Chikungunya : le PCR est inquiet

Hiver austral 2006 : ’Une impression de déjà vécu’

28 juillet 2006

Dès 2005, bien avant l’explosion de l’épidémie, le PCR était intervenu à de nombreuses reprises pour interpeller l’État sur le problème de santé publique qui s’annonçait. Aujourd’hui encore, il craint que l’hiver austral n’entraîne un relâchement dans l’effort de lutte. Au plus près des inquiétudes de la population, le PCR estime que beaucoup de questions et de promesses restent en suspens. La population a besoin d’être informée. Le chikungunya reste une urgence.

"En aucun cas, il ne faut pas baisser les bras et se laisser aller à un quelconque optimisme", soutient le Conseiller général communiste de Saint-André, Éric Fruteau. La gestion épidémique de cet hiver austral 2006 laisse "une impression de déjà vécu". Une nouvelle flambée épidémique est à craindre avec des conséquences d’autant plus importantes qu’elles se répètent.

"Arrêter de tergiverser"

"Dès maintenant, il faut agir, on a déjà perdu beaucoup de temps", invite Éric Fruteau. À commencer par la mise en place d’un service de prophylaxie à même de répondre au retour de l’épidémie comme à la résurgence d’autres maladies. Pour la Députée Huguette Bello "il faut arrêter de tergiverser" sur cette question. Des annonces ont été faites, elles doivent se concrétiser rapidement, car c’est aujourd’hui qu’il faut redoubler d’efforts pour prévenir une nouvelle explosion (voir encadré) .
Dans le domaine des actions à poursuivre, le PCR insiste sur la distribution des répulsifs et des moustiquaires. Associations, services communaux et départementaux sont prêts à travailler ensemble pour assurer ce suivi, en priorité en direction des plus démunis. Par la voix d’Éric Fruteau, le PCR propose "une distribution systématique dans tous les foyers réunionnais, même si personne ne se déclare malade". Bien que la Préfecture ait recensé vendredi dernier 17 nouveaux cas de chikungunya en une semaine, bien que le réseau d’investigation des malades ait été étendu aux pharmaciens, pour Huguette Bello, "il ne faut pas se fier à ces chiffres". Car sachant qu’il n’existe aucun remède à ce jour, tous les malades ne consultent pas. Sans faire de procès d’intention, le PCR s’interroge encore sur la fiabilité du réseau de veille et sur la lisibilité de l’évolution de l’épidémie.

Fabriquer le Bti localement

La lutte mécanique de destruction des gîtes larvaires doit également se poursuivre et même s’amplifier. Éric Fruteau rappelle qu’"on a perdu beaucoup de temps dans les polémiques autour du Bti , avant qu’il ne soit enfin utilisé par les autorités". Dès à présent, il faut penser le long terme et "préconiser son utilisation, envisager de le produire à La Réunion. Dans d’autres pays, les paysans sont impliqués dans sa fabrication. Pourquoi pas ici ?". Le PCR demande donc à l’État d’engager une étude de faisabilité sur la production du larvicide biologique à partir de la coco et/ou de la bagasse. Cette alternative permettrait de limiter les coûts d’importation, et d’autre part, elle représente un moyen concret d’impliquer la population dans la prévention et la lutte contre l’épidémie.
"Comment prôner la mobilisation des citoyens si l’on n’est pas encouragé par l’État ?", interroge Éric Fruteau. Sur le terrain, des associations mènent des actions concrètes auprès de la population qui mérite, selon le PCR, un soutien, une aide sur le volet de la communication.

"Des choses à faire sur le plan de la communication"

La communication, toujours le maillon faible de la lutte. Un point hebdomadaire sur l’évolution chiffrée de l’épidémie ne suffit pas. Beaucoup de questions restent en suspens. "Où en sont les recherches et la mise en place des structures ?", questionne Éric Fruteau. La population a besoin d’une information permanente pour se sentir impliquée. "On sait que la recherche demande du temps, qu’elle ne peut aboutir de suite, mais la population a besoin de réponses à ses questions légitimes. Pendant combien de temps va-t-on subir les répercussions physiques de la maladie ? Quelle conséquence sur l’espérance de vie ?..." Pour la Députée Huguette Bello, "la Préfecture dit qu’elle a un plan, mais il mériterait d’être mieux connu. Il y a beaucoup de choses à faire sur le plan de la communication. Et comme beaucoup de Réunionnais, à tous les niveaux de la population, le PCR est très inquiet".

"Les mêmes bêtises"

Inquiet aussi face à des mesures d’égalité sociale, attendues par les Réunionnais et qui ne sont pas appliquées. Les actions engagées par les acteurs économiques pour obtenir des mesures de compensations et pouvoir faire face à l’épidémie sont légitimes. Mais il convient aussi de ne pas oublier tous les travailleurs qui ont eu à subir ou qui subissent encore les répercussions de la maladie sur leur vie professionnelle et familiale. Et puis, à qui serviront toutes ces actions de relance économique si l’épidémie redémarre ? Pour la Députée communiste, "les mêmes bêtises sont en train d’être reconduites".

