En France, toutes les bêtes suspectées d’être atteintes par le LBV sont abattues

Leucose bovine : le risque zéro n’existe pas

7 avril 2018, par Manuel Marchal

Jeudi, le préfet était dans un élevage pour manger de la viande de bœuf. Il a réaffirmé qu’il n’y a « aucun lien entre la leucose bovine et toute forme de maladie humaine ». Rappelons qu’en France, si une animal est convaincu d’être contaminé par la leucose bovine, tout l’élevage est abattu et bien entendu, la viande n’est pas consommée. C’est donc bien la preuve que le virus de la leucose bovine fait courir un risque sur la santé des consommateurs de viande de bœuf.

Photo Toniox.

La Réunion est fortement touchée par la leucose bovine. Cette maladie est au centre des préoccupations des éleveurs bovins dans notre île. En effet, le cheptel réunionnais a déjà été plusieurs fois décimé par des maladies importées. La première grande affaire date des années 1970 avec la brucellose. Cela ne faisait alors que quelques années que l’État avait mis en place des mesures pour soutenir le développement de cette filière agricole. C’était une réponse à la faillite des producteurs de géranium en raison de la concurrence mondiale.

Plusieurs associations d’éleveurs ont fait part de leurs craintes au sujet de l’impact de la leucose bovine. En effet en France, tout élevage convaincu d’abriter ne serait-ce qu’une bête malade est abattu, et bien entendu la viande n’est pas consommée. Ce principe de précaution est justifié par le fait que la France exporte de la viande, afin de rassurer les acheteurs potentiels. S’il y a ce principe de précaution, c’est en raison des craintes au sujet de l’impact de la consommation de viande contaminée par le virus de la leucose bovine.

Une étude réalisée sous la conduite de Gertrude Case Buehring, professeur à l’Université de Berkeley fait état d’un lien entre la passage dans le sang humain du virus de la leucose bovine (BLV) et la prévalence du cancer du sein. Elle souligne que l’ampleur de l’association entre l’ADN du virus de la leucose bovine et le cancer du sein est similaire à celle de facteurs de risques établis, tels que les antécédents de reproduction, les hormones et le mode de vie. Ce n’est donc pas négligeable.

Ce principe de précaution explique pourquoi en France, les mangeurs de viande bovine ont la certitude de ne pas consommer un produit contaminé par ce virus.

Troupeaux abattus en France

Mais il ne s’applique pas à La Réunion, au prétexte que les élevages de notre île n’exportent pas de viande. La dérogation s’appuie sur deux arrêtés ministériels publiés en 2015, renouvelée dans un autre de novembre 2017. Cet arrêté autorise donc la commercialisation de viande infectée par le virus de la leucose bovine.

Pour rassurer la population, l’État a organisé jeudi une opération de communication à ce sujet. Le préfet s’est rendu dans un élevage de la Plaine des Cafres. Il a mangé de la viande de bœuf, pour rappeler qu’il n’y a « aucun lien entre la leucose bovine et toute forme de maladie humaine ». C’est une affirmation qui contredit pourtant le résultat de l’étude scientifique de l’université de Berkeley.

Si le virus de la leucose bovine était sans danger pour l’être humain, comment alors expliquer que des cheptels soient abattus en France quand ils en sont porteurs ? Il s’avère que si des pays refusent d’acheter de la viande suspectée d’être infectée, c’est pour des raisons sanitaires.

Et le principe de précaution ?

En matière d’alimentation, une des conditions de la confiance, c’est l’absence de risque. Compte-tenu de la réglementation en vigueur, il est clair que pour la viande contaminée par le virus de la leucose bovine, le risque zéro n’existe pas.

Dans un domaine aussi sensible, une dérogation accordée à La Réunion fait donc courir un risque aux consommateurs. C’est un risque qui n’est pas considéré comme acceptable en France, mais qui l’est à La Réunion.

Des intérêts importants sont en jeu, car si 70 % du cheptel réunionnais est infecté, cela signifie que si la réglementation en vigueur en France devait s’appliquer, alors la plus grande partie des bovins réunionnais devraient être abattus. Cela suppose alors que l’État, responsable de la santé publique, prenne les mesures nécessaires pour indemniser les victimes de cette catastrophe sanitaire. C’est un impact financier certain, mais c’est sans doute là que se situe la solution pour renouer la confiance entre les Réunionnais et la viande bovine.

M.M.

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