Assemblée nationale : Projet de loi hôpital, patients, santé et territoires

Huguette Bello : Accélérer la réalisation du Pôle sanitaire Ouest

16 février 2009

L’Assemblée nationale a commencé mardi soir (10 février), l’examen du projet de loi relatif à l’hôpital, aux patients, à la santé et aux territoires. Huguette Bello est intervenue à la tribune de l’hémicycle dans le cadre de la discussion générale. Après avoir montré le rôle central de l’hôpital public, elle s’est particulièrement attachée à attirer l’attention de la Ministre de la Santé sur la situation du Centre hospitalier Gabriel-Martin à Saint-Paul. La députée-maire de Saint-Paul a plaidé pour que le Pôle sanitaire de l’Ouest puisse voir le jour rapidement. Voici le texte de l’intervention d’Huguette Bello, avec des inter-titres de ’Témoignages’.

Comme tout ce qui touche à la santé, un débat sur l’organisation du système de soins revêt forcément une gravité particulière. Les décisions auxquelles il aboutit sont un bon témoignage de ce qu’une société désire pour elle-même à une époque donnée.
Après la Deuxième Guerre mondiale, le Préambule de la Constitution reconnaît à chacun le droit à la protection de sa santé et le système de protection sociale qui est créé assure à chacun un égal accès aux soins. En dépit des difficultés de l’après-guerre, ce sont les principes de solidarité et d’égalité qui inspirent les promoteurs du système de santé français, reconnu, encore aujourd’hui, comme l’un des meilleurs au monde.
Que ce système soit appelé à s’adapter, nul ne le conteste. Personne n’est opposé à la recherche d’une offre de soins aussi cohérente et efficace que possible. Mais, si nous voulons que l’égal accès aux soins soit réel, cette adaptation doit s’inscrire dans la logique des principes fondateurs. Elle doit donc se faire autour d’un service public de la santé consolidé.

« Le profit n’est pas la finalité de l’hôpital »

Clé de voûte de ce système, l’hôpital public est confronté à de nouveaux défis, liés notamment à l’allongement de la durée de la vie, à la complexité croissante des techniques médicales, à l’évolution des structures familiales. Ces nouveaux défis sont-ils plus lourds que ceux de l’après-guerre ? On peut en débattre.
Tous ces changements provoquent en tout cas une augmentation structurelle des dépenses de santé. On n’a pas tort de mettre le doigt sur les difficultés de gestion et d’organisation de l’hôpital moderne. Il serait par contre dangereux de sous-estimer l’impact financier qu’engendrent obligatoirement ces progrès techniques.
Le profit n’est pas la finalité de l’hôpital. Sa gestion, pour rigoureuse qu’elle doive être, ne peut-être subordonnée à des objectifs comptables. L’hôpital n’a qu’un objectif : soigner les malades, tous les malades.
Ce principe fondamental, beaucoup de professionnels de santé craignent que la tarification à l’activité ne le mette à mal si la codification des actes continue à ignorer l’activité réelle des hôpitaux. Un lit vide dans un hôpital, ce n’est pas une faute de management, c’est un espoir pour le malade ou l’accidenté qui va venir l’occuper.
Oui, vous avez raison, Madame la Ministre, l’hôpital n’est pas une entreprise : mais il le devient quand, cessant d’être un havre pour ceux qui souffrent, il n’est plus qu’un terrain d’application pour ces principes arbitraires et délirants dont tout aujourd’hui, en France comme ailleurs, signale la faillite.

« Le personnel ne peut être transformé en variable d’ajustement »

Ces urgences qui acceptent tout le monde, où l’on a la liberté de se présenter spontanément, qui sont comme une illustration de cette liberté, et aussi de l’égalité, et aussi de la fraternité, ces urgences où, pour tant de nos compatriotes, s’apaisent les angoisses de la maladie ou de l’accident, où renaît l’espoir, où revient le sourire, la seule raison qui justifie qu’on en modifie l’organisation, c’est qu’elles soient encore plus ce qu’elles sont, c’est qu’elles soient encore mieux ce qu’elles sont.
Moins qu’ailleurs, le personnel ne peut être transformé en variable d’ajustement. Les licenciements auxquels nous assistons dans de nombreux établissements sont de mauvais augure.
Pourquoi le personnel est-il à ce point attaché à son travail ? Pourquoi supporte-t-il et surmonte-t-il non seulement la fatigue et la tension qu’engendre son activité, mais aussi les conditions généralement lamentables et parfois effroyables dans lesquelles il l’exerce ? Parce qu’il a une conscience élevée du sens de sa mission. Ce personnel supporte beaucoup de choses, Madame la Ministre, même s’il est bien mal récompensé par des salaires souvent dérisoires. Il est capable, en cas de crise, de se mobiliser avec un dévouement inouï : les Réunionnais ont eu tout loisir de s’en apercevoir durant la crise du chikungunya. Il y a pourtant une chose qu’il ne supporterait pas, c’est de voir son activité pervertie par la logique absurde de l’argent.

