La Réunion confrontée à sa 5e épidémie de COVID-19 depuis mars 2020 : comment expliquer la persistance de la crise sanitaire ?

Épidémies de coronavirus à La Réunion : stratégie de lutte inadaptée ou non-respect des consignes par les Réunionnais ?

10 novembre 2021, par Manuel Marchal

La forte recrudescence de cas de coronavirus observée depuis quelques semaines à La Réunion interroge. La thèse de l’ARS jugeant que les vagues de contamination sont dues au non-respect des consignes par les Réunionnais, à laquelle s’ajoute depuis quelques mois la mise en accusation des non-vaccinés, est-elle vérifiée par les faits ? Retour sur les 5 épidémies de coronavirus qui ont touché La Réunion depuis mars 2020.

1ʳᵉ épidémie : mars-avril 2020

L’annonce officielle du premier cas de coronavirus à La Réunion date du 11 mars 2020. 6 jours plus tard, le 17 mars, le confinement lié à une catastrophe sanitaire en France était appliqué à La Réunion alors que le virus ne circulait pas ici. La limitation des déplacements et la quarantaine obligatoire de deux semaines à compter du 30 mars 2020 ont permis de juguler rapidement une épidémie de cas importés.

2e épidémie : septembre 2020

La fin du confinement s’est accompagnée de la levée de la quarantaine le 11 mai 2020 puis des motifs impérieux le 22 juin 2020 pour venir à La Réunion. La seule contrainte imposée aux passagers était un résultat négatif à un test de dépistage réalisé 3 jours avant l’embarquement. Le trafic aérien a rapidement retrouvé son niveau habituel avec 30 vols par semaine entre la France et La Réunion durant les deux mois des grandes vacances. Quelques semaines plus tard, en septembre 2020, c’est l’annonce officielle de la découverte de premières chaînes de transmission locales.
Les mois suivants, ce fut le retour des motifs impérieux pour voyager ce qui entraîna une diminution du nombre d’entrées à La Réunion, ainsi que l’annulation du Grand Raid en raison du risque de clusters par des cas importés. Le nombre de nouveaux cas a alors suivi une courbe descendante.

3e épidémie : février 2021

Les motifs impérieux sont levés le 15 décembre avant les vacances d’été, la seule obligation pour venir à La Réunion est le résultat négatif à un test de dépistage COVID-19 réalisé 3 jours avant le vol. En France, la situation sanitaire est tellement catastrophique que le couvre-feu s’y généralise. Cela n’était pas le cas à La Réunion et c’était un des arguments pour « vendre » la destination aux touristes potentiels. Selon l’aéroport Roland-Garros, plus de 100.000 passagers venant de France sont entrés à La Réunion au mois de décembre 2020 et lors des trois premières semaines de janvier avant le rétablissement des motifs impérieux limitant le trafic aérien en provenance de la France.
Quelques semaines plus tard, le 24 février, la Préfecture décide d’un couvre-feu généralisé à La Réunion afin de lutter contre une forte accélération de l’épidémie observée depuis début février.

4e épidémie : août 2021

Les motifs impérieux sont de nouveau levés pour les personnes vaccinées le 9 juin, un mois avant les grandes vacances d’hiver, tandis que la campagne de vaccination poursuit son cours. C’est le retour à un programme de 30 vols par semaine entre la France et La Réunion, avec toujours une seule contrainte pour les vaccinés : un résultat négatif à un test de dépistage 3 jours avant le vol. Les autres voyageurs doivent justifier également d’un test négatif, mais doivent aussi se soumettre à une quarantaine d’une semaine et doivent avoir un motif impérieux.
Mais au bout de quelques semaines, la situation sanitaire s’est aggravée de manière si spectaculaire qu’un confinement est décidé par la Préfecture le 31 juillet. Il limite les déplacements à un rayon de 10 kilomètres du domicile sauf le week-end où il se réduit à 5 kilomètres. Le 5 août, l’Agence régionale de Santé annonce que « le niveau de contamination n’a jamais été aussi élevé, et on observe une moyenne journalière de plus de 500 cas positifs au cours des 7 derniers jours ».

