L’OMS lance l’alerte

Dengue à La Réunion : la France menacée

4 mai 2018, par Manuel Marchal

L’épidémie de dengue continue de s’intensifier à La Réunion et l’Organisation mondiale de la santé met en garde. En effet, en raison du changement climatique, le moustique qui transmet la dengue est désormais présent dans 42 départements en France. Le risque de la propagation de cette maladie tropicale dans un pays occidental n’est donc pas exclu. Ce risque est porteur d’espoir pour les victimes des maladies mortelles transmises par les moustiques, car les pays occidentaux vont devoir mobiliser leur industrie pharmaceutique pour trouver des vaccins.

Le moustique vecteur de la dengue est répandu dans 42 départements en France, conséquence du changement climatique.

Selon les données de l’ARS diffusées le 2 mai par la Préfecture, plus de 2100 personnes ont été contaminées par le virus de la dengue depuis le début de l’année à La Réunion. Près de 300 nouveaux cas ont été recensés lors de la semaine du 29 avril. L’épidémie s’étend dans l’Ouest et le Sud.

Ce problème de santé publique a franchi les frontières de La Réunion. L’Organisation mondiale de la Santé a lancé une alerte. Elle fait état d’une épidémie « sans précédent ». Elle met en garde contre le risque de propagation du virus à d’autres pays. L’OMS considère en effet que La Réunion est une destination touristique prisée. Elle craint que des touristes soient infectés pendant leur séjour dans notre île et favorisent l’introduction du virus de retour dans leur pays.

Précédent du chikungunya

Dans le passé, notre île a déjà été touchée par des maladies transmises par les moustiques. À la fin de la guerre, elles étaient avec la malnutrition les principales causes de décès à La Réunion. Les services de prophylaxie ont permis d’éradiquer le paludisme. Cette amélioration n’a pas modifié une donnée essentielle : la géographie de La Réunion. C’est une île tropicale, et donc elle peut potentiellement être atteinte par les maladies propres à ce climat.

C’est ce qu’a brutalement rappelé le chikungunya en 2006. Faute d’avoir été combattue avec des moyens appropriés suffisamment tôt, l’épidémie s’est étendue partout. Près d’un Réunionnais sur trois avait alors contracté la maladie, et plus de 200 victimes furent dénombrées. Le chikungunya avait alors causé une catastrophe sanitaire. La catastrophe était également économique avec le recul brutal de la fréquentation touristique, ainsi que l’impact de la maladie sur l’activité des entreprises et services ne dépendant pas du tourisme. Elle fut aussi environnementale à cause de l’usage à grande échelle d’insecticides chimiques. À cette époque, le PCR plaidait pour l’utilisation du Bti, un insecticide biologique pouvant être appliqué par la population. Quand la crise a été prise en compte au plus haut sommet de l’État, Gélita Hoarau était intervenue à maintes reprises au Sénat pour que ce traitement biologique puisse être encouragé à La Réunion.

Impact du changement climatique

Depuis 2006, le contexte a grandement changé. En effet, au moment de l’épidémie de chikungunya, le moustique vecteur de la maladie n’était présent en France que de manière marginale, au travers de quelques incursions dans quelques départements du Sud de la France proches de l’Italie. Mais 12 ans plus tard, la donne est totalement différente. Le moustique est désormais implanté dans 42 départements. C’est la moitié Sud de la France qui abrite désormais sur son territoire un vecteur de maladies tropicales. Il suffit qu’une personne porteuse du virus de la dengue aille en France pour qu’une épidémie s’y propage.
Cette extension de la menace est liée au changement climatique. C’est ce qu’a d’ailleurs rappelé l’Organisation mondiale de la Santé dans un communiqué publié le 1er février dernier :

« Le changement climatique allongera probablement la saison de transmission de certaines grandes maladies à transmission vectorielle et modifiera leur répartition géographique. Selon les projections, la Chine, par exemple, connaîtra une extension sensible de sa zone d’endémie de la schistosomiase, maladie transmise par des gastéropodes.
Le climat exerce aussi une forte influence sur le paludisme. Transmis par des moustiques du genre Anophèles, il tue près de 400 000 personnes par an, pour la plupart des enfants africains de moins de 5 ans. Les moustiques du genre Aedes, vecteurs de la dengue, sont également très sensibles aux conditions météorologiques. Selon certaines études, 2 milliards de personnes de plus pourraient être exposées au risque de transmission de la dengue d’ici les années 2080. »

Un espoir pour la recherche de vaccins

Selon ces données de l’OMS, il apparaît donc clairement que la menace du déclenchement d’une épidémie de dengue en France à partir d’un voyageur de retour de La Réunion va aller en augmentant. Notre île est loin d’être le seul pays où la dengue est endémique. Ce qui signifie que d’ores et déjà, les pays européens doivent se préparer à faire face à l’irruption de cette maladie tropicale sur leur territoire, à moins qu’ils ne décident de se couper du reste du monde.

Cette menace pourrait être l’occasion d’accélérer les recherches sur les vaccins contre la dengue, le chikungunya et le paludisme. Toutes ces maladies pouvaient sembler négligées car leurs victimes vivaient jusqu’à présent dans les pays du Sud. Mais le changement climatique est en train de changer la géographie. Les maladies dont l’extension se limitait jusqu’alors aux régions tropicales vont s’étendre dans les pays occidentaux. Ceci va donc pousser ces États à investir des moyens pour protéger leur population. Si la mobilisation de leur industrie pharmaceutique donne un résultat positif, alors c’est l’espoir d’échapper à ces maladies qui s’ouvre pour des milliards de personnes.

M.M.

A la Une de l’actuChikungunya

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus