Chikungunya : une enquête parlementaire s’impose

’Il y a là une exigence de vérité’

17 mai 2006

Ne pas polémiquer en cherchant les responsabilités mais se concentrer sur la lutte contre le chikungunya. Ce fut en substance l’un des messages du chef du gouvernement lors de sa venue fin février. À l’heure où la stratégie militaire de lutte antivectorielle s’adapte à un ralentissement de l’épidémie, une enquête parlementaire pourrait être engagée pour dégager le maillon défaillant de la chaîne administrative et ainsi éviter de reproduire les mêmes erreurs à la fin de l’hiver austral.

Même les chiffres officiels tablent sur une décrue du nombre de cas déclarés, autour de 1.300 par semaine. L’épidémie, bien installée à La Réunion, est loin de disparaître et ce en dépit des fortes campagnes de démoustication. Dès le retour de la saison des pluies et des fortes chaleurs, elle repartira de plus belle.

Enquête parlementaire

Le risque épidémique a dès le départ été minimisé. Ce n’est pas le service de veille sanitaire et épidémique qui a défailli puisque la trace du chikungunya a été suivie du Mozambique jusqu’à son transit aux Comores fin 2004, avant d’être officiellement déclarée en mars à La Réunion. Malgré cette menace vectorielle imminente, aucune stratégie n’a alors été élaborée. Pour Jean-Paul Painiaye, secrétaire général du Groupement départemental de la Santé-FO, le vecteur aurait dû être traqué plus tôt, et surtout, les premiers malades auraient dû être placés en isolement pour couper la chaîne de transmission du virus. C’est le principe de précaution basique face à ce type de menace sanitaire. Alors pourquoi n’a-t-il pas été déclenché ? Lors de sa venue dans notre île, le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a assuré que toute la lumière serait faite sur les responsabilités.
Le syndicat FO, jusque-là discret, estime qu’à la veille de la venue du chef du gouvernement, il faut réclamer l’ouverture d’une enquête parlementaire, comme la député Huguette Bello et la sénatrice Gélita Hoarau l’ont déjà fait. "L’enquête parlementaire doit se faire pour que de telles erreurs ne se reproduisent plus", soutient à son tour André Nicole, secrétaire FO au CHD. L’objectif n’est pas de clouer un "coupable" au pilori, mais "il y a là une exigence de vérité auprès de ceux qui nous gouvernent", poursuit Éric Marguerite, secrétaire général du syndicat.

Réparer les failles

"Quand l’épidémie va repartir, ce sont les Réunionnais qui vont en porter la responsabilité. On ne peut pas montrer sa responsabilité dans la lutte avant même d’avoir fait la lumière sur les incompétences qui ont engendré le développement de l’épidémie qui touche aujourd’hui plus de 250.000 Réunionnais, pénalise l’économie et le tourisme à plus long terme". Les cas de rechutes sont nombreux, les séquelles persistantes. Le chikungunya doit être reconnu comme maladie de longue durée pour l’ensemble des salariés. Et pour faire jouer la transparence prônée par le gouvernement, il faut déjà se tourner vers les services déconcentrés du ministère de la Santé, car la population a besoin de savoir à quel niveau cela n’a pas fonctionné. En filigrane, la crainte est de retrouver les mêmes acteurs en place. "Il faut établir les responsabilités pour savoir où l’on va et ce qu’il faut faire. Les Réunionnais ont soif de la vérité, soif de savoir comment ça se passe à La Réunion".
Il demeure encore tellement d’inconnues liés au chikungunya, relatives à l’utilisation prolongée des produits répulsifs sur la peau, les effets des démoustications intensives sur la santé, l’environnement..., que l’information auprès de la population doit être suivie et ne doit pas se résumer à des opérations de culpabilisation, mais de mobilisation unitaire, dans la confiance et la transparence.

Estéfani


- Réadaptation du dispositif de lutte antivectorielle

"Appropriation de la lutte par les Réunionnais"

Le général Clément-Bollée, commandant des FAZSOI, déclarait hier midi, sur le plateau d’Antenne Réunion, que l’on était entré dans une phase d’"appropriation de la lutte par les Réunionnais". Attendu que "le niveau de la menace n’est plus le même", que l’opération de traitement des 226.000 foyers réunionnais est aujourd’hui terminée, "l’armée et les FAZSOI ne se désengagent pas mais réadaptent le dispositif". 300 militaires vont être sur le terrain pour traiter les ravines et se charger d’un passage supplémentaire dans les quartiers où le taux épidémique resterait élevé. Parallèlement, des brigades d’alerte seront en place pour réagir "au top de la DRASS" sur les foyers réémergents. Le renfort militaire métropolitain doit rester encore 1 mois, le temps de faire le passage de relais aux communes.

