Chikungunya, déjà trop de temps perdu

L’État va-t-il prendre la mesure du danger ?

19 novembre 2005

Alors que les Réunionnais se sentent abandonnés face à l’épidémie de Chikungunya, le Parti communiste réunionnais rappelle l’État à ses responsabilités. Il dénonce la minimisation du fléau et la résignation des services de santé. Le PCR demande un renfort humain et financier.

Tous les médias, les parlementaires, le président de l’Association des maires, le député-maire de Saint-Denis, la présidente du Département, tout le monde à La Réunion s’accorde pour demander une mobilisation afin d’éradiquer le fléau qui est entré depuis le 11 juillet dans une phase endémo-pandémique.

Aucun déclin

Éric Fruteau déclarait hier au nom du PCR : "Un mois et une semaine après notre dernière conférence qui dénonçait l’irresponsabilité de l’État, qui a minimisé l’importance du Chikungunya, nous précisons encore que l’épidémie n’est jamais entrée dans une phase de déclin. La situation actuelle, c’est 4.532 cas identifiés avec une croissance exponentielle de 50 à 100 nouveaux cas par semaine. Les femmes sont les premières victimes et représentent 60% des personnes atteintes. On sait désormais que les risques de transmission de la mère au nouveau né sont confirmés : le Centre hospitalier de Saint-Pierre a reçu 3 bébés atteints de méningo-encéphalite. La situation empire".

Pourquoi ne rien faire ?

Éric Fruteau ne comprend pas l’attitude de l’État car précise-t-il, "depuis le 24 septembre 2001, l’Organisation mondiale de la santé a informé de la dangerosité de cette maladie et ici on n’a rien fait. On a tout passé sous silence, la seule parade fut d’espérer que la rigueur de l’hiver ait raison de l’épidémie. La Réunion a été abandonnée par l’État qui n’a pas su prendre les mesures qui s’imposaient. Cet abandon est insupportable d’autant plus que dans le même temps, le monde fait face à la grippe aviaire. Pourquoi une telle différence de traitement ? Pourquoi cette résignation ? Nous voulons, toute proportion gardée, une égalité de traitement. Le Chikungunya peut causer des handicaps qui perdurent des semaines, parfois jusqu’à 6 mois".

La situation empire

Pour lui, il est impératif de réagir : "L’État doit cesser de s’aveugler, la situation s’empire avec l’augmentation de la température et de l’humidité. Le Chikungunya cause des problèmes graves du point de vue humain, mais aussi du point de vue économique, car il peut avoir des conséquences touristiques. À force de tout sous-estimer, nous nous acheminons vers une crise sanitaire de première grandeur".

Renforcer la lutte

Pour éradiquer le danger, le PCR prône la lutte bactériologique, biologique et demande le renforcement du corps de prophylaxie à La Réunion, qui ne compte qu’une quarantaine d’employés. Éric Fruteau exige "un renforcement des moyens humains et financiers" ainsi qu’une action pérenne et non pas momentanée. Il pense également qu’il faut ouvrir une politique de coopération avec l’ensemble de la zone océan Indien.

Eiffel


Des mesures dérisoires

La sénatrice Gélita Hoarau est intervenue le 10 novembre dernier au Sénat lors du débat sur la grippe aviaire avec le gouvernement, en présence du ministre de la Santé Xavier Bertrand. Elle a demandé d’étendre dans les DOM les mesures de précautions envisagées pour combattre cette grippe, et a obtenu satisfaction.
Comme elle l’avait fait le 19 octobre avec le ministre de l’Outre-mer, elle a de nouveau notifié que La Réunion est en prise avec une épidémie bien réelle et que si la maladie n’est pas reconnue comme mortelle, elle entraîne de graves complications, dont de longs séjours en réanimation, et toucherait de source officieuse 20.000 personnes et non pas 5.000.
Malheureusement, elle n’obtint pas "dans leur réponse de mesure à la hauteur". Les 52.000 euros déjà annoncés, même avec 200.000 euros supplémentaires annoncés hier, et le renforcement de la DRASS par l’embauche de 20 contrats aidés ne sont que des gouttes d’eau.

Des moyens pour une lutte efficace

Elle indique qu’elle continue de s’informer du suivi sanitaire, car les séquelles sont encore inconnues. Elle demande une mobilisation générale : "il faut dire la vérité, informer de la gravité de la maladie, du nombre de malades, de la propension de la maladie, c’est l’affaire de tout un chacun. L’État doit financer des campagnes d’informations, les gens ont peur de parler de la maladie, ils en ont honte. L’école aussi doit être impliquée. Pour les plus démunis, comment les aider à se procurer patchs et bombes anti-moustique ? Pour une lutte efficace, le service de prophylaxie devrait être renforcé de centaines de personnes, car les mairies ne peuvent pas tout supporter seules. La Préfecture a organisé une réunion le 15 novembre, mais seulement avec les maires du Nord. Et les autres ?".


Le Port lutte seul depuis le début de l’année

Michel Séraphine, adjoint au maire du Port, livre une estimation des dépenses engagées par la commune. Depuis le début 2005, un plan de lutte est mené par 3 équipes de 4 agents qui font des rotations une fois par mois sur les sites à risques. À la fin octobre, cette action a déjà coûté 50.000 euros à la municipalité. Depuis début novembre, la lutte s’est intensifiée avec le recours à un prestataire privé qui appuie 2 équipes de 3 agents. Les rotations sur les sites se font toutes les semaines. Le coût est estimé à 20.000 par mois, donc au 31 décembre, c’est 90.000 euros que le Port aura investi pour lutter contre l’épidémie.
Michel Séraphine soulève le problème de la formation du personnel qui n’a duré que 2 jours, alors qu’il faudrait un volume de 200 heures. Mais qui paierait ? Il réagit aussi au choix d’un traitement chimique contre les moustiques, sans réflexion sur l’impact de l’environnement.

Chikungunya

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