Journée mondiale sans tabac aujourd’hui

« Les fumeurs sont malades, il faut les prendre en charge »

31 mai 2007

Et si on s’arrêtait de fumer ? Voilà la bonne idée que veut lancer le Comité Départemental entouré de partenaires, aujourd’hui, sur le parvis de la mairie à Saint-André. Le nombre de Réunionnais qui meurent chaque année du tabac est impressionnant, les jeunes continuent à être la cible de l’industrie du tabac, et à l’occasion de cette journée mondiale contre la cigarette, le Comité tire la sonnette d’alarme : le Conseil Général n’a rien fait pour éviter “l’hécatombe” et ne mène pas assez d’actions de prévention envers le public. Selon Philippe Nougarou, président du Comité, la Réunion compte 40.000 fumeurs en plus qu’en 2001.

Fumer tue. La preuve en est, 482 Réunionnais sont morts à cause de la cigarette l’année passée. Aujourd’hui, le Comité départemental contre le tabagisme s’associe à la Journée mondiale sans tabac, et organise avec l’association Vivre Sans Tabac, la CGSS, Pierre Favre et la ville de Saint-André une manifestation “Espace Sans Fumeur” sur le parvis de la mairie dès 8 heures. Objectif, mieux faire connaître les effets nocifs du tabac, inciter les fumeurs à arrêter, présenter le dispositif de prise en charge des substituts nicotiniques par la Sécurité Sociale. Un film, “Tabac la conspiration” de Nadia Collot sera projeté sur écran plasma.

480 morts du tabac par an : « que fait le Conseil Général ? »

Cette journée mondiale de sensibilisation est certes importante. Mais, ce n’est pas en un jour que le Comité départemental contre le tabagisme pourra convaincre les fumeurs d’arrêter et les non-fumeurs, les jeunes surtout, de ne pas commencer. Pour Philippe Nougarou, président du Comité, il n’existe plus à l’heure actuelle à La Réunion de véritable volonté politique de lutte contre le tabagisme, ni de prévention. C’est pourtant l’une des compétences du Conseil Général. « Depuis les lois de décentralisation, les taxes de la cigarette reviennent au Conseil Général, soit 120 milliards d’euros par an. En même temps, le Conseil Général doit s’occuper de la prévention. Sous la présidence de Jean-Luc Poudroux, une majorité de conseillers généraux avaient voté pour l’augmentation du prix du tabac. Une communication efficace permettait également d’aider les fumeurs à arrêter, les médecins étaient formés, les patchs étaient gratuits. Le Comité avait fait un sondage, 75% de la population était favorable à l’augmentation du prix du tabac », affirme Philippe Nougarou. Pour lui, ces avancées ont stoppé net avec la mandature de Nassimah Dindar. Chiffres à l’appui, le président du Comité montre que les Réunionnais sont plus nombreux à fumer. « En 1998, nous avions 230.000 fumeurs, en 2001 nous en avions 155.000. Avec l’arrêt du dispositif pour le grand public, il y a aujourd’hui 197.000 fumeurs. La moitié du terrain que nous avions gagné a été reprise par l’industrie de la cigarette car on ne donne plus les moyens de lutter contre », estime Philippe Nougarou. Quant au nombre de personnes décédées du tabac, depuis 1996 il reste stable autour de 480 par an (12% sont des jeunes). Soit l’équivalent de « 10 autocars, c’est huit fois plus que les accidents de la route, et deux fois plus que les décès liés à l’alcool ».
Ce n’est pourtant pas une priorité d’action pour le Conseil Général, qui est, selon Philippe Nougarou « complètement absent sur ce terrain ». « Les malades, dit-il, meurent dans l’indifférence à l’hôpital d’embolie pulmonaire, de maladies cardiaques, de cancer ». Le Comité dénonce ainsi le manque d’informations dans les collèges qui relèvent du Conseil Général, « c’est, précise Philippe Nougarou, de leur propre initiative que les infirmières et les médecins scolaires informent les adolescents ». Le Comité a déjà interpellé le Conseil Général et proposé des actions de préventions, jugées trop choquantes et peu efficaces. En attendant, précise Philippe Nougarou, « le service d’addictologie du CHD reçoit de plus en plus de patients qui veulent arrêter, et ils sont en pénurie de patchs ».

