La mobilisation contre le chikungunya

Faire participer les Réunionnais à la lutte pour leur santé

14 février 2006

Dans plusieurs écoles, les enfants paient les conséquences de la nocivité de la lutte chimique contre les moustiques, une décision prise sans écouter les Réunionnais. D’autres stratégies sont possibles en utilisant des produits sans danger pour la santé des humains ou l’environnement. Combattre le moustique avec la lutte mécanique et biologique comme cela s’est fait depuis le début au Port, c’est ouvrir la possibilité d’associer les Réunionnais au recul de l’épidémie.

Collège, écoles et crèches fermées à partir d’aujourd’hui à La Plaine des Palmistes, écoles évacuées au Tampon, à La Rivière Saint-Louis, à Sainte-Rose, élèves et enseignants incommodés par des maux de tête, les yeux et les muqueuses irrités, policiers malades, agents de l’EDF touchés, animaux domestiques et autres tués : toute une série de faits graves qui sont le résultat de la mise en œuvre de la démoustication chimique.
Même si les services de l’État ont affirmé avoir opéré un revirement total de stratégie avec l’annonce de l’utilisation de produits beaucoup plus respectueux de l’environnement, les dégâts sont là.
À La Plaine des Palmistes, les établissements scolaires ont été traités vendredi dernier en respectant à la lettre les instructions de la DRASS, expliquait hier le maire délégué de la commune, Jean-Marc Marianne. Résultat : plus de 48 heures après, il est impossible d’avoir classe, car les élèves se plaignent de maux de ventre, de migraine. À La Rivière Saint-Louis, les images d’un enfant saignant du nez, du fait des émanations d’un insecticide chimique appliqué dans une cour voisine, ont fait hier soir le tour de l’île.
Surdosages ? Mauvaises applications ? Manque de formation ? Au-delà de ces questions, les Réunionnais constatent la dangerosité des substances préconisées jusqu’à la fin de la semaine dernière par les services de l’État.

De nouvelles perspectives

Dorénavant, les produits répandus par les équipes de désinsectisation sous la responsabilité des autorités sanitaires de l’État sont ceux que la mairie du Port avait annoncés mardi dernier vouloir voir utiliser exclusivement sur le territoire de la commune comme toujours. Si le Deltamethrine est un produit qui tend vers la lutte biologique, le BTI est quant à lui une bactérie. Ce sont donc 2 outils qui, en plus de combattre les vecteurs de la maladie, préservent l’environnement. Cela voudrait dire que la catastrophe écologique tend redoutée serait donc écartée par l’Administration. Enfin, pourrait-on dire, puisque cela fait des mois que les appels à la lutte biologique s’élèvent ici à La Réunion, un message relayé à Paris par les parlementaires Huguette Bello et Gélita Hoarau.
Mais au-delà des produits employés se pose aussi la question de la manière dont ils seront appliqués. Du fait de la dangerosité des produits chimiques, la lutte se faisait sans les Réunionnais, voire contre les Réunionnais. La lutte biologique associée à la lutte mécanique ouvrira de nouvelles perspectives : les Réunionnais auront la possibilité d’être au centre de la lutte, à tous les niveaux.

Exigence de responsabilité

Associer les citoyens à la lutte contre le chikungunya, c’est le sens de démarches telle que la déchetterie mobile initiée au Port, où l’habitant peut prendre ses responsabilités : à travers ses gestes quotidiens, il peut faire reculer le moustique, c’est la possibilité offerte par la lutte mécanique.
Lors de sa dernière conférence de presse, la sénatrice Gélita Hoarau expliquait comment au Pérou la population a réussi à s’approprier l’utilisation du BTI. C’est toute la population qui prend la responsabilité de mener à bien la lutte contre le vecteur de la maladie, c’est ce que permet la lutte biologique.
Cette exigence de prise de responsabilité se fait sentir : un collectif d’habitants de La Cressonnière, un quartier de Saint-André, demande "que les autorités mettent à la disposition des gens des produits biologiques pour lutter contre le moustique".
Faisant face à la menace d’une catastrophe sanitaire, des populations du continent sud-américain ont mis en place une stratégie susceptible de permettre d’atteindre 2 objectifs : faire reculer les vecteurs d’une maladie grave et donner les moyens à un peuple de prendre la responsabilité d’être l’acteur de cette victoire. Dans le combat contre le chikungunya, il est essentiel d’étudier sérieusement toutes les pistes, et notamment celles qui peuvent concrètement faire des Réunionnais des acteurs de leur développement.

 Manuel Marchal 


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