Pour la première fois, un rapport établit le poids de l’alcool et ses effets en termes sanitaires, économiques et sociaux à l’échelle de l’Union Européenne.
Publié à la demande de la Commission européenne en vue de préparer sa future stratégie sur le sujet bien au-delà de la seule thématique de l’alcool au volant, il révèle d’abord que l’Europe est la région du monde où l’on consomme le plus de boissons alcoolisées. Un adulte boit ainsi en moyenne chaque année l’équivalent de 11 litres d’alcool pur. Avec 195.000 décès chaque année, la consommation d’alcool figure aussi et surtout en troisième position des causes de mortalité.
Sur les routes, la conduite en état d’ivresse est à l’origine de 17.000 morts par an (un tiers des accidents mortels). Parmi eux, on dénombre quelque 10.000 passagers sobres décédés annuellement dans un accident de la route provoqué par un conducteur alcoolisé.

Le Tiers Monde : « un marché plein d’avenir » pour les producteurs

Dans les pays du Sud, tous les spécialistes interrogés sur la question en conviennent : les chiffres sont accablants. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) confirmait ce qui s’observe à l’œil nu dans les favelas de l’Amérique Latine et les bidonvilles de l’Asie du Sud-Est et de l’Afrique. La production de l’alcool a augmenté de 50% sur les 15 dernières années entraînant une augmentation rapide l’alcoolisme.
Selon M. Archibalb, président du Conseil international sur les problèmes de l’alcool et des toxicomanies (CIPAT) qui regroupe plus de 130 pays, « nous assistons à une certaine uniformisation des habitudes de vies. Avec les fréquents déplacements, nous assistons à une occidentalisation des habitudes de vies. Et comme vous le savez, l’alcool fait partie du mode de vie occidental. Les multinationales considèrent le Tiers Monde comme un marché plein d’avenir pour ces produits peu chers. Et les populations aux prises avec les problèmes de pauvreté constituent des cibles faciles pour les fabricants ».

Selon le CIPAT, le Chili compte un des taux les plus élevés du monde de cirrhose du foie. Un adulte sur cinq est reconnu avoir un problème d’alcool tandis que 5% de la population âgée de plus de 15 ans sont considérés alcooliques.
Les différents rapports réclament d’agir rapidement afin de diminuer la consommation d’alcool et sensibiliser les populations aux conséquences liées à la consommation d’alcool qui a amené depuis quelques décennies dans les pays du Sud à de nouveaux et sérieux problèmes de santé.

Risham Badroudine

• La Finlande augmente les taxes sur l’alcool, première cause de mortalité
Le Parlement finlandais a adopté à une large majorité un projet de loi destiné à augmenter de 10% les taxes sur l’alcool cette année, dans un pays où l’alcoolisme est la première cause de mortalité.
Quelque 119 des 200 parlementaires ont voté en faveur du projet et 45 s’y sont opposés.
« En conséquence, le prix des boissons alcoolisées augmenteront en moyenne de 4,5% », a précisé le Parlement, ajoutant que le prix de la bière et du vin serait en hausse d’environ 3,5% et les alcools forts d’environ 7%.
La Finlande avait diminué la taxation sur l’alcool en mars 2004, et les autorités actuelles estiment que cette mesure est à l’origine de l’augmentation du nombre de décès liés à l’alcoolisme, devenue première cause de mortalité en 2005.
En 2007, l’alcool était toujours la première cause de mortalité parmi les 15-64 ans (18,7% des décès chez les hommes, 11,5% des décès chez les femmes) avec même une hausse de 8,6% de décès par rapport à 2006.
La consommation d’alcool avait augmenté de 10,5 litres d’alcool pur par personne.
« La taxation a un effet. Si l’alcool n’avait pas été davantage taxé l’année prochaine, la hausse de la consommation aurait été encore supérieure, d’environ 2,5% », a estimé Esa Österberg, chercheur à l’agence de recherches sur la santé (Stakes).

• La Suède maintient les taxes sur l’alcool !
Depuis très longtemps, dans ce pays comme dans toute l’Europe du Nord, l’Etat a le monopole de la vente d’alcool. Mais ce système est menacé depuis l’entrée dans l’Union Européenne de la Suède - et de la Finlande - en 1995. Le gouvernement de Stockholm a chargé un expert de lui proposer une solution. De plus, l’expérience tentée par la Finlande depuis mars 2004 prouve toutefois qu’une baisse des taxes comporte des risques. La consommation d’alcool y a augmenté de 15% par rapport à 2007. Conséquence : une hausse spectaculaire des accidents de la route et des cas de femmes battues...

R.B

La Réunion : Un nombre de décès liés à une consommation excessive d’alcool sous-estimé

Selon une étude publiée par l’ORS (Observatoire Régional de la Santé), 290 décès directement causés par l’alcool (psychoses alcooliques et alcoolisme, cirrhoses alcooliques du foie, cancers des voies aérodigestives supérieures) sont enregistrés en moyenne chaque année à La Réunion. Le nombre de décès liés à une consommation excessive d’alcool est ici sous-estimé, selon l’étude. L’alcool est responsable de davantage de décès si on y inclut en plus des causes directes présentées ici, les causes indirectes (telles les morts violentes ; accidents de la route, accidents domestiques, homicides, ou les décès ayant une cause neurologique ou une pathologie induite...).

• Nette surmortalité masculine
Les hommes meurent presque 5 fois plus que les femmes d’une pathologie directement liée à l’alcool.

• 200 décès prématurés liés à l’alcool
Les décès directement causés par l’alcool représentent 7% de l’ensemble des décès sur l’île.
Ces décès concernent principalement les Réunionnais avant 65 ans : près de 3 sur 4 surviennent avant cet âge, soit 200 décès en moyenne chaque année.
La part des décès directement imputables à l’alcool représente 16% des décès prématurés (avant 65 ans) ; cette proportion chute à 3% après 65 ans.
La mortalité régionale liée à l’alcool est supérieure à la moyenne nationale.
Sur la période 2001-2003, la mortalité directement liée l’alcool était supérieure de 70% dans notre région (taux comparatif de mortalité de 55 pour 100.000 habitants dans notre région contre 33 en Hexagone).

R.B