5e épidémie : maintenant

Alors que la campagne de vaccination a connu d’importantes avancées et avec la baisse de l’intensité de l’épidémie, l’État décide de lever l’état d’urgence sanitaire le 15 octobre, et d’accorder plus de libertés à une catégorie de la population : les personnes bénéficiant d’un schéma vaccinal complet. Elles n’ont plus à justifier d’un motif impérieux et d’un résultat négatif à un test de dépistage pour venir à La Réunion. Une semaine plus tard a lieu le Grand Raid. Cette manifestation rassemble des milliers de participants et d’accompagnateurs dont un grand nombre venu de France.
La participation à cette course n’entrant pas dans le champ d’un motif impérieux, tous ceux qui sont venus de l’extérieur devaient être vaccinés et n’avaient donc pas à justifier d’un résultat négatif à un test de dépistage.
La liberté totale de voyage accordée aux personnes vaccinées a également coïncidé avec des vacances scolaires, période propice aux séjours en France.
Hier, la préfecture a diffusé un communiqué indiquant que « depuis deux semaines, tous les indicateurs sont en forte augmentation (…) le relâchement des comportements en est manifestement la cause ». Dans le même communiqué, il est également écrit ceci : « Pour le moment, même vaccinés, continuons à porter le masque et à appliquer les gestes barrières ».

Commentaire

Les bilans hebdomadaires diffusés par la Préfecture font apparaître plusieurs fois la même coïncidence : une hausse des contaminations dues à la COVID-19 quelques semaines après un pic de fréquentation de l’aéroport.
Il est également à noter que la vaccination et le Pass sanitaire devaient contribuer à favoriser le retour à la normale. Les chiffres montrent le contraire.
Par ailleurs, il est à souligner qu’entre mars 2020 et fin août 2020, tous les instruments mis en œuvre n’ont pas été capables de détecter une circulation du virus à La Réunion, ce que les mêmes instruments ont été en mesure de faire à partir de la fin de la première période de pic de fréquentation de l’aéroport. Pendant ce temps, la France était déjà gravement contaminée depuis mars 2020.
En prenant du recul et en constatant la situation chez nos voisins, les faits suivants sont à noter. Pendant plus d’un an, Maurice a fermé ses frontières. Durant cette période, aucune épidémie de coronavirus n’y était à déplorer. La réouverture des frontières n’a concerné que les personnes vaccinées. Depuis lors, Maurice doit faire face à une épidémie et à des décès. La réouverture des frontières a pourtant été précédée d’une importante campagne de vaccination visant notamment toutes les personnes en contact avec les touristes.
Tous ces faits interrogent sur la pertinence de la stratégie imposée depuis mars 2020 aux Réunionnais. N’est-ce pas là que se situe la principale faille dans la lutte contre l’épidémie, et non pas dans le supposé non-respect des consignes par les Réunionnais ?

M.M.

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Messages

  • Pour ma part, je constate tous les jours, malgré le rappel des consignes de base, soit la distance minimale entre les personnes, le gel hydroalcoolique, les masques sanitaires, que les personnes que je croise, s’en moquent pour la plupart. C’est vrai que pour picoler sa pile plate ou sa mignonette de wisky, il faut que le goulot atteigne la bouche directement, même si c’est interdit de boire de l’alcool en public dans la rue, c’est un manque évident de civisme et une attitude irresponsable, je m’en foutiste, égoiste, le "moi d’abord, et tout de suite" semble l’avoir emporté, ici et ailleurs. Quel beau modèle pour les enfants qui voient cela ! C’est bien dommage. Pire, il m’est arrivé de constater que ces personnes semblent rire quand je les croise, soucieux du respect des autres que je vois, pourtant, ce n’est pas de la provocation, mais du savoir-vivre en société en danger sanitaire.
    Là encore, il va falloir changer de paradigme, c’est comme pour les transports, abandonner le "tout voiture individuelle qui fume et donne le cancer, encombre, prend trop de place" pour les téléphériques, comme ceux de St Denis, 5 en tout puis, on espère, celui prévu entre St Leu et Cilaos, et bien sur le train péi, un TER qui reliera St Joseph à Ste Rose, une grande nouveauté, créatrice d’emplois durables, pour les jeunes diplômés, qui attendent, attendent encore, deviennent résignés, passifs, ou se contentent d’emplois sous qualifiés malgré le niveau atteint, et donc du coup sous-payé au passage, bref, rien de constructif dans le long terme. Un véritable gâchis social en définitive non ? Arthur.


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