Interview du Président du Syndicat des Médecins Libéraux, Dinorino Cabrera - 1 -

21 mai 2007

Quelques questions sur des problèmes que connaissent actuellement les médecins.

Dr Cabrera, vous présidez le Centre national des professions de santé (CNPS), mais aussi le Syndicat des Médecins Libéraux (SML). Pourriez-vous nous en dire plus sur le nombre des médecins libéraux en France et leur répartition ?

- En France, il y a 112.000 médecins, dont environ 60.000 généralistes et 50.000 spécialistes. A La Réunion, le déséquilibre entre spécialistes et généralistes est plus important puisque il y a 350 Spécialistes et 750 généralistes.

Sur le site du SML, il est écrit : « Si certains syndicats démagogues n’avaient pas eu comme seul objectif de mettre des bâtons dans les roues et de s’opposer à tout, nous aurions pu obtenir facilement de meilleures revalorisations » . Pourriez-vous nous dire le poids de votre syndicat au sein des médecins libéraux ?

- Notre syndicat compte 8200 médecins libéraux. 25 à 30% des médecins libéraux sont syndiqués. Trois autres grands syndicats existent : la Confédération des Syndicats Médicaux de France (CSMF) qui a le plus d’adhérents, les Médecins Généralistes de France (MGFrance) et la Fédération des Médecins de France (FMF).

Les médecins du secteur I peuvent dépasser parfois leurs tarifs, sous certaines conditions. Quant aux médecins du secteur II, ils ont toute liberté pour demander les honoraires qu’ils souhaitent. Entre 1994 et 2004, le prix de la consultation chez le médecin de secteur I a été bloqué. Pour compenser cette dévalorisation de l’acte médical, ce dernier a été incité à pratiquer plus d’actes, souvent avec des dépassements d’honoraires. Cette tendance au dépassement d’honoraires a également été relevé dans le secteur II. Au total, cette augmentation de dépenses a provoqué un déficit de plus de deux milliards d’euros. Selon le site du SML, « il a été largement démontré qu’en moyenne, les revenus des médecins du secteur II ne sont pas substantiellement supérieurs à ceux de leurs collègues du secteur I. L’arbre de la minorité de praticiens exerçant en honoraires libres - essentiellement des hospitaliers publics ayant un secteur privé à l’hôpital - demandant des honoraires importants ne doit pas cacher la forêt de ceux qui savent ce que tact et mesure veut dire. »
Pourtant, un rapport récent de l’Inspection Générale des Affaires Sociales a préconisé la suppression du secteur II afin de lutter contre les dépassements d’honoraires. Est-ce une maison réponse à un vrai problème comme semble le suggérer le site Internet du SML ?

- Assurément oui. A La Réunion, de toute façon il n’y a que dix médecins qui exercent en secteur II. En métropole, cela peut causer des préoccupations. Ce n’est pas en supprimant le secteur II qu’on supprime le problème.

Votre Syndicat s’élève contre une vision exclusivement quantitative du manque de médecins. A l’augmentation du numerus clausus, il préfère une densification des médecins là où ceux-ci sont peu nombreux. En bref, au lieu de favoriser la quantité, vous privilégiez la qualité de la stratégie du développement des médecins sur le territoire français. Quels sont les problèmes qui se posent à La Réunion dans ce domaine ?

- Si demain, on n’y fait pas attention les médecins qui se trouvent dans les zones montagneuses peuvent se rendre dans les villes. Certes, dans certains écarts, il y a peu de population, mais dans d’autres, il y en a beaucoup. Il faut donc arriver à intéresser les médecins à pouvoir exercer dans des zones difficiles où le travail est de trop. Nous avons signé un accord, qui concerne avant tout la métropole, selon lequel un médecin gagnera 20% de plus s’il se rend dans des zones où il manque de docteurs. Ces zones-là vont être définies prochainement à La Réunion par des missions régionales de santé.

Quelles sont les autres raisons de votre venue à La Réunion ?

- Nous avons voulu faire deux choses. Tout d’abord, nous sommes venus expliquer la réforme de l’assurance maladie. Deuxièmement, nous avons mis l’accent sur la formation médicale. Celle-ci consiste avant tout à former des formateurs. Dans un avenir proche, nous voulons développer d’autres sites de formation pour que les médecins puissent mieux s’associer aux maîtrises de dépense. Enfin, si je suis venu de métropole avec une petite délégation, c’est aussi pour faire un clin d’oeil à La Réunion qui, vu de l’Hexagone, semble toujours un enfer, entre le chikungunya, la route du littoral, le cyclone et maintenant les vagues. Nous sommes donc heureux si nous avons pu montrer à quelques collègues que la situation locale n’était pas telle que le présentent les médias nationaux.

La publication de l’avenant 23 au début mai 2007 lie la revalorisation de certains actes médicaux à la maîtrise des dépenses de santé par les médecins. Ce texte est également novateur en introduisant des objectifs individualisés en matière de prévention. Pourriez-vous nous en dire plus ?

- Jusqu’à présent quand on parlait de prévention en matière de prévention en matière de dépistage du cancer du sein, on en restait un peu aux incantations. Maintenant, on aimerait que chaque médecin généraliste conseille à ses patientes de faire faire une mammographie. Nous ne sommes donc plus dans le curatif mais dans le préventif. Cela a pour conséquence que les gens s’en porteront mieux et puis, à terme, cela coûtera moins cher. Il faut donc investir dans la prévention.

Sur ce sujet, le SML propose un plan “Maîtrise plus”. En quoi consiste-t-il ?
- Chaque médecin qui accepterait cette implication plus forte, aurait droit à des honoraires augmentés. En stand-by depuis quelques temps, ce plan devrait retrouver une seconde jeunesse par ce qu’il devrait être repris par la CSMF [soit le syndicat majoritaire, NDLR].

Pierre-Jean Lancry a, au début 2007, publié un rapport sur les conséquences de la reconnaissance de la médecine générale comme spécialité. Qu’en pensez-vous ?

- Il a posé de très bonnes questions car cela devient un peu compliqué aujourd’hui. Tous les nouveaux médecins seront bientôt spécialistes, même les généralistes. Pour les diplômés de médecine de cette année, l’affaire est entendue. Le problème se pose pour les médecins généralistes qui ont de l’expérience. Les concernant, la solution va passer par une procédure de valorisation des acquis. Cela se fera avec une demande du médecin au cas par cas. La reconnaissance du médecin généraliste en spécialiste va donc se faire au cours des années à venir. Pour ce qui est des homéopathes, des angiologues ou des acupuncteurs, il faudra définir leur place en médecine générale ou dans leur spécialité.

L’accord conclu le 16 mars 2007 entre l’Union Nationale des Caisses d’Assurance Maladie (UNCAM) et les syndicats signataires de la Convention revalorise d’un euro la consultation de médecine générale dès le 1er juillet prochain sans nouvel engagement de maîtrise. Or, les dépenses de santé sont toujours supérieures aux cotisations versées à l’Assurance Maladie. N’avez-vous pas l’impression que les médecins sont privilégiés quand tant d’autres professions ne voient pas leur pouvoir d’achat augmenter ?

- C’est l’impression que cela peut donner, mais quand on regarde l’activité des médecins généralistes l’année dernière, on constate que celle-ci a baissé. On a donc tenu le pari de réduction de l’activité de ces derniers. Or, dans certaines régions, on manque de médecins généralistes. Le seul moyen de s’en sortir était donc de revaloriser les honoraires des médecins généralistes.

Propos recueillis par Matthieu Damian


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