En cas d’aggravation de la situation sanitaire de l’Ile-de-France

Coronavirus : « mesures évolutives » pour les vols entre Paris et La Réunion ?

22 août 2020, par Manuel Marchal

La faille du protocole sanitaire remplaçant la quarantaine par un seul test obligatoire à réaliser en France avant de se rendre à La Réunion a été dévoilée hier au grand jour par la Directrice de l’ARS. Sur la base des chiffres qu’elle a communiqués lors de la conférence de presse tenue hier en préfecture, il s’avère qu’en moyenne, 33 passagers sur 10.000 sont porteurs de la COVID-19 à leur arrivée à La Réunion. Ces personnes ont pourtant été testées négative au coronavirus 72 heures avant leur vol. Or, moins de la moitié des 1400 passagers arrivant chaque jour sont testés après leur arrivée à La Réunion, et au bout de 7 jours, d’où une incertitude sur le nombre de cas importés passés sous les radars de l’ARS. Si la situation sanitaire de l’Ile-de-France continue de se dégrader, alors se posera la question de l’interruption des vols réguliers entre Roissy/Orly et La Réunion. Interrogé à ce sujet, Jacques Billant, préfet de La Réunion, a notamment indiqué : « On en est pas là, toutes les mesures seront appréhendées ».

Photo Préfecture de La Réunion.

Lors de la conférence tenue hier par le préfet de La Réunion, la directrice de l’ARS et le secrétaire général de l’Académie de La Réunion, voici l’avant-dernière question qui a été posée (la dernière concernait le port du masque obligatoire) :
« En cas de circulation vraiment aggravée du virus en Ile-de-France, peut-on supposer une suspension des vols entre Paris et La Réunion ou pour le moins le retour des motifs impérieux ? »

Voici la réponse de Jacques Billant, préfet de La Réunion, à notre consœur :
« On en est pas là, mais je l’ai dit, toutes les mesures seront appréhendées, et c’est le travail que nous avons, Mme la Directrice de l’ARS, le préfet de La Réunion et sur le plan de l’éducation avec la Rectrice, dans le cadre de nos échanges quotidiens. Et j’en aurais encore un dans quelques dizaines de minutes avec le Centre interministériel de crise pour appréhender la situation et voir, avec eux, les mesures évolutives qui doivent être prises au niveau national, sachant que le principe de prise de décision au niveau national se fait sur la base de la prise en compte des réalités au niveau territorial. Il est important que ces remontées du terrain soient faites au quotidien auprès du Centre interministériel de crise. Le ministre l’a rappelé tout au long de sa visite, de façon à ce que les décisions puissent être appréhendées et prises, en cohérence avec les réalités du terrain, au plus vite et au mieux ».

Cette réponse du représentant de l’État signifie donc que l’interruption des vols réguliers entre Paris et La Réunion n’est pas à exclure si la situation sanitaire continue de s’aggraver en Ile de France - « toutes les mesures seront appréhendées » - tout en précisant que certaines « mesures évolutives » découlent du « niveau national ».
Rappelons que pour se rendre à La Réunion, le passager doit présenter un document attestant d’avoir été testé négatif au dépistage du coronavirus, le test devant être réalisé 72 heures avant le départ. Mais entre le test et la montée dans l’avion, aucune quarantaine n’est imposée. Par conséquent, une personne testée négative en France peut donc très bien contracter le virus dans l’intervalle, ou l’avoir contracté trop peu de temps avant le test pour qu’il soit positif. Ceci explique pourquoi à La Réunion, des passagers ayant pu suivre la recommandation du test à réaliser 7 jours après leur arrivée à La Réunion sont positifs, et avaient donc en réalité le coronavirus en entrant dans le territoire.

Un test non suivi d’isolement immunise-t-il pendant 3 jours contre la COVID-19 ?

La conclusion de la conférence de presse a relativisé l’intervention de la Directrice de l’ARS. L’exposé de la responsable de l’autorité sanitaire visait avant tout à démontrer que la cause de l’explosion du nombre de cas à La Réunion ne venait pas des passagers en provenance de France, et donc des décisions prises par les autorités compétentes, mais découlait d’une circulation diffuse du virus à La Réunion au sein de la population. Cette prise de position visait à répondre à des informations parues dans la presse faisant état des interrogations légitimes relatives à la faible proportion de passagers devant se faire tester 7 jours après leur arrivée à La Réunion, 40 %, et donc de l’incertitude quant au nombre de potentiels cas importés qui n’ont pas pu être identifié par l’ARS.
Pour appuyer sa thèse, la Directrice de l’ARS estime que grâce au test négatif préalable à l’embarquement subi par une personne voulant se rendre à La Réunion, « on sait qu’elle n’est pas contaminée au moment où elle embarque », ce qui est faux puisque la personne n’est pas en isolement entre son test et son embarquement. A moins que le passager soit immunisé de la COVID-19 pendant les trois jours qui le séparent de ce test et de la montée dans l’avion pour La Réunion. Si tel était le cas, il serait urgent de faire connaître immédiatement cette nouvelle à toute la communauté scientifique mondiale...