Conditions difficiles à l’hôpital de Saint-Paul

Ce projet de loi vise aussi à renforcer l’ancrage territorial des politiques de santé pour qu’elles répondent au mieux aux besoins et aux spécificités de chaque territoire. Aussi permettez-moi de dire un mot de l’offre de soins dans ma circonscription à La Réunion, même si je regrette que la présentation du Plan santé relatif à l’Outre-mer n’intervienne qu’à la fin février, c’est-à-dire après l’examen de ce texte.
« Penser l’organisation des soins à partir des besoins et non pas de l’offre ou des structures existantes », préconise le rapport Larcher. Pour l’Ouest de La Réunion, cela signifie une population de près de 190.000 habitants qui, selon les projections, devrait approcher, d’ici une vingtaine d’années, des 250.000 habitants. Cette population connaît le taux de chômage le plus important d’Europe. Le nombre de bénéficiaires de la CMU complémentaire y est important.
Dans cet Ouest réunionnais, un établissement public de santé à vocation généraliste, le Centre Hospitalier Gabriel-Martin, d’une capacité théorique de 256 lits d’hospitalisation. L’architecture hétérogène des locaux et l’insuffisance de la maintenance rendent les conditions d’hospitalisation particulièrement difficiles. Les chambres individuelles sont systématiquement doublées, les installations techniques sont vétustes, les urgences, dont l’activité est de presque 40.000 passages, occupent une surface quatre fois trop restreinte, les malades sont hospitalisés dans les couloirs. La Haute Autorité de Santé a souligné que les malades ne disposaient d’aucune intimité. Madame la Ministre, chers collègues, veuillez imaginer la scène : quand un malade hospitalisé en médecine est conduit au service d’imagerie, il doit traverser par tous les temps, souvent sur un brancard, la cour où affluent les visiteurs et les véhicules.
De plus, le Centre hospitalier Gabriel-Martin joue un rôle essentiel dans le maillage territorial. En effet, lors d’événements climatiques exceptionnels, comme les intempéries et les cyclones, les routes coupées et les difficultés de circulation limitent, voire empêchent la prise en charge des patients par les deux autres établissements situés au Nord et au Sud de l’île. Il faut alors compter, dans le meilleur des cas, entre trois et quatre heures de route pour y accéder.
C’est précisément ce qui se passe au moment où je vous parle. Dans ces cas-là, le Centre Gabriel-Martin n’est plus seulement un établissement de proximité, il devient un hôpital de repli.

Un projet qui doit être accéléré

Pour la sécurité des patients, pour la qualité des soins, pour les conditions de travail, cette situation doit cesser au plus vite. Mais rien ne change. Pourtant, un terrain a été acquis pour y implanter un nouvel établissement. Pourtant, le projet a bénéficié du soutien de Dominique de Villepin, alors Premier ministre. Pourtant, un groupement de coopération sanitaire (un GCS) a été mis en place avec un partenaire privé pour la réalisation, en 2010, du pôle sanitaire de l’Ouest, ce PSO, qui prévoyait une organisation commune de la permanence des soins et un partage des plateaux techniques.
Mais rien ne change. Pourquoi ? Parce que nous touchons là, de la façon la plus concrète du monde, aux divergences d’objectif et aux conflits d’intérêt entre les acteurs. Parce qu’en réalité, nous atteignons là les limites du partenariat public-privé, en l’occurrence, d’un partenariat où l’investissement est supporté à 95% par le Centre hospitalier.
En dépit des accords, le partenaire privé a continué à investir sur son propre site et évoque aujourd’hui de graves difficultés financières qui l’empêcheraient de faire face à ses engagements pour construire le PSO.
Face à ce nouveau blocage, l’ARH de La Réunion vient de décider que le PSO se fera sans le partenaire privé. En tant que présidente du Conseil d’administration de l’hôpital Gabriel-Martin, je salue cette décision. Elle permet de relancer enfin un projet qui a souffert de beaucoup trop d’atermoiements.
Dans cette nouvelle phase où le partenariat se fera avec un autre établissement public, il est indispensable, Madame la Ministre, que le plan de financement que présentera le Centre hospitalier soit retenu par le plan Hôpital 2012, d’autant que l’hôpital Gabriel-Martin a déployé des efforts considérables pour rétablir, en une seule année, son équilibre financier. Par ailleurs, serait-il possible, comme cela a été fait pour d’autres établissements de l’île, de ne pas appliquer le coefficient de convergence au Centre hospitalier Gabriel-Martin en sorte d’augmenter d’autant, c’est-à-dire d’environ 10 millions d’euros sur cinq ans, sa capacité d’autofinancement ?
Nous comptons sur vous, Madame la Ministre, pour que le pôle sanitaire Ouest voie enfin le jour, pour que cette partie de La Réunion soit dotée d’un établissement digne de ce nom.

Huguette Bello

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