Coronavirus à La Réunion : après la déclaration du président de la République -1-

Etat d’urgence sanitaire à La Réunion : l’aéroport enfin fermé ?

13 juillet 2021, par Manuel Marchal

Les seules mesures qui permettront à La Réunion de sortir définitivement de la crise sanitaire sont la fermeture de l’aéroport à tout vol régulier et la quarantaine stricte dans un hôtel pour tout nouvel arrivant afin de prémunir notre île de l’arrivée de variants dont la résistance aux vaccins serait plus forte que la souche originale de l’an dernier. L’argument de la nécessité de faire venir des touristes de France pour faire vivre l’économie est en effet fortement fragilisé par la décision de Maurice d’imposer la quarantaine de deux semaines dans un hôtel certifié pour tous les touristes, vaccinés ou non. Contrairement à La Réunion, Maurice ne peut pas compter sur les aides directes de la France. Ce qui pose la question de la capacité de la France à soutenir les professionnels du tourisme de La Réunion face aux conséquences négatives d’une stratégie décidée à Paris.

« Parce que le niveau de vaccination y est insuffisant et que les hôpitaux sont déjà sous forte pression, l’état d’urgence sanitaire sera déclaré dès demain en conseil des ministres pour la Martinique et La Réunion et un couvre-feu sera instauré » : cet extrait de la déclaration télévisée d’Emmanuel Macron annonce donc que l’état d’urgence sanitaire sera de nouveau décrété à La Réunion à partir d’aujourd’hui. Le détail des mesures sera donc très bientôt précisé.
Rappelons que l’état d’urgence sanitaire permet des mesures d’exception telles que la fermeture des galeries commerciales des centres commerciaux, la réduction de la jauge des clients des hypermarchés, la fermeture des bars, restaurants ainsi que de commerces pouvant être jugés non essentiel.

Saturation des services de réanimation

Le président de la République a également indiqué qu’en France, le couvre-feu pourrait être envisageable là où le taux d’incidence, le nombre de nouveaux cas pour 100.000 habitants, dépassait 200. A La Réunion, ce taux était de 157 dans la semaine du 4 juillet, et de 114 cas. Ceci montre bien qu’officiellement, c’est le taux inquiétant d’occupation des lits dans les services de réanimation qui est le principal facteur de décision, et pas l’intensité de la circulation du virus.
Ceci explique donc que même si le taux de contamination est plus faible à La Réunion que dans une autre région située en France, c’est le manque de moyens humains et matériel qui rend la population plus vulnérable à la diffusion d’un virus potentiellement mortel.
En conséquence, le préfet a sonné l’alarme la semaine dernière lors d’une interview télévisée pour préparer l’opinion à de nouvelles mesures de précaution. Il faisait part de l’inquiétude face à un taux d’occupation lits des services de réanimation autour de 90 %. Le représentant de l’Etat avait annoncé sa volonté d’obtenir auprès de Paris des pouvoirs accrus pour prendre des décisions adaptées à une situation qui n’est pas celle que connaissent les départements situés en France.
Intégrée dans le système français, La Réunion est une île située à plus de 2.000 kilomètres du département français le plus proche, Mayotte, qui est une île plus petite et encore moins bien équipée que La Réunion en termes d’hôpitaux et de moyens humains. Les autres départements sont à 10.000 kilomètres. En France, il est possible de mutualiser les moyens des hôpitaux de plusieurs régions, voire de recourir aux moyens des pays européens frontaliers, ceci n’est pas possible à La Réunion compte tenu de l’insularité. Les évacuations sanitaires vers la France sont risquées compte tenu de la durée du vol. Cela signifie que ce sont les moyens sanitaires existants à La Réunion qui doivent encaisser le choc.

Crise sanitaire découlant d’une stratégie décidée par Paris

Compte tenu de notre insularité et des moyens sanitaires limités à l’échelle d’une île, les Réunionnais avaient développé une stratégie pour empêcher à tout prix l’entrée de maladies infectieuses dans le pays. C’était la règle de la quarantaine, qui était imposée non seulement aux immigrants mais aussi aux Réunionnais qui rentraient de voyage. Cette règle a disparu compte tenu des progrès de la médecine, mais quand cette médecine doit faire face à une pandémie telle que le coronavirus, cette règle est le premier principe de précaution à prendre.
Quelques fois sans attendre la découverte d’un premier cas importés, de nombreux pays ont décidé de fermer leurs frontières à l’exception des rapatriés astreints à une quarantaine. Cette stratégie fait que dans plusieurs Etats insulaires, aucun mort du coronavirus n’est à déplorer. C’est également le cas en Kanaky Nouvelle-Calédonie, où l’autonomie permet aux représentants de la population de fermer l’aéroport et de décider des règles de quarantaine qui se sont même imposées à un ministre des Outre-mer en visite.
Mais à La Réunion, le choix a été de laisser entrer le coronavirus dans l’île. Le 11 mars 2020, quelques heures avant l’annonce officielle du premier cas importé, l’État avait exposé sa stratégie : la question n’était pas de savoir si la COVID-19 allait entrer à La Réunion mais quand. La préoccupation était de se préparer au retour de vacances de nombreux Réunionnais partis en France où le coronavirus avait déjà largement commencé à circuler. Ceci a entraîné la première épidémie à La Réunion, heureusement circonscrite par la quarantaine imposée aux voyageurs. Mais quand fut abrogé en juin 2020 l’état d’urgence, tout changea. La possibilité de voyager sous réserve de la seule obligation de présenter un résultat de test COVID-19 négatif, conjuguée à une offre de près de 30 vols par semaine entre la France et La Réunion, ont précédé de quelques semaines la découverte officielle des premiers foyers de contamination dans notre île. Ce fut le début d’une seconde épidémie beaucoup plus grave que la première. Un phénomène analogue est constaté avec l’arrivée de 100.000 personnes en décembre et janvier derniers et l’explosion quelques semaines plus tard d’une troisième vague épidémique causée notamment par l’importation du variant sud-africain à La Réunion, devenu majoritaire chez les nouveaux cas.