Estéfani


Diminution du budget hospitalier 2006

L’hôpital public à la dérive

La crise du chikungunya a, on le sait, mis en exergue les insuffisances de notre système de santé. Malgré le contrat d’objectifs et de moyens établis en 2000, les hôpitaux ne sont pas parvenus à corriger leurs retards. Aux déficits de capacités d’accueil et de professionnels de santé vient se greffer la diminution du budget hospitalier pour 2006, une restriction financière qui s’étend à l’Hexagone.
Des lits supplémentaires, parfois même des ailes de bâtiments destinés à la destruction comme au CHD, ont été mobilisées, tout comme des renforts médicaux de métropole, pour pallier la crise. Jean-Paul Painiaye soutient que "urgentistes ou médecins de garde ont toujours des difficultés à placer un malade quelle que soit sa pathologie. Il y a un moment que l’on vit avec ces manques".

"La Réunion a besoin d’un CHRU"

L’insuffisance de budget hospitalier pour 2006, mise en lumière par l’examen de l’état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) réalisé en début d’année par chaque établissement de l’île ne va pas arranger les choses. On rentre dans un système de rentabilité des soins impulsé par des directives budgétaires qui appellent les hôpitaux publics à faire des économies (1). Jean-Paul Painiaye commente que cette prérogative, ajoutée à une baisse de tarif de 1%, "n’est pas faite pour améliorer les soins". Dans cette perspective, les projets d’établissements tout comme le SROS (Schéma régional d’organisation sanitaire) ne pourront être menés à terme. "Les problèmes budgétaires auxquels vont être immanquablement confrontés de très nombreux hôpitaux augurent mal de la mise en œuvre des futurs Schémas régionaux d’organisation sanitaire qui comprennent d’importants volets de modernisation de notre système hospitalier pour répondre aux besoins de la population". (2)
Face à cette tension sanitaire, le projet CHR serait déjà dépassé. "La Réunion a besoin d’un CHRU (Centre hospitalier régional universitaire) pour bénéficier de fonds supplémentaires, d’une unité de recherche, de formation, pour permettre à plus de jeunes Réunionnais d’accéder à la médecine, comme aux pays de la zone". Face à ce problème récurrent de l’offre de soins à La Réunion, ce manque de projection et de lisibilité des projets sanitaires sur le plan régional comme au niveau de la zone océan Indien, le besoin d’impulser un élan de recherche et de formation de haut niveau, l’organisation d’États généraux de la santé et de l’hospitalisation permettrait de mettre à plat les données et les budgets.

Estéfani

(1) Au regard des prévisions d’activités et de dépenses faites pour l’ensemble de l’année, le budget primitif du CHD est insuffisant. Il ne représente pour l’heure qu’environ 93% du dernier budget approuvé en 2005, 184 millions d’euros contre 197. Les dépenses de personnel inscrites au budget prévisionnel ne permettent ainsi pas de couvrir l’ensemble des charges des effectifs du 31 décembre 2005. Des compléments de crédits sont nécessaires.

(2) Extrait du communiqué de presse “Budget 2006 : graves difficultés financières pour les Hôpitaux publics” du 10 mars 2006, de la Fédération hospitalière de France (FHF) www.fhf.fr


Vigichik.com

Quatre associations impliquées dans la lutte contre le chikungunya ont décidé de fédérer leurs énergies pour créer un outil commun au service de la mobilisation communautaire. Le réseau vigichik permet désormais aux Réunionnais de signaler sur le Net les éventuelles anomalies qu’ils rencontreraient dans leur quartier (dépôts d’ordures, recrudescence de moustiques...).

Le principe est simple : vous vous inscrivez sur le site vigichik.com, un module de signalement vous est ouvert, relié à une base de données gérées par les 4 associations, qui ensuite se charge de faire suivre vos informations aux autorités compétentes.

Devenez observateurs

Ainsi, en cas de problème lié à la démoustication, à l’entretien des espaces publics, en cas de foyer épidémique localisé ou de personnes malades laissées à leur isolement : le réseau citoyen de prévention et d’alerte sanitaires vigichik vous permet d’agir à votre niveau, de chez vous, à condition bien sûr de posséder l’outil Internet. 50 observateurs des quatre coins de l’ile adhèrent déjà à cette initiative innovante. "Plus il y aura d’observateurs, plus le dispositif sera efficace, explique Alain Cadet, membre de Citoyens contre le chik, et porteur de projet. Parallèlement, il faut bien sûr que les moyens de lutte engagés sur le terrain soient suffisants".
Dans un second temps, les observateurs du réseau qui le souhaitent pourront bénéficier de supports pédagogiques destinés à diffuser les messages de prévention auprès des habitants de leur quartier, dans leurs familles. Sans aucun moyen, ni aide de la part des autorités, mais avec beaucoup d’énergie, conscientes du risque de recrudescence des cas au retour de l’été austral, de la fragilité des malades qui ne sont pas prêts à affronter un nouveau pic, “Réseau périnatal Réunion”, “Association Ile de La Réunion contre le chikungunya”, “Association prévention suicide”* et “Citoyens contre le chik” jouent la carte citoyenne.

Estéfani

* Numéro Vert 08620162

Chikungunya

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