Coût des médicaments à La Réunion

« ... dénoncer ces manœuvres qui prouvent le manque de respect envers les Réunionnais »

13 décembre 2007

Comme tous les Réunionnais, j’ai été interpellée par le problème du coût des médicaments à La Réunion, et j’ai cherché à comprendre en toute objectivité la vérité. Tout d’abord, pourquoi s’attaquer aux prix des médicaments pour augmenter le pouvoir d’achat des Réunionnais et pas à celui du riz ou de la viande qu’ils payent réellement ? 99% des Réunionnais ne paient pas les médicaments vignettés, ceux précisément concernés par cette mesure : 170.000 Réunionnais sont à la CMU, 120.000 bénéficient de I’ALD et les autres ont une mutuelle. Cette décision est arrivée sans prévenir, de façon arbitraire, sans aucune négociation avec les intéressés, aucune étude objective analysant les raisons du surcoût n’ayant été faite en amont. On sait les frais d’approche, l’assurance, l’Octroi de mer, les frais de débarquement, le sur-stockage par rapport à la Métropole pour « tenir un stock nécessaire pour répondre aux besoins de santé publique », selon le législateur. Tous ces frais reviennent aux grossistes répartiteurs qui jouent aussi le rôle d’importateurs. Dans ces conditions, les 30% de marge appliquée par les pharmaciens par rapport au prix Métropole sont-ils justifiés ou non ? Il s’agit d’un dossier complexe, et il serait hasardeux de prendre position sans avoir tous les éléments, et sans que des négociations aient été menées avec toutes les parties concernées.

Ce qui me révolte profondément dans cette affaire, comme dans d’autres, c’est la façon dont on ment aux Réunionnais, dont on les manipule, en profitant de leur ignorance légitime. C’est la façon dont certains politiques n’hésitent pas à dire n’importe quoi pour charmer un électorat en le trompant sciemment... Comment penser que l’on va améliorer le pouvoir d’achat des Réunionnais en faisant baisser le prix de médicaments que la plus grande majorité d’entre eux ne paient pas ? On veut stigmatiser une profession “aisée” sans penser aux conséquences et à leurs victimes.

- II existe de petites pharmacies qui risquent de disparaître, alors qu’à La Réunion, il n’y a que 59 pharmaciens pour 100.000 habitants contre 109 en Métropole,

- Ceux qui vont être licenciés sont les secrétaires et les préparateurs en pharmacie. Il ne s’agit pas, à ma connaissance, de privilégiés, et les licenciements risquent de se compter par centaines,

- Les Réunionnais eux-mêmes, usagers du système de soin, vont pâtir de cette mesure. Les pharmaciens sont en première ligne des soins apportés à la population. Outre leur rôle social évident, ils conseillent, écoutent, favorisent l’usage des génériques, prennent des tensions, mesurent des glycémies et appartiennent souvent à des réseaux de santé dont ils constituent un maillon indispensable. Ils font donc un travail d’éducation à la santé et de prévention, à mon avis essentiel. Les gens ont confiance en leur pharmacien qui leur amène une assistance de proximité. Si nécessaire, le rôle de cette profession dans la crise du chikungunya l’a bien confirmé.

Le licenciement de certains de leurs employés risque de les voir se recentrer sur des actions obligatoires de gestion financière et de délivrance des médicaments au détriment des actions “non obligatoires” de prévention et d’éducation. Les Réunionnais eux-mêmes vont pâtir de cette mesure, quant à la Sécurité sociale, elle le paiera cher également, car lorsqu’il n’y a pas prévention, il y a soins quelques années après, ce qui coûte beaucoup, beaucoup plus cher.

Ainsi, cette formidable mesure va entraîner chômage, diminution de la qualité des soins, sans contre partie financière. Ainsi, on continue à manipuler l’opinion comme, récemment, dans l’affaire des bourses des élèves infirmières. On dresse un rideau de fumée pour éviter de parler des vrais problèmes, de s’attaquer à la question globale d’un véritable service de santé à La Réunion et de parler de ce qui fait au contraire baisser le pouvoir d’achat : les franchises médicales ou le paiement de la taxe audiovisuelle par les personnes âgées antérieurement exonérées.

Ainsi, ceux qui se posent en défenseurs de La Réunion peuvent en être les pires ennemis. Et je crois que le temps est venu de dénoncer ces manœuvres qui prouvent le manque de respect envers les Réunionnais.

Docteur Catherine Gaud Vice-présidente de la Région
Et à laquelle s’associe la société civile de l’Alliance : Maya Césari, Raymond Mollard, Marie-Pierre Hoarau, Marie-Paule Abriska, Emmanuel Lemagnen et Radjah Véloupoulé.


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Messages

  • bonjour
    je suis un "petit pharmacien des hauts" et je m’inscrit exactement dans la droite lignée de cet article. chez moi ce sont 2 emplois qui vont disparaitre malheureusement... je vais travailler avec 1 seule autre personne. autant vous dire que c’est le chant du cygne !
    ce qu’il faudrai c’est relayer cette prise de position dans la presse televisuelle afin de toucher le plus grand nombre


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