Engagement de la Défense dans la lutte antivectorielle

Guerre contre le moustique, mais raisonnée

17 mai 2006

’La Défense nationale reste engagée dans la lutte contre le chikungunya’, assurait hier le général Bruno Clément-Bollée, commandant des FAZSOI. À partir de la cette semaine, l’armée réarticule son dispositif autour du traitement des ravines et des quartiers épidémiques, où il demeure un risque de prolifération de moustiques.

Après un historique sur l’engagement des militaires dans la lutte antivectorielle, le général Clément-Bollée a présenté hier la phase relais qui durera 1 mois à compter de la mi-mai. Cette phase tient compte de la baisse effective de la pandémie et devrait appeler beaucoup moins de militaires sur le terrain. Dans la première étape de la mobilisation de l’armée, quelque 226.550 maisons ont été traitées, dans les 988 zones définies par la DRASS. Pour cela, 1.300 militaires, dont 800 sur le terrain, ont parcouru La Réunion pour lutter contre le moustique. Il faut aussi compter l’ouverture des centres médicaux militaires, qui ont enregistré environ 1.000 consultations.
Pour la deuxième phase, dite phase relais, l’armée met à disposition 300 militaires qui devront "traiter les ravines en zone urbaine, et les quartiers épidémiques où une menace ressurgit", précise le général Clément-Bollée. Il appelle à la collaboration des communes, tout en notant l’importance du travail demandé aux militaires. Ils devront faciliter l’accessibilité aux ravines, et évidemment effectuer le traitement larvicide. Par ailleurs, durant 1 mois, les militaires devront réaliser un relevé de chaque ravine, permettant aux communes de définir les zones à nettoyer.

Des conséquences militaires !

L’armée a certes répondu à l’urgence en mettant à disposition ses personnels. Toutefois, et cela fut précisé par le commandant des FAZSOI, cela n’a pas été sans conséquences pour l’organisation des Forces armées de la zone Sud de l’océan Indien. Le général Clément-Bollée, qui dirige 3.600 militaires et 300 personnels civils, enregistre la perte progressive des capacités opérationnelles pour toute intervention dans des pays voisins. Il constate aussi la réduction des actions de coopération, compromettant les engagements politiques de La France. Par ailleurs, le Service militaire adapté, qui se trouvait directement sur le terrain, n’a pas forcément rempli sa mission d’insertion professionnelle par la formation.
Bref, l’armée entend continuer sa mobilisation contre le chikungunya. Cependant, d’ici 1 mois, elle s’engagera différemment. À compter du 15 juin, pour la troisième phase du plan d’intervention des militaires, 10 brigades de réaction interviendront sur des foyers émergents "tant que l’on parlera du chikungunya à La Réunion" ; déclare le général Bruno Clément-Bollée. L’intervention massive des FAZSOI ne sera engagée que dans un cas exceptionnel d’explosion épidémique, comme celle que nous avons connue au début de l’année 2006.
Le général Clément-Bollée dresse également le bilan médical des FAZSOI, notant que depuis octobre 2005, 416 militaires ont été touchés par le chikungunya. Seraient-ce ceux qui déclaraient la guerre aux moustiques ? Les renforts militaires venus de France rentreront le 15 juin, après une cérémonie de prise d’armes.

Bbj


Utilisation du VECTOBAC

Durant la conférence de presse, le général Bruno Clément-Bollée a encore une fois précisé que le traitement antivectoriel effectué par les militaires est biologique. Il s’agit d’un Bti, VECTOBAC, une préparation bactérienne totalement biodégradable, "qui montre une action secondaire sur les tipules, les mouches des terreaux ou sciarides". Utilisé pour la lutte contre les larves de moustiques et de simulies, le VECTOBAC manifeste une action larvicide rapide, dans les 4 à 24 heures. Et le site www.biobest.fr de préciser dans une fiche technique : "Des essais ont montré que VECTOBAC présentait des effets secondaires sur d’autres organismes d’espèces voisines et sur des populations appartenant aux familles des Dixidae, Chironomidae et Ceratopogonidae. Des traitements généraux anti-moustiques ont mis en évidence une action contre les mouches de terreaux ou sciarides, et contre les tipules".


