Délégation de l’Intersyndicale reçue à la Préfecture

Le gouvernement passe en force

12 janvier 2008

Dure tâche pour le préfet hier. Il devait annoncer aux pharmaciens venus en délégation intersyndicale que le gouvernement avait décidé de leur appliquer une première baisse de 3% du prix du médicament, sur laquelle il estime qu’il n’y a aucune discussion à avoir. Allez engager une « consultation » sur cette base ! Dès lors, même si les journalistes ne pouvaient assister à la rencontre, il y a fort à parier que les échanges ont dû être plutôt glacés et formels, chacun exposant des arguments déjà maintes fois déployés, à un interlocuteur poli et diplomatiquement sourd.
Au sortir de la rencontre organisée dans la salle Capagorry, l’ambiance était celle d’un divorce dans lequel les deux parties ne seraient tombées d’accord que sur le fait de ne pas faire d’esclandre. Le porte-parole de l’Intersyndicale des pharmaciens, Mario Lechat, le visage fermé, a déclaré : « M. le Préfet nous a annoncé que baisse de 3% des médicaments il y aura. Nous regrettons que cette baisse soit décidée (...) sans l’étude préalable que nous avons demandée. Cette baisse est déjà décidée à Paris. » Se refusant à tout autre commentaire, le porte-parole des pharmaciens a ensuite constaté que la « proposition d’ouverture et de dialogue » faite par le Préfet, d’une commission technique de travail sur la suite du dossier, venant après la prise de décision gouvernementale, elle sera soumise à une assemblée générale que la profession doit tenir très prochainement.

Devant un mur

L’AG doit examiner la proposition de concertation, dont Mario Lechat a redit qu’elle était « bienvenue » - quoique tardive - et elle discutera aussi très certainement de la suite à donner au mouvement. Les membres de l’Intersyndicale ont bien compris hier qu’ils étaient devant un mur et personne ne pouvait dire comment réagirait l’ensemble de la profession.
De son côté, le Préfet a confirmé que « le décret est en cours de rédaction » - depuis déjà un bon moment - et que le gouvernement ne reviendrait pas sur la baisse de 3%, fondée - a-t-il dit - « sur un rapport de la Cour des comptes et sur un certain nombre de rapports de l’IGAS qui ont été actualisés... ».
Il a confirmé également que la dernière actualisation de l’IGAS datait de 2004-2005, ce qui signifie tout de même (voir notre édition du 4 janvier) que c’est sur la foi d’appréciations restées très globales et approximatives que la procédure de révision des prix a été lancée. Néanmoins, il n’est pas dans l’intention du gouvernement de discuter de quoi que ce soit, d’après ce qu’a expliqué Pierre-Henry Maccioni, avec toute la pédagogie qu’il a pu déployer pour atténuer la « grande déception » des pharmaciens.
A quoi, dès lors, pourrait bien servir les réunions de travail que le Préfet a proposées aux pharmaciens, si tant est que ces derniers les acceptent en Assemblée générale ?

Rien négocier

Pierre-Henry Maccioni a précisé qu’il n’était pas question, au sein de cette commission technique, de « mener des négociations au nom du gouvernement », ce qui se conçoit bien puisque ce dernier ne veut rien négocier, mais qu’il serait possible d’y discuter « du reste de la baisse ». Il a évoqué « une contribution de La Réunion à l’inspection de l’IGAS et de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) ». Ce qu’un pharmacien a traduit, assez crûment, en sortant de l’entretien avec le préfet, par ce constat laconique : « Ils n’ont aucun chiffre et ils nous demandent de leur apporter les nôtres ».
Ce n’est pas tout à fait vrai puisque, depuis un mois et demi, les pharmaciens ont fait circuler et remonter jusqu’au gouvernement tous les éléments en leur possession. Si le gouvernement avait voulu appliquer la baisse de 3% en tenant compte des données économiques réelles de l’outre-mer, il a eu tous les éléments pour le faire.
On peut réellement s’interroger sur le sens de la proposition faite hier aux pharmaciens. Comment la commission pourrait-elle travailler à « répartir la baisse entre les grossistes et les pharmaciens », comme l’a évoqué le Préfet, si la décision est déjà prise de l’appliquer au seul coefficient des détaillants d’outre-mer ?

Rejet de la saisine de l’Observatoire des Prix

Après avoir rejeté une fois de plus la saisine de l’Observatoire des prix, « pas juridiquement compétent », pourquoi proposer que la Région participe aux travaux de cette commission - sous réserve, encore une fois, que la proposition soit retenue par les pharmaciens ? Le préfet a en effet suggéré que, dans cette commission, siège l’Intersyndicale des pharmaciens, les services de l’Etat (DRASS, DGCCRF et Douanes) et la Région « concernée par l’octroi de mer », le tout constituant un « groupe technique et économique retreint, pour qu’à partir de La Réunion on puisse avoir une argumentation, voire une contre argumentation, et des échanges de chiffres entre professionnels et gouvernement » a dit Pierre-Henry Maccioni.
Le préfet a rappelé qu’il s’agissait d’une « procédure régalienne », dans laquelle « l’Etat consulte et décide », sans être lié par l’avis de la commission dont il a pris l’initiative. Il ne serait sans doute pas fâché qu’elle serve à réunir des documents « concrets, techniques, chiffrés, permettant aux pharmaciens de mettre en ordre un certain nombre de diagnostics qui seraient transmis aux cabinets ministériels ».
A ceci près que, si nos informations sont exactes, les cabinets ministériels ont déjà tous les éléments en main. On comprend le souci du préfet de « ramener un peu de sérénité », mais dans ces conditions-là, les pharmaciens pourraient être tentés de penser qu’on est simplement en train de les amuser jusqu’au moment opportun où serait enfin pris l’arrêté interministériel couperet.

P. David

Lutter contre la vie chère

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