Les causes du cancer en France

22 décembre 2007, par Sophie Périabe

Le nombre de décès dus au cancer a considérablement augmenté en France, comme dans tous les pays industrialisés, depuis le début du 20ème siècle, mais dans le même temps, la population française a beaucoup augmenté au cours de cette période. De plus, comme la fréquence des cancers croît rapidement avec l’âge et que l’espérance de vie a considérablement augmenté au cours du 20ème siècle, il en résulte un accroissement considérable de la proportion de décès dus au cancer.
Un rapport rédigé par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), l’Académie Nationale des Sciences et la Fédération Nationale des Centres de Lutte contre le Cancer (FNCLCC) traite justement des causes du cancer en France.

C’est avec le concours de l’Institut National du Cancer (INCa) et de l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) que ce rapport a été publié. Quelles sont les causes du cancer aujourd’hui ? Chez les hommes, chez les femmes.
Une meilleure connaissance des comportements à risque pourrait, semble-t-il, réduire le nombre de cancers, et par la même, le nombre de décès liés à cette maladie.
Selon le rapport, en tenant compte de la démographie, on constate que la mortalité par cancer a diminué régulièrement chez les femmes depuis 1950 (de -24% entre 1950 et 2004), alors que chez les hommes, elle a augmenté jusqu’en 1985 (de +47% de 1950 à 1985), puis a diminué de 21% de 1986 à 2004.
Pour les deux sexes réunis, elle a baissé de 13% depuis 1968.
Cette évolution globale recouvre des variations importantes selon le type de cancer et le sexe. Par exemple, le cancer de l’estomac était la principale cause de mortalité par cancer en 1950 et sa mortalité a été divisée par 5 depuis. Inversement, celle du cancer du poumon chez les hommes a augmenté jusqu’en 1985 puis a diminué depuis 1990 en fonction de l’évolution du tabagisme. Chez les non fumeurs, l’incidence du cancer du poumon est restée stable malgré les variations de la pollution atmosphérique jusqu’au début des années 80. Chez les femmes, après être restée longtemps stable, l’incidence du cancer du poumon a augmenté rapidement depuis la fin des années 1960 au moment où la pollution de l’air diminuait, à cause de l’augmentation du tabagisme féminin.
L’accroissement du nombre de cancers dépistés depuis 1980 est, pour la plus grande part, dû au perfectionnement des méthodes diagnostiques et au dépistage qui décèlent des petits cancers qui auraient pu rester méconnus. Pour certains cancers, l’incidence a augmenté brutalement, tandis que la mortalité restait stable ou diminuait à cause des progrès thérapeutiques (c’est le cas des cancers du sein, de la prostate et de la thyroïde). Pour d’autres cancers, incidence et mortalité ont évolué parallèlement.

Le tabac et l’alcool sont l’origine de 28% des décès par cancer

Ce rapport confirme qu’en France, comme dans tous les pays industriels et la majorité des pays en développement, le tabac reste la principale cause de cancer (29.000 décès, soit 33,5% des décès par cancer chez l’homme, 5.500 décès, soit 10% des décès par cancer chez la femme). La lutte contre le tabac, malgré les progrès effectués, reste donc prioritaire.
L’alcool est à l’origine d’environ 9% des décès par cancer chez l’homme et 3% chez la femme. Ainsi, malgré les efforts effectués, tabac et alcool restent à l’origine de 28% des décès par cancer.
L’excès de poids et l’insuffisance d’exercice physique causent environ 2% des cancers chez l’homme et 5,5% chez la femme.
Les expositions professionnelles sont à l’origine de 3,7% des cancers chez l’homme et de 0,5% chez la femme. Ce pourcentage a tendance à diminuer dans les pays industrialisés grâce notamment à une meilleure hygiène du travail.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la proportion de cancers liés à la pollution de l’eau, de l’air et de l’alimentation est faible en France, de l’ordre de 0,5%. Elle pourrait atteindre 0,85% si les effets de la pollution de l’air atmosphérique étaient confirmés. Les recherches doivent se poursuivre et les efforts pour lutter contre la pollution doivent continuer, notamment pour l’air atmosphérique, d’autant que celle-ci a, par ailleurs, des effets nocifs sur les systèmes respiratoire et cardio-vasculaire.
Chez les femmes, les traitements hormonaux de la ménopause sont à l’origine d’environ 2% des décès par cancer (essentiellement cancers du sein et de l’ovaire) ; ceci invite à limiter les indications et la durée de ces traitements.
L’exposition prolongée aux rayons solaires cause environ 1% des décès par cancer dans les deux sexes.
On considère généralement que l’alimentation a une influence majeure sur le risque de cancer. Cependant, l’effet des facteurs nutritionnels spécifiques, tels que la teneur en fibres des aliments, la quantité de fruits et légumes ingérée, n’a pas été confirmé par les dernières enquêtes épidémiologiques.