Une certitude : des cas importés non détectés

La thèse de la représentante de l’ARS s’est également appuyée sur le taux de positivité des tests réalisés à La Réunion sur les passagers une semaine après leur arrivée. Une moyenne de 700 personnes sont testées par jour actuellement, avec un taux de positivité de 0,33 %. D’où cette conclusion : « Les personnes sont incitées fortement à se faire tester et quand elles se font tester, elles sont négatives. Ce ne sont pas ces personnes qui amènent le virus, ce ne sont pas ces personnes qui amènent de nouveaux cas. »
Or, la Directrice de l’ARS de La Réunion ne peut prétendre que quand ces personnes « se font tester, elles sont négatives », puisque d’après les deux données communiquées par l’ARS, 33 passagers sur 10000 testés au bout de 7 jours sont positifs selon les prélèvements recueillis. 33 n’est pas égal à 0.
Selon « le Quotidien » de mercredi, le responsable d’une chaîne de laboratoire indiquait que le nombre moyen d’arrivées communiqué par l’ARS est de 1400 par jour. Sur une période de 30 jours, ce sont donc 42000 personnes qui sont arrivées à La Réunion. Sur la base du taux de positivité de 0,33 %, cela signifierait un total de 138 cas importés sur cette période. 138 n’est pas égal à zéro.
Bien sûr, ce calcul ne peut être qu’approximatif, mais les informations manquent. Car si le communiqué diffusé par l’ARS sur sa stratégie de dépistage mentionne le nombre total de test effectué par semaine, il ne précise pas combien de passagers ont été testés à J+7, et surtout combien ne l’ont pas été.
Mais en tout cas, cette extrapolation des chiffres donnés par l’ARS indique que le protocole sanitaire a laissé se créer une bombe à retardement forte d’un nombre indéterminé de passagers arrivés à La Réunion porteurs de la COVID-19 sans le savoir, car induits en erreur par le résultat négatif du test réalisé en France avant d’embarquer.

La COVID-19 endémique à La Réunion ?

Enfin, il est à noter que la fin de la quarantaine et le retour à plus de 20 vols par semaine a eu lieu dans la seconde moitié du mois de juillet. Les investigations sur le premier foyer de coronavirus ont permis de déterminer qu’il trouve son origine dans une réunion de famille le 29 juillet.
Cela faisait presque 5 mois que le premier cas importé de COVID-19 avait été confirmé à La Réunion. Comme par hasard, la circulation diffuse du coronavirus à La Réunion a débouché sur le premier « cluster » deux semaines après la mise en œuvre du nouveau protocole d’entrée à La Réunion sans quarantaine ni test obligatoire à l’arrivée. A moins que la COVID-19 soit endémique à La Réunion, il a eu bien fallu que le « patient zéro » de ce « cluster » ait été contaminé directement ou indirectement par un cas importé. Et il n’est pas à exclure que ce cas importé soit une personne convaincue de ne pas avoir la COVID-19 sur la base du test réalisé en France, alors qu’en réalité elle était contagieuse.

M.M.

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Messages

  • Il suffit d’une étincelle pour mettre le feu. Les dockers avaient raison en manifestant dès que la nouvelle de la pandémie s’est répandue. Il suffit d’une seule tomate gâtée pour contaminer le panier, donc l’ARS et compagnies ne peuvent ignorer les risques qu’ils font courir aux Réunionnais en acceptant l’ importation du virus. Et au nom de la liberté de circulation et surtout pour répondre aux sollicitations des lobbies des transporteurs aériens et des patrons du secteur hôtelier, l’agence régionale de la santé avec l’appuis des gouvernants mettent en liquidation tous les efforts consentis par la population lors du confinement. Le comble, en manipulant les statistiques, ils veulent rejeter la faute sur le comportement des gens. Si zot lé contaminé, c’est zot l’otèr...pas nous. Bann de caponèr et déconnèr. A côté de la Réunion, à Maurice et même aux Seychelles, les décideurs ont su contenir l’épidémie en sacrifiant une très grosse partie des devises apportées par les touristes. Ici, on a préféré sacrifié la santé d’une partie de la population, car cette contamination est exponentielle et surtout ils veulent culpabiliser la majorité des Réunionnais en pointant le relâchement de certains. Les premiers à baisser la garde et à faire preuve d’irresponsabilité, sont ceux qui n’ont pas pris les bonnes décisions pour limiter la propagation du virus dann nout pti pays. Astèr, Il est temps d’organiser une autonomie de décision à la Réunion afin que la responsabilité de nos actes ne soit pas dictée par des Jacobins ancrés dans la sphère du pouvoir parisien. Pendant ce temps, comme beaucoup de gramoun, je suis en auto-confinement en attendant de jour meilleur. D’autres confinent leur figure ek un masque, mais est-ce suffisant ?


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