Euthanasie

Le tribunal rejette la demande d’aide à mourir de Chantal Sébire

19 mars 2008, par Sophie Périabe

Trois ans après la loi sur la fin de vie, la demande d’euthanasie de Chantal Sébire, défigurée par une maladie incurable, relance un débat éthique face auquel les responsables politiques se montrent d’une grande prudence. Le tribunal a, quant à lui, tranché hier, cette mère de 3 enfants ne sera pas euthanasiée conformément à la législation française.

Mère de famille de 52 ans vivant près de Dijon, Mme Sébire est une ancienne institutrice et souffre d’une esthesioneuroblastome, une tumeur évolutive des sinus et de la cavité nasale. Après avoir lancé un appel au secours dans les médias pour qu’on l’accompagne dignement dans la mort, elle a demandé à la justice le droit, à titre exceptionnel, d’être euthanasiée par un de ses médecins.
Cette maladie très rare, 200 cas recensés dans le monde en 20 ans, est incurable et provoque une déformation irréversible du visage et des souffrances atroces, selon Mme Sébire, qui dit être allée au bout de ce qu’elle peut supporter.
Cette requête est une première pour le monde judiciaire. Selon l’avocat de Mme Sébire, elle ne demanderait que l’application de la loi du 22 avril 2005 sur les droits des malades, dite Loi Léonetti. Cette loi tend à instaurer un droit au « laisser mourir », sans permettre aux médecins de pratiquer une euthanasie active.
Son auteur, le député UMP Jean Léonetti, estime donc que la demande formulée n’entre pas dans le cadre de la loi. C’est une demande de suicide assisté, pas une demande d’accompagnement de fin de vie.
Du côté de l’Elysée, la prudence est de mise. Le conseiller santé du Président Nicolas Sarkozy, à qui Mme Sébire a écrit, lui a proposé qu’un nouvel avis soit donné sur son cas par un collège de professionnels de la santé du plus haut niveau, pour que l’on s’assure que toutes les ressources de la médecine sont épuisées. Mais la malade a catégoriquement refusé, expliquant que son état de santé ne lui permet pas un déplacement à Paris pour une nouvelle consultation auprès des plus grands spécialistes de sa maladie.
« Je veux partir en faisant la fête entourée de mes enfants, amis et médecins, avant de m’endormir définitivement à l’aube », avait-elle dit sur RTL vendredi.
Elle se prononce pour une évolution législative autorisant l’euthanasie active. « Arrêtons d’être hypocrites et de penser qu’une évolution dans la loi entraînera davantage de demandes pour mourir », avait-elle conclu.
Chantal Sébire estime qu’il n’y a pas d’autre voie que la mort consentie pour mettre fin à ses souffrances qu’elle dit atroces et à celles de ses 3 enfants.
Elle refuse une proposition médicale qui lui a déjà été faite d’arrêter les traitements, ce qui provoquerait la mort après plusieurs jours de coma.

Non à l’euthanasie active

Le président du tribunal de Dijon a donc tranché et estimé dans son jugement que la demande se heurte au code de déontologie médicale, qui interdit à un médecin de donner délibérément la mort, et au code pénal, qui fait de l’aide au suicide une infraction.
Chantal Sébire, qui a plaidé sa demande auprès du juge le 12 mars, demandait que son médecin soit autorisé à lui administrer une dose mortelle de penthotal.
« La demande de Mme Sébire, humainement concevable, ne peut juridiquement en l’état du droit prospérer. Même si la dégradation physique de Mme Sébire mérite la compassion, le juge, en l’état de la législation française, ne peut que rejeter la demande », conclut le jugement.
Il précise que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme s’oppose plutôt, à ses yeux, au suicide assisté. Chantal Sébire, 52 ans, qui est, selon son avocat, très éprouvée par la décision et très fatiguée par sa maladie a déjà annoncé qu’elle ne ferait pas appel en cas de décision négative.
Elle envisage de se rendre à l’étranger pour obtenir satisfaction, peut-être en Suisse où le suicide assisté est légal.
« Je sais maintenant comment me procurer ce dont j’ai besoin, et si je ne me le procure pas en France, je me le procurerai ailleurs », a-t-elle dit.