Vers un changement des mentalités

Le Comité départemental contre le tabagisme est toutefois satisfait de la loi sur l’interdiction de fumer dans tous les lieux fermés et couverts accueillant du public ou qui constituent des lieux de travail, en application depuis janvier 2007 et qui sera également appliquée aux restaurants, discothèques, etc. Ce type de mesure a l’avantage de « faire sortir les fumeurs de l’entreprise ou des lieux publics, ce qui les oblige malgré eux à arrêter de fumer et donc à améliorer leurs conditions de vie et de santé ». Le ministère de la Santé a chargé le Comité de faire preuve de « vigilance judiciaire », en clair de repérer les cas de non-respect des espaces non-fumeurs. Mais le Comité remarque que les mentalités ont évolué, et que la majorité des fumeurs sont disciplinés. « Maintenant, ils ont pris l’habitude de demander l’autorisation en présence de non-fumeur ». Cela dit, il a fallu plus de 30 ans, depuis le premier texte de loi établi par Simone Veil en 1976, pour voir de vraies mesures anti-tabac apparaître et le début d’une prise de conscience des dangers de la cigarette pour celui qui consomme et celui qui subit. Aujourd’hui, la CGSS commence à considérer la dépendance à la cigarette comme une maladie, avec le remboursement de 50 euros par an pour l’utilisation des patchs. Ce qui équivaut à deux semaines de traitement. « C’est peu, mais c’est la première fois que la Sécurité Sociale fait une démarche de prévention, une action directe auprès des assurés. Notre association pense que les fumeurs sont des malades et qu’il faut les prendre en charge. C’est une dépense de solidarité car les fumeurs sont tombés dans le piège de cette drogue. Pourquoi le traitement contre les drogues illicites sont-elles prises en charge, et pas les drogues licites ? Voilà une incohérence de la volonté politique », conclut Philippe Nougarou.

Edith Poulbassia


Le tabac et les Réunionnais

L’Observatoire Régional de la Santé a publié en mai 2006 une étude sur le tabac. 480 décès en moyenne par an, sont dus à la cigarette pour la période 2000-2002, soit 12% de l’ensemble des décès sur l’île. Le tabac est ainsi la première cause de cancer (tumeurs malignes de la trachée, des bronches et du poumon), avec 120 décès par an. 180 personnes meurent prématurément chaque année à cause du tabac, c’est-à-dire avant 65 ans. Soit 14% des décès prématurés à La Réunion. « C’est entre 45 ans et 64 ans que la part des décès imputables au tabac est la plus élevée (16%) », précise l’ORS.
Les hommes sont deux fois plus touchés que les femmes par les pathologies liées au tabac. On constate une surmortalité masculine, et les hommes sont six fois plus concernés par les tumeurs. « En effet, nous observons une diminution du nombre de décès par cancer chez les femmes depuis la période 1998-2000 (-13%) alors que ce nombre poursuit sa progression chez les hommes », souligne l’ORS. En 2005, la proportion de fumeurs (dans la population de 15 ans et plus) atteint 35% (197.000 fumeurs), une diminution par rapport à 1999 (40% soit plus de 200.000 fumeurs), mais une forte progression par rapport à 2001 : 155.000 fumeurs. L’ORS estime cependant que cette proportion de 35% se stabilise.
En revanche, l’ORS souligne une légère augmentation des ventes de cigarettes sur l’île. Si les importations ont diminué en 2005 de 5% par rapport à l’année précédente, la production locale gagne 9%. Avec les fortes augmentations des prix du tabac en 2004, environ 750.000 cigarettes ont été mises sur le marché, soit une baisse de 21% par rapport à 2003. En 2005, le nombre de cigarettes sur le marché est en légère hausse. « La stagnation du taux d’imposition et des prix peuvent être à l’origine du léger rebond des ventes », explique l’ORS.

E.P.


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