Huguette Bello contre les franchises médicales

25 octobre 2007

Huguette Bello, Députée de La Réunion, est intervenue mardi dernier, dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de Financement de la Sécurité sociale, pour demander la suppression de l’instauration de la franchise médicale.

Economiquement inefficaces, socialement injustes et contraires aux principes fondateurs de la Sécurité sociale, les nouvelles franchises, mesure-phare de ce projet de loi, sont dénoncées de toutes parts. Des pétitions circulent et les sondages confirment l’opposition radicale des Français à ces mesures. Pour sa part, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine a déposé un amendement visant à supprimer l’article 35, celui qui institue ces nouvelles franchises sur les médicaments et les actes paramédicaux.

Ces franchises s’ajoutent à celles de 2004 et au déremboursement de centaines de médicaments, mesures déjà présentées à l’époque comme devant assurer, pour 2007, le retour à l’équilibre de l’Assurance-maladie. Le résultat est devant nous : les dépenses de soins ont continué leur progression, les malades ont payé plus pour se soigner. Nous savons - et vous n’ignorez pas - que ce n’est pas la multiplication des franchises qui résorbera le déficit de l’Assurance-maladie.

Les malades payent pour les malades, la maladie devient une pénalité

Vous le savez d’autant mieux que la justification des nouvelles franchises que vous proposez a changé en cours de route : depuis l’annonce présidentielle faite à Dax le 1er août, elles ne sont plus destinées à combler le déficit, mais à financer la lutte contre la maladie d’Alzheimer et le cancer, ainsi que le développement des soins palliatifs. Notons au passage que ce n’est plus la solidarité nationale qui finance les grandes priorités publiques ; désormais, les malades payent pour les malades, la maladie devient une pénalité. Face à l’inefficacité avérée du système des franchises, il est naturel de se demander si leur objectif principal n’est pas d’ouvrir la voie à une privatisation du financement de la santé.

Avec ces franchises, se soigner coûtera donc un peu plus cher. Les inégalités sociales et territoriales d’accès aux soins s’alourdiront. Il est à craindre que les plus modestes hésitent plus souvent encore à se soigner, au risque de laisser se développer des pathologies plus lourdes qui, en fin de compte, coûteront plus cher à la Sécurité sociale. Tout l’aspect préventif de la politique de santé est ainsi menacé. Certes, des exonérations sont prévues, notamment pour les titulaires de la CMU complémentaire. Mais qu’en sera-t-il de ceux qui, du fait d’un effet de seuil, ne bénéficient pas de cette CMU complémentaire ?

A La Réunion, les franchises auront des conséquences particulièrement lourdes

À cet égard, je veux insister, une fois de plus, sur la situation des titulaires du minimum vieillesse et de l’allocation aux adultes handicapés de La Réunion non éligibles à la CMU pour quelques dizaines d’euros. Il est incompréhensible qu’on mégote depuis des années sur une mesure qui faciliterait tant la vie de personnes vulnérables. Il suffirait, pour leur ouvrir la CMU complémentaire, de ne pas tenir compte, dans leurs ressources, du taux du forfait logement. De façon générale, dans le département de La Réunion, où les dépenses de santé sont déjà plus chères, les franchises que vous proposez auront des conséquences particulièrement lourdes.

Ces franchises sont, en outre, contraires aux principes fondateurs de la Sécurité sociale. Répétons le premier de ces principes : « Chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins ». Il importe de ne pas oublier ce sage précepte au moment où l’on annonce, pour l’après mars 2008, une grande réforme sur le financement de la santé.

Les causes du déficit de la Sécurité sociale sont connues et archiconnues. Elles sont structurelles : vieillissement de la population, besoin grandissant de soins mais aussi croissance économique trop faible. Face à ces raisons profondes et massives, l’idée que la solution consisterait à responsabiliser les citoyens est à la fois fausse et déplacée. Fausse, car elle ne touche pas à la réalité du problème et s’inscrit seulement dans le registre de la communication. Déplacée, car cette prétendue responsabilisation traduit une volonté de culpabiliser les assurés sociaux.

N’oublions pas que plus de la moitié des dépenses de santé sont imputables à un faible pourcentage de malades, ceux qui arrivent en fin de vie. N’oublions pas non plus que les recettes qui doivent revenir à l’Assurance-maladie, par exemple les taxes sur l’alcool et le tabac, ne lui reviennent pas en totalité.

N’oublions pas non plus que, comme le suggère Philippe Seguin lui-même, une taxation non symbolique des stocks options pourrait, pourvu qu’on en ait la volonté politique, augmenter sérieusement les recettes de la Sécurité sociale.

Personne ne le conteste : le système de santé français, envié de tous, est l’un des meilleurs du monde. Dans l’Europe idéale que cherche à composer par l’imagination un sociologue britannique, que retiendrait-il de la France ? Son système de santé ! La responsabilité politique d’aujourd’hui, c’est de garder l’esprit de ce système : une solidarité généreuse fondée sur la justice et sur l’égalité. Cette responsabilité, c’est d’abord celle du gouvernement.

NB.
Le Collectif réunionnais contre les franchises médicales remercie Madame Bello et attend les prises de position des autres parlementaires réunionnais destinataires de la pétition signée par 1.367 citoyens.

Huguette Bello

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