La recherche est une nécessité

Quelle est la cause des cancers non liés aux facteurs cancérogènes avérés étudiés dans ce rapport ? Chez les personnes n’ayant jamais fumé, aucun facteur de risque lié au mode de vie ou à l’environnement n’a encore été scientifiquement établi pour 85% des cancers. Plusieurs explications sont possibles :

- des cancers peuvent naître et se développer sans intervention de facteurs exogènes. En effet, des erreurs peuvent survenir au cours de la synthèse de l’ADN et de la mitose, pouvant causer des mutations, délétions, réarrangements chromosomiques.

- l’impact de certains facteurs semble notablement sous-évalué, notamment les infections (virus, bactéries et conséquences inflammatoires des infections) et la nutrition ;

- plusieurs agents cancérogènes qui, isolés, ont peu d’efficacité pourraient avoir un effet quand ils sont administrés à certaines périodes de la vie ou conjugués à d’autres ;

- à côté des grands facteurs héréditaires qui affectent la réparation de l’ADN ou les autres systèmes de sauvegarde du génome, d’autres facteurs épigénétiques ou génétiques tels certains polymorphismes du génome peuvent accroître la fréquence de certains cancers.
Les recherches doivent être particulièrement développées dans les domaines qui peuvent faire progresser la prévention des cancers : le rôle des agents infectieux, celui de la nutrition notamment pendant l’enfance, l’effet des stress et des phénomènes inflammatoires pendant la cancérogenèse.
Les données de ce rapport sur les différents facteurs de risque peuvent aider les décideurs, mais ceux-ci doivent aussi prendre en compte les bénéfices éventuels des facteurs de risque quand ceux-ci en ont. Par ailleurs, une attitude de prudence pourrait amener à agir en situation d’incertitude, mais il faudrait alors préciser que les actions entreprises n’impliquent pas que les facteurs de risque soient considérés comme avérés.
Ce rapport confirme donc l’extrême importance de quelques facteurs liés aux comportements individuels contre lesquels la prévention peut être très efficace. Il met aussi en lumière l’insuffisance de nos connaissances, il montre la nécessité d’études fondamentales et épidémiologiques et illustre la nécessité d’approches comportant une coopération étroite entre biologistes, épidémiologistes et cliniciens.

Sophie Périabe
(Avec le rapport du CIRC)


Quelques chiffres ...


- 4.012 cas de cancers sont en 2000 attribués à une origine professionnelle (soit 2,5% des cancers masculins et 0,3% des cancers féminins). Pour la mortalité, ces proportions sont de 3,7% chez les hommes et de 0,5% chez les femmes.

- La mortalité due au cancer du sein, après avoir augmenté, diminue lentement en France (-1% par an), alors que cette diminution est nettement plus marquée (-2% par an et davantage), par exemple en Espagne, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et en Suisse.

- On a estimé qu’environ 28% des hommes et 35% des femmes ont une activité physique insuffisante. Les études du CIRC montrent qu’il faut au minimum 30 minutes par jour d’une activité physique vigoureuse (en supplément aux activités quotidiennes banales) pour réduire l’incidence des cancers du colon et du sein.


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