Graves menaces sur l’accès aux soins à La Réunion

Médecins et pharmaciens dénoncent une pénurie organisée

24 janvier 2008, par Manuel Marchal

L’Intersyndicale des pharmaciens et trois syndicats de médecins représentant 90% des praticiens tirent la sonnette d’alarme : l’accès aux soins pour tous est menacé, le danger d’une santé à plusieurs vitesses est bien réel, la dynamique des restrictions est enclenchée, et ce sont les plus démunis qui sont les premières victimes. Si le gouvernement ne veut plus rembourser certaines pathologies et s’il ne veut plus garantir l’accès aux soins pour tous, qu’il le dise et apporte la clarification. Quant aux médecins et aux pharmaciens, ils s’engagent à informer la population.

294% de hausse pour un sirop contre la toux, cet exemple est loin d’être isolé. C’est la conséquence du déremboursement de centaines de médicaments décidés par le gouvernement. A cela s’ajoutent un nombre de places insuffisant pour étudier la médecine, des restrictions imposées à l’installation de jeunes pharmaciens, une politique qui vise à fermer les pharmacies situées dans les écarts, l’évocation d’une remise en cause de la CMU, l’entrée en vigueur des franchises médicales, sans compter une baisse sans concertation, et donc illégale, du prix des médicaments remboursés, la volonté d’autoriser la vente de médicaments dans la grande distribution : la liste des mesures prises par le gouvernement est longue.

La clarification nécessaire

Elles contribuent à une dégradation du système de soins. C’est le prolongement de politique mises en oeuvre par les gouvernements qui se sont succédé depuis une vingtaine d’années. Résultat : les inquiétudes sont grandes quant à la pérennité de l’accès aux soins actuellement en vigueur. L’Intersyndicale des pharmaciens, ainsi que MG France, SOS Médecins et la Confédération des médecins tirent la sonnette d’alarme, informe la population des dangers encourus et demande au gouvernement une clarification et interpelle les candidats aux élections.
« Veut-on revenir cinquante ans en arrière à La Réunion, veut-on que les pauvres se soignent comme ils le pouvaient à l’époque, veut-on d’une médecine à deux, voir trois vitesses », interroge Daniel Jatob de SOS Médecins, « si la santé n’est plus une priorité pour le gouvernement, qu’il le dise clairement ». Pour les organisations présentes, les restrictions en matière d’offre de santé sont bien réelles. Un exemple le plus révélateur est le déremboursement de nombreux médicaments. « Il est choquant d’entendre parler de médicaments de confort. Si pour certaines pathologies, on ne veut plus rembourser, que le gouvernement le dise », note Daniel Jatob.

Moitié moins de médecins dans vingt ans

Devant cette situation, le gouvernement lance la diversion de la baisse du prix des médicaments (voir encadré). Les praticiens dénoncent cette méthode, et soulignent que « même si les caisses sont vides, la santé doit être une priorité ». « En tant que médecins, nous nous opposerons à toute inégalité par rapport à l’accès aux soins », déclare Daniel Jatob.
Or, force est de constater que la logique qui prévaut est celle de la restriction. Les délais d’attente pour consulter un spécialiste s’allongent, car leur nombre est insuffisant. L’évolution de la démographie médicale est très inquiétante. Dans 15 à 20 ans, c’est-à-dire au moment où La Réunion atteindra le million d’habitants, la densité de médecins aura diminué de moitié. Quant aux pharmacies, le relèvement du seuil de population obligatoire pour s’installer va déboucher sur une concentration dans les centres urbains, et à une désertification dans les écarts.
« La population doit savoir ce qui va se passer. Nous sommes dans une dynamique de pénurie, donc de restriction d’accès aux soins. S’il n’a plus les moyens pour assurer un système de santé de qualité pour tous, que le gouvernement l’annonce », conclut Daniel Jatob.

Manuel Marchal


Préserver le système de santé

La santé coûte cher, mais elle fait une priorité de la population, rappelle les syndicalistes. Ce coût s’explique par plusieurs facteurs. C’est tout d’abord le vieillissement de la population. C’est ensuite la mise en service de plateau technique de plus en plus performants.
A La Réunion, les vingt prochaines années seront marqués par un changement de la pyramide des âges, avec une proportion chaque jour plus importante de compatriotes âgés de plus de 60 ans. Dans ces conditions, il est plus que jamais nécessaire de préserver un accès aux soins le plus large possible, afin que le revenu et l’éloignement des centre-villes ne soient pas un facteur d’exclusion.


Baisse des prix des médicaments

Insolence et manque de respect de Jean-Paul Virapoullé et Nassimah Dindar

Concernant la baisse du prix des médicaments, médecins et pharmaciens s’insurgent contre la méthode qui consiste à désigner à la vindicte populaire une profession : hier les infirmiers, aujourd’hui les pharmaciens, demain les médecins, les kinésithérapeutes, et en bout de course les usagers ?
L’attitude de Jean-Paul Virapoullé et Nassimah Dindar est particulièrement montrée du doigt. Fred Sautron, du Syndicat des pharmaciens de La Réunion, s’insurge contre « le manque de respect, l’insolence que nous avons subie, la stigmatisation de notre profession. Nous sommes déçus par les dirigeants de notre pays. Nous demandons le respect ».
« Toute baisse non concertée a des conséquences dramatiques sur l’accès aux soins », poursuit Gilles Narboni, de l’Union départementale des pharmaciens de La Réunion.
« Nous lutterons jusqu’au bout, la population a besoin de nous », ajoute Fred Sautron, « car nous offrons des services bien au-delà de la vente de médicaments. Nous avons besoins de moyens pour donner à la population les services qu’elle mérite ».
Exerçant dans les écarts, le représentant de MG France constate que la petite pharmacie située à proximité de son cabinet rencontrera des difficultés. Dans les hauts, les officines réalisent l’essentiel de leurs chiffres d’affaires avec les médicaments remboursés. « C’est une catastrophe sociale qui se prépare ».
Autre fait : les mutuelles bénéficient de la baisse des prix des médicaments. Ont-elles baissé les cotisations ?
Enfin, baisser le prix des médicaments remboursés est illégal. Le gouvernement avait voulu diminuer le remboursement des actes pratiqués dans les cliniques. Ce décret a été cassé par le Conseil d’Etat parce qu’il n’a pas respecté la loi : les textes impose en effet une concertation préalable et des études d’impact. Ces conditions ne sont pas respectées pour la baisse des prix des médicaments, ce qui ne peut que conclure à l’illégalité de cette mesure lancée par Jean-Paul Virapoullé pour cacher son soutien aux franchises médicales. Un soutien partagé par Didier Robert et René-Paul Victoria, deux autres candidats aux élections municipales qui soutiennent également cette casse sociale.

Lutter contre la vie chère

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