Philippe Douste-Blazy dévoile son plan d’économie

Les patients à la caisse

19 mai 2004

Invité à l’émission “100 minutes pour convaincre”, lundi, Philippe Douste-Blazy a affirmé qu’il ne s’agit pas « de faire des économies sur le dos de la santé des Français ». Pourtant, les mesures avancées par le ministre prouvent le contraire.

Le ministre de la Santé a déclaré avant-hier soir sur France 2 que l’objectif de la réforme de l’assurance maladie est de dégager "entre 15 et 16 milliards d’euros" d’économies en jouant sur les dépenses et les recettes. Ce sont essentiellement les patients qui vont en faire les frais, comme le prouvent les mesures annoncées par Philippe Douste-Blazy dans l’émission “100 Minutes pour convaincre” :


- Un euro de plus par consultation restera à la charge du patient. Sans aller jusqu’à ce que certains proposaient : une franchise annuelle de 100, 200 ou 300 euros par personne. Selon certains professionnels, cela reviendrait à une baisse du taux de remboursement, qui passera ainsi de 65% à 60%. Ne seraient pas concernés par cette mesure : les allocataires de la CMU et les enfants.

- Un relèvement de 0,4% du taux de la CSG pour les "retraités imposables", ceux-ci étant actuellement imposés à 6,2 %, contre 7,5% pour les actifs. La moitié des retraités seraient concernés. Cette mesure rapporterait 550 à 560 millions d’euros. Les actifs ne devraient pas être touchés. En revanche, si le taux reste inchangé à 7,5%, son assiette de prélèvement pourrait passer de 95% à 96% des revenus des actifs.

- La lutte contre les gaspillages et les abus des arrêts maladie qui passera par des mesures qui iront "jusqu’au remboursement des indemnités journalières" par les entreprises, après intervention d’une commission ad hoc. Montant estimé de ces “abus” : 7 milliards d’euros et celui des arrêts de travail dits “injustifiés” : un milliard d’euros.

- Choix obligatoire du "médecin traitant : Si on voit un spécialiste il faut passer par ce médecin traitant, parce que là on pourra bénéficier de tout le système conventionnel de remboursement des spécialistes". Au cas où un patient s’adresserait directement à un spécialiste, celui-ci serait autorisé à "augmenter ses honoraires".

- Probable augmentation du forfait hospitalier à la charge du patient.

- Prolonger la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) - créée en 1996 par Alain Juppé de façon provisoire - au-delà de 2014.

Mais aussi...

- La carte vitale serait une carte d’identité de santé avec photo.

- La mise en place d’un dossier médical informatisé, qui permettra de connaître les antécédents d’un patient. Solution qui, selon le ministre, permettrait d’effectuer de "6,5 à 7 milliards" d’euros d’économies d’ici 2007.

- Le passage de 15 à 10 ans du délai avant lequel un médicament peut être “généricable”, afin d’augmenter le nombre de médicaments génériques sur le marché.

- L’octroi par l’État d’un milliard d’euros à l’assurance maladie pour compenser les exonérations consenties aux entreprises "notamment dans le cadre des 35 heures".

- La création d’une Haute autorité de santé publique indépendante, de 12 membres désignés par le chef de l’État, les présidents du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Conseil économique et social. "Ce seront des scientifiques et des économistes qui évalueront chaque fois l’efficacité des médicaments, mais aussi l’efficacité des actes médicaux", a expliqué le ministre.

- Les taxes sur les tabacs et alcools pourraient également être réintégrées dans les comptes de la Sécu d’ici trois à quatre ans.

- Le “plan médicaments” pourrait porter sur le mode de conditionnement : des boîtes "plus grosses". Gain attendu : 150 millions d’euros. Car cette mesure permettrait de délivrer l’équivalent d’un traitement de trois mois contre un mois actuellement, d’où baisse des prescriptions. Gain : 150 millions d’euros.

D. B.


Quelle égalité de soins ?

"Si le système n’est pas sauvé, il y aura une médecine à deux vitesses. Les plus modestes seront les plus mal soignés", expliquait lundi le ministre qui n’a pas pu s’empêcher de rappeler que l’assurance maladie perd "23.000 euros par minute", pour un déficit prévisionnel de 12,9 milliards d’euros en 2004.
Pourtant, l’accès aux soins n’est pas égal pour tous. Il n’y a qu’à demander aux exclus de la CMU.
L’essentiel des pistes présentées concernent donc les assurés sociaux. Une fois de plus, ils supporteront une part importantes des efforts programmés. L’une des phrases de Douste-Blazy est significative : "nous ne voulons surtout pas casser la reprise économique par des prélèvements trop abrupts".
En clair, pas touche aux entreprises ! Lesquelles mettront la main à la poche, mais de façon nettement moins conséquente : les entreprises ne mettront au mieux guère plus de 1 milliard d’euros dans la corbeille : le taux de la contribution spécifique de solidarité sur les sociétés - la C3S, prélevée sur les chiffres d’affaires supérieurs à 750.000 euros -, passerait de 0,13% à 0,16%. Gain attendu : 760 à 780 millions d’euros. Une augmentation de seulement 0,3% alors que la hausse de la CSG pour les retraités est de... 0,4%. Aucun mot sur la taxation des revenus financiers.
Quelle égalité dans les “efforts” à consentir ? Pour quelle réelle égalité dans les soins ?
Ce que le ministre souhaite, il l’a dit et répété, c’est d’induire un "changement radical du comportement des Français" en matière de consommation médicale. Il faut des "responsabiliser" se plaisait-il à dire. Mais c’est la culpabilisation des patients qui est recherchée...

D. B.


5 juin : mobilisation pour la santé

Le ministre de la Santé va poursuivre ses rencontres ave les syndicats pour parler ce ce texte qui sera soumis au Conseil d’État dans les prochains jours. Trois syndicats - l’UNSA, la CGT et la FSU - ont décidé lundi de faire du samedi 5 juin "une grande journée de manifestations décentralisées pour l’avenir de l’assurance maladie".
"Le gouvernement a décidé d’inscrire la réforme de l’assurance maladie dans un calendrier très court, qui rend difficiles de réelles négociations", expliquent-ils.
S’opposant à la mise en place d’une quelconque franchise et à des opérations de déremboursements non justifiées par de strictes considérations médicales, ils réclament "l’accès égal de tous à la prévention et à des soins de qualité" et "revendiquent une couverture sociale de base de haut niveau et une couverture complémentaire pour tous".


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