14 milliards d’euros enlevés à l’assurance maladie

Les personnes âgées et handicapées transférées aux Départements ?

9 août 2004

Le projet de Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) remet en cause frontalement le rôle solidaire de la Sécu et pousse les feux de l’étatisation de la protection sociale, estime “l’Humanité” dans un article paru dans ses colonnes le 30 juillet dernier.

Notre confrère pose la question que pose cette mesure gouvernementale : "Les personnes âgées et handicapées sont-elles des assurés sociaux comme les autres, ou bien faut-il les isoler et les traiter dans un système à part ?"
D’après “l’Humanité”, "la montée des besoins de prise en charge, induits en particulier par l’allongement de l’espérance de vie, et prenant appui sur les faiblesses, les lacunes des réponses actuelles, dramatiquement illustrées lors de la canicule de 2003", amène le gouvernement à préparer une telle réforme à l’orientation ultra-libérale.
La caisse nationale de solidarité autonome n’est pas une nouveauté. Elle a été évoquée en début d’année et son principe a été adopté par la majorité UMP en juin dernier. "Un projet de décret récemment publié en précise les modalités", indique “l’Humanité” qui annonce qu’un rapport à ce sujet a été remis à Jean-Pierre Raffarin.

Transfert

Le document entre les mains du Premier ministre annonce "ce que pourrait être le nouveau dispositif de prise en charge de la perte d’autonomie". "Point de départ de la démarche : les problèmes médicaux et sociaux des personnes âgées dépendantes et des handicapés constituent un risque spécifique, et la Sécurité sociale ne serait pas la mieux placée pour le couvrir", précise l’Humanité qui déplore que "le principe fondateur de la Sécu, consistant à garantir à chacun, de la naissance jusqu’à la mort, les moyens de faire face à la maladie, à l’invalidité, est frontalement attaqué".
Selon les auteurs du rapport, la Sécurité sociale n’est pas “adaptée” pour les personnes âgées ou handicapées. Ils proposent de transférer cette responsabilité aux Départements. "Ces derniers seraient en charge de l’ensemble des dispositifs de prise en charge du handicap et de la dépendance actuellement sous le contrôle de l’État ou de l’assurance maladie", note “L’Humanité”. "Leur reviendrait en particulier la tarification et le financement des maisons de retraite et des services de soins infirmiers à domicile, ainsi que des établissements pour handicapés enfants et adultes (notamment les centres d’aide par le travail)". D’après ce projet, ce serait le Conseil général qui ferait le travail de l’assurance maladie "pour couvrir les soins des personnes âgées, qu’elles résident en établissement d’hébergement ou à domicile". Allons-nous vers un nouveau projet de transfert sans l’accord des personnes concernées ?

Votes unanimes contre

Le Conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et celui de la Caisse nationale d’assurance maladie ont en tout cas adopté à l’unanimité un "avis négatif" contre ce projet. Le Conseil d’administration de la CNAV précise à ce sujet que "les partenaires sociaux se voient retirer leurs compétences habituelles au sein de la gouvernance de la Sécurité sociale, compétences qui leur sont dévolues depuis 1945 et qui ont été rappelées par le président de la République le 14 juillet dernier".
Le vote de la CNAV est motivé par le fait que le projet "remet en cause le caractère universel et solidaire de la sécurité sociale" : "En sortant les personnes âgées et les personnes handicapées des systèmes de protection sociale généralistes, pour les placer dans un système destiné à une population particulière, un tel dispositif revient sur les valeurs de solidarité inter et intragénérationnelle qui fondent notre institution".
Quant au volet budgétaire, la caisse nationale de solidarité pour l’autonomie devrait gérer 17 milliards d’euros. 2,1 milliards viendrait de l’apport de la journée de travail gratuit, mais pour l’autre partie, environ 14 milliards d’euros actuellement à la charge de l’assurance maladie et de l’État, c’est l’incertitude. Les rapporteurs recommandent "l’affectation d’une recette fiscale" équivalente au budget de la CNSA. Et ils suggèrent que celle-ci prenne la forme soit d’une part de CSG, soit d’une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP). "Un pas de plus serait ainsi franchi vers l’étatisation et la fiscalisation de la protection sociale", affirme “l’Humanité” alors qu’actuellement, "l’assurance maladie tire aujourd’hui l’essentiel de ses ressources d’un prélèvement direct sur les richesses créées, sous la forme de cotisations sociales, salariales et patronales".
"Les personnes âgées et handicapées deviendraient des assurés sociaux à part, avec tous les risques de stigmatisation que cela comporte", conclut “l’Humanité” qui précise que "le financement de leur prise en charge serait à la merci d’un changement de priorité budgétaire, d’un soudain accès d’austérité".


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