SP (avec AFP)


Le gouvernement exclut toute réforme

Le cas de Chantal Sébire relance un débat ancien. Deux pays européens, la Belgique et les Pays-Bas, ont légalisé l’euthanasie active en l’encadrant strictement. La loi ne s’applique que dans les cas extrêmes, quelques dizaines par an. La Suisse autorise l’assistance au suicide, même pour les personnes qui ne sont pas atteintes d’affections mortelles, ce qui a amené un insolite « tourisme de la mort » dans ce pays, mais l’euthanasie active reste une infraction. Aux Etats-Unis, dans l’Oregon, l’euthanasie active et l’assistance au suicide sont autorisées.
En France, le gouvernement s’en tient à la loi Leonetti adoptée en avril 2005, qui permet l’euthanasie dite passive : arrêt des traitements et administration de médicaments anti-douleur même s’ils présentent un risque vital ; mais pas l’euthanasie active, la mort provoquée par une injection ou l’administration d’un produit mortel.
Cette position suscite des critiques dans les milieux de la santé, où une partie des médecins la juge hypocrite dans la mesure où l’euthanasie dite active est pratiquée relativement fréquemment dans les hôpitaux sur des patients agonisants, selon de nombreux témoignages publics.
Qu’en pensent nos hommes politiques ?
Le Premier ministre François Fillon a fait cet aveu : « La difficulté pour moi dans cette affaire, c’est qu’on est là aux limites de ce que la société peut dire, de ce que la loi peut faire ».
La Garde des Sceaux Rachida Dati s’est montrée plus péremptoire : « je considère que la médecine n’est pas là pour administrer des substances létales ».
Au Parlement, le député PS de la Nièvre, Gaëtan Gorce, qui a préparé la loi Leonetti avec Nadine Morano (UMP), souhaite aujourd’hui évaluer les conditions de son application, et voir ce qu’elle résout ou pas.
Pour les cas extrêmes, M. Gorce suggère une « exception d’euthanasie pour les personnes victimes de maladies incurables, qui souffrent ». Cette décision pourrait être prise par une commission de médecins et de juristes.
A titre personnel, le socialiste Laurent Fabius se montre « plutôt partisan d’aller dans le sens de la législation belge ou néerlandaise » qui légalise l’euthanasie, « en évitant évidemment tous les abus ».
Forte de ses convictions religieuses, la ministre du Logement Christine Boutin a pris la position inverse : « Il faut dire à cette femme qui a le visage abîmé qu’elle peut être aimée et que sa dignité dépasse cela. On est en train d’instrumentaliser la détresse légitime de cette femme pour pouvoir essayer de légaliser l’euthanasie. Vous croyez vraiment que donner la mort, c’est un geste d’amour ? C’est un non-respect de la dignité de cette personne », s’était-elle indignée.


Chantal Sébire : le droit de vivre ?

Je comprends que l’on veuille mourir lorsque l’on souffre trop, je ne comprends pas qu’après la sortie du livre admirable de David Servan Schreiber : “L’anticancer”, personne n’ait évoqué les solutions alternatives à la médecine allopathique, soit pour réduire la douleur, soit même pour envisager une rémission de la maladie, ou même une guérison.
Les cas de guérison surprenants, inattendus, miraculeux sont suffisamment nombreux pour garder espoir et pour croire à la vie jusqu’au dernier moment. Chantal Sébire ne croit plus qu’à la mort, et on la comprend. Mais son entourage et tous ceux qui compatissent tombent dans le même piège que celle qui souffre : l’abandon de tout espoir, le pari sur la mort au lieu du pari sur la vie. Certaines médecines traditionnelles, en particulier orientales, ont fait des miracles aussi surprenants que certains miracles de Lourdes ou d’ailleurs.
À l’heure de la mondialisation, il serait peut-être temps d’ouvrir les yeux sur la diversité des approches médicales et proposer ces pistes différentes de santé, au lieu de se contenter d’interdire le suicide.

François Maugis
http://assee.free.fr


Fin de vie et Laïcité

En quoi la Laïcité serait-elle mêlée aux conditions de la fin de vie humaine ?
La séparation de l’Etat et des Eglises (la “Laïcité”), s’appuie sur un système philosophique de valeurs.
La liberté absolue de conscience, l’égalité comme moyen, la fraternité comme but, la solidarité sociale et internationale, le respect des autres et de soi-même, la tolérance mutuelle et l’a-dogmatisme.
A-dogmatisme : c’est être en dehors des dogmes, au-dessus des dogmes. En régime laïque, on a le droit de croire ou de ne pas croire, le droit de changer de foi, de dogme. La Laïcité est tolérante et ne choisit pas parmi les dogmes.
Alors, mourir dans la dignité, quand on sait que la maladie est irréversible, quand cela est attesté, certifié par le corps médical, est une revendication légitime du point de vue de la Laïcité.
Que cela devienne un “droit” ne veut pas dire un “devoir”.
Garantir la liberté de choix serait l’honneur de notre République laïque, serait la mise en adéquation des principes laïques et des réalités.
Le droit de choisir sa mort, pour mourir dans la dignité, c’est aussi cela la Laïcité.

M. Yves Pras,
Président du CAESEL- Mouvement Europe et Laïcité,
Directeur des publications.
Cette association existe depuis 1954.
www.europe-et-laicité.org


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