Chikungunya

L’hypothèse d’un empiriste

9 août 2006

Les recherches sur le chikungunya se poursuivent, mais l’absence de moyen thérapeutique sûr est un obstacle important à la reprise de l’activité touristique. Dans l’attente de résultats scientifiquement validés, un médecin arbovirologue des Armées, le Dr Francis Parc, a déposé un projet de recherche visant à faire valider l’état réfractaire au virus du chikungunya par la vaccination anti-rubéoleuse.

Les professionnels du tourisme sont devant un obstacle majeur : comment faire revenir les touristes si on ne peut leur donner de certitude à la fois sur la lutte contre le vecteur et sur le moyen de se protéger de la maladie. Le président de l’UMIH le disait dans ces colonnes hier encore.
L’urgence où sont certaines professions de relancer leur activité les oblige à tout tenter pour sortir de la stagnation. "Même à prendre certains risques" nous a dit aussi Pasqual Porcel, président de l’UMIH. Pas des risques inconsidérés, mais le petit "plus" - ou le raccourci - qui fait sortir des sentiers balisés. Tout, plutôt que ne rien faire.
C’est ce qui a décidé l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) à prêter la plus grande attention aux constatations faites l’année dernière par un médecin arbovirologue des armées, le Dr Francis Parc. Celui-ci a comparé trois virus : la rubéole, le Ross River et le chikungunya, qui présentent, dit-il, de nombreuses analogies et font tous trois partie de la famille des Togaviridae.
"Ces trois virus créent chez l’homme des maladies proches l’une de l’autre (arthropathies avec exanthème) et sont susceptibles de se transmettre au fœtus", poursuit-il. Deux d’entre eux - dont le chikungunya - sont des alphavirus.
L’expérience du Dr Parc, spécialiste de biologie médicale et d’anatomo-pathologie des hôpitaux des armées, l’a conduit en Polynésie française où il fut, de 1976 à 1982, chargé de la surveillance biologique des arboviroses. Sur le plan épidémiologique, il fit l’observation suivante : une épidémie de la fièvre Ross River, qui sévissait dans tout le Pacifique Sud depuis la Nouvelle-Guinée et était annoncée comme inéluctable en Polynésie française (avec présence des vecteurs et sujets réceptifs), ne s’est jamais implantée à Tahiti. À la place, les médecins observèrent "une réminiscence importante de l’endémie rubéoleuse, chez les femmes enceintes sous surveillance sero-épidémique".

"Nous proposons une vaccination anti-rubéoleuse"

Selon le Dr Parc, cet état réfractaire ne serait pas un phénomène unique en arbovirologie. "Il est largement observé entre les quatre types viraux responsables de la dengue, et parfois évoqué pour l’atténuation des épidémies dues à la fièvre jaune, avec les arbovirus de la dengue", poursuit le Dr. Parc.
Ces observations sont extérieures à l’île de La Réunion, mais certains des territoires sur lesquels ces virus se sont “endémisés” depuis deux décennies - comme les îles Fidji - ont un contexte épidémiologique selon lui comparable à celui de La Réunion.
Des observations faites par ailleurs par des médecins libéraux de notre île, "feraient état du caractère moins fréquent de l’affection chikungunya chez les jeunes enfants (3-13 ans) vaccinés pour la rubéole", signale encore le docteur Parc.
Ainsi, avec le concours d’un praticien biologiste du centre hospitalier Sud, Didier Vitrac, et du professeur Pierre Saliou, président de la société de pathologie exotique (Institut Pasteur), le Dr. Francis Parc a proposé un projet de recherche pour favoriser "une appréhension nouvelle de la pathologie humaine, médiée par la symbiose du sujet réceptif avec les agents infectieux."
"Nous proposons dans ce contexte, une vaccination anti-rubéoleuse, pratiquée à toute la population, de manière indiscriminée, dans les régions de l’île de La Réunion, menacées d’extension épidémique de la chikungunya.
Notre proposition a des bases scientifiques solides. Elle propose une arme nouvelle de lutte contre l’épidémie et “l’endémisation” du chikungunya à La Réunion. Cette arme est sans danger pour la population, qui ne peut qu’en retirer bénéfice"
.
Ce projet est déposé depuis janvier 2006. Il s’appuie au départ sur des observations empiriques, qui ont donné lieu à plusieurs publications, et demandent à être vérifié.
Mais il semble que les observations faites ici même, depuis le début de l’épidémie, aient été assez convaincantes pour pousser des responsables hôteliers à tenter une vaccination.

P. David


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