Quarantaine de 2 semaines pour les vaccinés arrivant à Maurice

La campagne de vaccination a permis à près du quart de la population d’être considérée comme immunisée à ce jour, et cela pendant au moins quelques mois. Son évolution s’est accompagnée d’un relâchement progressif des mesures destinées à endiguer l’épidémie. La fin du port du masque obligatoire dans la rue et des motifs impérieux pour les déplacements des personnes vaccinées pouvaient laisser croire à un retour à la normale. Mais cela était démenti dans les faits par une aggravation sans précédent de l’épidémie de coronavirus à La Réunion. En effet, la vaccination n’empêche pas une personne d’être contaminée par la COVID-19 et de la transmettre, et elle protège d’une forme grave du coronavirus tant que dure l’immunité procurée par le vaccin. Ces faits amènent d’autres pays à traiter les personnes vaccinées comme les autres, ce qui explique que la quarantaine sera imposée à tous les nouveaux arrivants à Maurice tant que l’immunité collective se situant à 80 % de la population ne sera pas atteinte.
La saturation des services de réanimation est à l’origine du retour de l’état d’urgence à La Réunion. Cette décision était inévitable, compte tenu de la stratégie qui a été décidée jusqu’à présent par Paris pour La Réunion. Or, la réalité de La Réunion, c’est qu’elle est une île tropicale à 10.000 kilomètres des renforts humains et matériels potentiels et que sa population a été capable pendant plus de 6 mois d’empêcher la propagation de la coronavirus jusqu’à l’ouverture en grand de l’aéroport à l’occasion des mois de juillet et août dernier.
Compte tenu du fait que rien n’indique que les autorités de l’État ne souhaitent solliciter l’aide des voisins de La Réunion pour accueillir des patients afin de soulager les services de réanimation, notre île ne peut donc compter dans l’immédiat que sur ses moyens.

Maurice est « covid-free », La Réunion en est loin

Dans ces conditions, la seule mesure efficace qui permettra à La Réunion de sortir définitivement de la crise sanitaire est la fermeture de l’aéroport à tout vol régulier et la quarantaine stricte dans un hôtel pour tout nouvel arrivant afin de prémunir notre île de l’arrivée de variants dont la résistance aux vaccins serait plus forte que la souche originale de l’an dernier. L’argument de la nécessité de faire venir des touristes de France pour faire vivre l’économie est en effet fortement fragilisée par la décision de Maurice d’imposer la quarantaine de deux semaines dans un hôtel certifié pour tous les touristes, vaccinés ou non. A Maurice, le secteur du tourisme accueille beaucoup plus de clients extérieur que La Réunion et ne peut pas compter sur les aides directes de la France, un des Etats les plus riches du monde. Ce qui pose la question de la capacité de la France à soutenir les professionnels du tourisme de La Réunion face aux conséquences négatives d’une stratégie décidée à Paris. Car contrairement à Maurice, La Réunion est encore loin d’être une destination « Covid-free », l’argument massue pour tout touriste voulant dépenser son argent dans une île tropicale.

(à suivre)

M.M.

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Messages

  • Beaucoup d’exagération dans cet article.
    A ce jour , il n’est pas question de fermer quoi que se soit.
    A partir du 21 juillet ou du 1er août ( suivant le cas) , il faudra un pass sanitaire. C’est à dire soit une vaccination complète, soit un tester PCR , soit une attestation de guérison entre 2 et 6 mois..
    Cela très compliqué de le faire appliquer dans les bars et , restaurants. je comprends leurs colères. mais il fallait réagir.
    Quant à l’aéroport, le fermer est une mesure excessive.
    Par contre il faut que les contrôles au départ et à l’arrivée , soient plus sérieux. ce n’est pas le cas actuellement.( plusieurs voyageurs l’attestent. Exiger le pass sanitaire de façon systématique.
    mais n’oublions pas que les cas autochtones sont, de loin, les plus nombreux.
    Enfin il est hautement souhaitable , que les arguments de politique partisane ( la politicaille) n’entrent pas en ligne de compte.

  • Il serait judicieux de remplacer dans l’article France par Métropole. Etonnant que l’on fasse encore cette erreur en 2021.


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