Stéphanie Longeras


Pour un service de prophylaxie "pérenne et performant"

"Il faut que les promesses soient tenues"

Les déclarations "hasardeuses, contradictoires" du Directeur général de la Santé, Didier Houssin, vendredi dernier à la Préfecture, laissent le PCR pour le moins "perplexe". Minorer l’urgence et l’importance de la mise en place du service de prophylaxie - outil de veille et de suivi épidémiologique essentiel - est pour le moins déconcertant. Pour Huguette Bello, "avec le chikungunya, La Réunion est en situation d’urgence, il faut que chacun prenne ses responsabilités".

De 450 à 130 agents de prophylaxie

Lors de sa venue, le Premier ministre avait annoncé la mise en place rapide et concertée (signature d’une charte d’intention à l’appui) d’un service de prophylaxie permanent qui serait doté de 450 agents, recrutés pour occuper des emplois pérennes. En juin, auditionné par la mission d’information, le Ministre de la Santé revoit ces ambitions à la baisse. La Député Huguette Bello, membre de la mission d’information, regrette ce désaveu. Ce ne sont plus 450 mais 130 agents qui seront recrutés d’ici 2008, dont 18 postes créés cette année et 27 en 2007. "Nous demandons à ce que le gouvernement tienne ses engagements", soutient la Député qui espère une intervention du Conseil général dans ce sens. La collectivité refuse quant à elle le transfert de cette compétence avant d’obtenir la garantie du transfert des fonds nécessaires. "Les Réunionnais attendent un geste fort. Nous avons déposé une motion au Conseil général car les choses n’ont que de trop tarder. Les promesses doivent se concrétiser". Éric Fruteau estime "gravissime" de constater qu’à la fin du mois de juillet, le service de prophylaxie n’est toujours pas en place, alors que sa création est une urgence, une priorité absolue. Entre les annonces et leur concrétisation, si l’on veut éviter une nouvelle flambée épidémie, "aux conséquences désastreuses dans toutes les strates de la société réunionnaise", la Députée Huguette Bello enjoint à la mobilisation, au respect des engagements. "Il faut que les promesses soient tenues".

SL


Une commission d’enquête s’impose

"Pour que les choses soient dites"

La mission d’information présidée par le Député Audifax a rendu un rapport laconique sur “L’épidémie à virus chikungunya à La Réunion et à Mayotte”. Huguette Bello soutient qu’une commission d’enquête devrait permettre de laisser enfin la parole à tous les acteurs de la lutte. Mais les 3 demandes formulées dans ce sens sont restées sans suite.

Beaucoup d’acteurs ont été ignorés

Des commissions d’enquête ont eu lieu pour l’introduction du loup en France ou pour la canicule. Pourquoi se refuse-t-on à entendre tous les acteurs concernés par la première maladie émergente à frapper un pays développé ? Fuite devant les responsabilités...? Pour la Députée Huguette Bello, le rapport qui fait suite à la mission d’information, du 6 au 9 juin dernier, à laquelle elle a participé, n’est ni plus ni moins qu’un compte-rendu généraliste qui occulte les auditions de La Réunion et de Mayotte. Il lui aura par exemple fallu insister auprès du Ministre de la Santé pour que soit mentionné, en fin de rapport, le "refus scandaleux" des hôpitaux de Saint-Denis et de Saint-Pierre d’accueillir les évacuations sanitaires des ressortissants français de Mayotte. Elle déplore vivement que l’Association des Maires et les 2 collectivités aient "à ce point été ignoré". "La mission d’information n’a pas auditionné tout le monde, commente la Députée communiste. Beaucoup d’acteurs qui ont mené la lutte n’ont pas été entendus".

SL


Éclairage

Audition sans compte-rendu

C’est "déconcertant et bien décevant !!"

Le 9 juin dernier, le Docteur Philippe De Chazournes, Président de l’Union Régionale des Médecins Libéraux, a été auditionné durant une demie heure par 3 députés de la mission d’information dont son Président Bertho Audifax qui lui avait alors semblé "réceptif". Il avait alors soulevé que les remontées de terrain des médecins libéraux face à l’épidémie n’ont pas été prises en compte. La profession a été exclue du débat, d’une concertation et d’un échange de pratiques qui ne sont aujourd’hui pas encore effectifs. Le rapport ne fait aucune mention de ces éléments, comme de l’entretien avec le docteur. Aucune allusion non plus au travail d’enquête et de sensibilisation fait auprès des médecins libéraux par l’association Médocéan dont le Docteur De Chazournes est également Président. Réaction du Docteur De Chazournes : "c’est incroyable", "déconcertant et bien décevant !!". Signalons au passage que l’association Médocéan recevra en octobre à Paris le premier Prix de Recherche en Médicine Générale pour son article paru dans “La revue du praticien-médecine générale” sur l’amélioration du suivi des diabétiques à La Réunion.


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