Des moyens de lutte durables contre les maladies émergentes

Paludisme : tirer les enseignements du chikungunya

À la “une” de son édition d’hier, le “Journal de l’île” alerte sur un cas endémique de paludisme dans notre île. Création d’un centre de veille et de recherche sur les maladies émergentes, remise sur pied d’un service de prophylaxie avec des emplois aidés, appropriation du Bti par tous les Réunionnais : deux revendications plus que jamais d’actualité car les plus anciens d’entre nous ont encore en mémoire les dégâts considérables du paludisme.

Deux jours avant l’arrivée dans notre île du chef du gouvernement, le “JIR” signale "un premier cas de paludisme autochtone depuis 6 ans". Au moment de l’abolition du statut colonial, cette maladie était à l’origine d’1 décès sur 4.
Voici déjà maintenant plus d’1 an, La Réunion est confrontée à une catastrophe sanitaire, économique et environnementale : le chikungunya.
Malgré les alertes lancées auprès des autorités responsables de la sécurité sanitaire de la population, cette tragédie prévisible a submergé notre île, livrée sans défense à une épidémie qu’il aurait été possible de circonscrire.

Connaître pour anticiper

En ce début d’hiver, l’annonce d’un cas endémique de paludisme est inquiétante. Chaque année, 2 millions de personnes succombent à cette maladie. Alors que chaque semaine, des milliers de personnes contractent le chikungunya, La Réunion est-elle prête à faire face à la réémergence éventuelle du paludisme ?
Cela souligne l’importance de mettre en œuvre des mesures qui tirent les enseignements du chikungunya. Parmi ces dernières, on a la création à La Réunion d’un centre de veille et de recherche sur les maladies émergentes. Ayant un rayonnement régional, il a notamment pour objectif d’améliorer la connaissance, et donc de donner des moyens d’anticiper. Or, l’annonce d’un cas endémique de paludisme souligne bien que le chikungunya n’est pas la seule maladie qui peut nous concerner. Sur le globe, d’autres virus tels que la dengue ou West-Nile sont mortels. Ils sont d’autant plus dangereux que le réchauffement climatique favorise la prolifération des moustiques vecteurs de ces maladies.

“Emplois-verts” et Bti

Un autre enseignement de la crise sanitaire que nous vivons encore est la nécessaire remise en place d’un service de prophylaxie durable. C’est grâce à cela que les Réunionnais ont pu faire reculer le paludisme, c’est à cause de la ruine de cet outil que le chikungunya a pu provoquer les dégâts que l’on constate encore quotidiennement.
Région et Département ont d’ailleurs mis à disposition de la lutte des milliers d’emplois aidés. Ces “emplois verts” peuvent être les acteurs d’un service de prophylaxie durable, première barrière contre le déclenchement de nouvelles épidémies.
Durable en termes de création d’emplois, soutenable en termes de lutte contre la maladie : ce service de prophylaxie se doit d’utiliser des produits adaptés aux contraintes insulaires, en privilégiant les auxiliaires biologiques, comme par exemple le Bti.
Le Bti est en effet une bactérie hautement sélective, qui s’attaque aux larves des moustiques sans dégrader l’environnement. Et c’est un outil que tous les Réunionnais peuvent s’approprier sans danger pour leur santé, pour devenir ainsi des acteurs responsables de leur protection contre les épidémies.
L’apparition d’un cas de paludisme, survenant après l’installation dans notre île du chikungunya, ne peut que conforter la revendication de mettre en place à La Réunion les moyens nécessaires pour garantir la sécurité sanitaire de la population.

Manuel Marchal


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