comme la principale force d’opposition !
Tout ceci découle d’une chose : l’application à La Réunion de la stratégie française qui n’avait pas pour but d’empêcher à tout prix le coronavirus de s’implanter à La Réunion.

M.M.

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