Deuxième congrès d’alcoologie de l’IREB

De nouvelles voies de recherche en alcoologie

24 mars 2015

Le second congrès d’alcoologie de l’Ireb s’est tenu le 18 mars à Paris avec les communications scientifiques d’une vingtaine de chercheurs dans toutes les disciplines de l’alcoologie. Trois symposia étaient organisés sur les thèmes de l’efficacité des politiques publiques de prévention, de la relation alcool et obésité ainsi que des axes de recherche prometteurs, tant pour les sciences biomédicales que pour les sciences sociales.

Le second congrès d’alcoologie de l’Ireb était placé sous la présidence d’honneur du professeur Jean Adès, professeur émérite de psychiatrie à l’université Paris-Diderot, ancien chef du service psychiatrie et addictologie de l’hôpital Louis-Mourier (Colombes) et ancien président de la Société Française d’Alcoologie. Le professeur Adès a notamment rappelé, dans sa conférence inaugurale, la spécificité de l’alcool et de l’alcoologie en mettant en garde contre certaines notions floues nées ces dernières années du développement de l’addictologie.

La session sur l’efficacité des politiques publiques a permis de montrer, sur la base de plusieurs communications scientifiques, que les mesures prises à propos de l’alcool jouent en général un rôle mineur (de l’ordre de 30 % selon les estimations) dans l’évolution des consommations par rapport aux facteurs socio-économiques ou démographiques (urbanisation, revenus, évolution du modèle alimentaire...). De plus, l’évolution de la consommation et des problèmes liés à l’alcool ne semble pas corrélée avec la plus ou moins grande « sévérité » des politiques publiques à l’égard de l’alcool. Les intervenants ont également souligné un changement important dans les politiques publiques, notamment en Europe, qui visent désormais plus à lutter contre l’usage nocif de l’alcool qu’à faire baisser la consommation totale de la population. Il a été souligné également que la plupart des études d’efficacité des politiques publiques provenaient de pays à haut niveau de revenus et principalement de Scandinavie, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et d’Australie, ce qui pose des questions d’adaptabilité, tant pour l’Europe du Sud que pour les autres régions du monde.

Le second symposium, consacré à la relation alcool et obésité, montre avant tout la complexité de cette relation. Les études épidémiologiques associant l’IMC (Indice de Masse Corporelle) et la consommation d’alcool ne sont pas conclusives, même si on observe une relation de substitution chez la femme (la consommation d’alcool se fait à la place d’un aliment) et un effet additionnel chez l’homme. Des études ont montré, chez la femme, que des antécédents familiaux d’obésité augmentaient de près de 50 % le risque d’alcoolo-dépendance. Certaines chirurgies bariatriques, très développées en France avec plus de 40 000 interventions par an, montrent une augmentation des consommations d’alcool après opération ; elle peut conduire à des conduites addictives chez certains patients mais peut être aussi interprétée comme un signe de resocialisation pour d’autres. Par ailleurs, un surpoids présent depuis au moins 10 ans chez des gros consommateurs d’alcool est clairement identifié comme un facteur de risque de la maladie alcoolique du foie, de même que l’alcool joue un rôle actif dans l’inflammation du tissu adipeux. Enfin, s’agissant des troubles du comportement alimentaire, on observe une association entre binge eating (boulimie) et binge drinking (alcoolisation ponctuelle importante) chez les adolescents. En revanche, une faible consommation d’alcool est associée à une insulino-résistance favorable aux personnes en surpoids ou souffrant de diabète de type 2.

Le troisième et dernier symposium a permis, à partir d’une analyse de la littérature scientifique, de proposer un état des lieux des connaissances sur les facteurs d’entrée et de sortie dans la dépendance alcoolique et des axes de recherche qui semblent prometteurs pour les années à venir. Dans le domaine épidémiologique, les études longitudinales (sur le modèle de l’étude américaine NESARC) manquent en France. Les différents facteurs de vulnérabilité individuelle (antécédents, précocité, tolérance immédiate, stress par exemple) apparaissent également comme une piste de recherche à privilégier par rapport aux facteurs environnementaux plus indirects. La recherche sur les facteurs favorisant ou non l’entrée dans les soins (environ 20 % seulement des patients pris en charge selon certaines estimations), actuellement non consensuels, est également citée ainsi que l’étude des rémissions spontanées (hors structure de soins), estimées à environ 4 % des patients chaque année. S’agissant des mécanismes biologiques impliqués dans l’addiction, les nouvelles voies de recherche concernent notamment, dans une approche à la fois translationnelle et pluridisciplinaire, l’association de méthodes naturelles (exercice physique et environnement enrichi par exemple) et de nouvelles cibles moléculaires issues de la génétique, de l’épigénétique et de la recherche préclinique. Enfin, pour les sciences humaines et sociales, les nouvelles perspectives de recherche incluent les « Food studies » (qui s’intéressent aux consommations d’alcool à l’intérieur de l’ensemble des comportements alimentaires et de « l’économie du corps »), les expériences de régulation des consommations (ex. le « slow drinking ») et enfin l’économie comportementale à travers la construction et la déconstruction des habitudes. Le récit de la sortie d’une dépendance peut également inspirer ceux qui s’y trouvent encore (ex. le best-seller de David Carr aux Etats-Unis).


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