Le gouvernement Raffarin et la réforme de l’assurance maladie

Médicaments : de nouveaux mauvais coups en préparation

14 mai 2004

Philippe Douste-Blazy, le ministre de la Santé, et Xavier Bertrand, secrétaire d’Etat à l’Assurance-maladie, l’ont clairement dit à la mission parlementaire en charge du dossier de l’assurance maladie : ils comptent sur le médicament pour faire des économies sur les dépenses de santé.

Dans son intervention télévisée de jeudi 6 mai 2004, le Premier ministre a affirmé qu’il y aurait bien des déremboursements. (photo Imaz Press Réunion)

À l’initiative du gouvernement, un plan sera discuté et élaboré en étroite concertation avec les industriels du médicament pour diminuer les dépenses de l’assurance maladie dans ce domaine. Rendez-vous a d’ores et déjà été pris entre les uns et les autres pour avancer sur un dossier qui s’annonce délicat.
En effet, prévoir des économies sur le médicament ne doit pas se traduire par la pénalisation d’un secteur d’activité essentiel en matière d’emplois et d’exportations, donc, porteur de croissance. Or on sait l’importance qu’attache le gouvernement à la réussite de sa démarche de reprise de la croissance.
En outre, le rapport commandé par les prédécesseurs de Nicolas Sarkozy et Patrick Devedjian au ministère de l’Economie et de l’Industrie (en l’occurrence, Francis Mer et Nicole Fontaine) sur l’attractivité de la France en matière d’industrie pharmaceutique devrait attirer l’attention des pouvoirs publics sur certains aspects de la politique du médicament. Des éléments qui pourraient faire hésiter des multinationales à poursuivre leurs investissements en France.

Des économies, sans soulever les foules

Cela étant, le gouvernement actuel, comme ses prédécesseurs, sait pertinemment qu’il lui faut prendre certaines mesures d’économies, sans soulever les foules. Quoi qu’il en soit, dans son intervention télévisée de jeudi 6 mai 2004, le Premier ministre a affirmé qu’il y aurait bien des déremboursements.
Mais ceux-ci seraient limités - dans un premier temps - et n’interviendraient pas dans l’immédiat. Ils seraient en tout cas conditionnés à l’avis de la Haute Autorité de santé chargée d’évaluer les pratiques médicales, les processus thérapeutiques et, par là même, l’efficacité des médicaments. Tant et si bien d’ailleurs que beaucoup s’interrogent sur le rôle qui sera dévolu, après la réforme, à la Commission de la transparence, qui a également une mission d’évaluation, s’agissant notamment du service médical rendu (SMR) par les médicaments.
Si déremboursements il devait y avoir, ils ne devraient théoriquement avoir lieu qu’après l’installation de la Haute Autorité. Mais ils auront lieu, le gouvernement y est bien décidé.

Généralisation des tarifs forfaitaires de responsabilité (T.F.R.)

Dès lors, se pose la question de la deuxième vague de déremboursements du plan Mattei de l’automne 2002, qui concernait surtout des médicaments soignant des problèmes de circulation sanguine (ce qui touche essentiellement les personnes âgées). Pour beaucoup, ces déremboursements devraient être renvoyés à “plus tard” (après les élections du 13 juin ?). "C’est ce qu’on nous a clairement laissé entendre" , confirme un industriel, qui ne se fait cependant guère d’illusion sur l’avenir.
Le gouvernement envisage de généraliser à tous les groupes génériques le principe du tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) qui consiste, on le sait, à fixer un taux unique de remboursement pour les médicaments initiaux et leurs génériques, quel que soit le prix de la spécialité.
Le gouvernement voudrait même abaisser le niveau de remboursement déjà fixé, mais il sait que, là, il marche sur des œufs : il court le risque de décourager beaucoup de fabricants de génériques, alors que vont tomber dans le domaine public des molécules importantes.

Médicaments reclassés

Une autre possibilité envisagée par le gouvernement provoque bien des remous dans les milieux industriels : le gouvernement envisagerait de déclasser, après avis de la Haute Autorité citée plus haut, un certain nombre de médicaments, qui avaient obtenu il y a quelques années un SMR "important". Du fait de ce classement, ces médicaments bénéficient du meilleur remboursement possible. Alors, pour faire des économies, le gouvernement envisage de les déclasser en SMR "moyen ou modéré". Ces médicaments auraient alors un taux de remboursement plus faible.
Voilà une manière qu’elle est bonne pour abaisser le coût de remboursement de ces spécialités sans en baisser le prix. Et qui c’est qui paiera la différence ? Le malade, bien entendu. Et qui c’est qui aura le plus de difficulté à payer cette différence ? Le malade pauvre, comme d’hab’ !
Et si on décidait plutôt de diminuer la durée de nuisance de ce gouvernement ? Les bulletins de vote, le 13 juin prochain pourraient être un excellent calmant définitif pour ce Premier ministre et son équipe.


Santé : Raffarin s’en prend encore aux plus fragiles

Pour soi-disant responsabiliser les usagers de santé, rien ne vaut un petit coup au porte-monnaie. C’est le raisonnement défendu par Jean-Pierre Raffarin le jeudi 6 mai dernier sur France 2. Le Premier ministre a souhaité que chaque patient, quand il se rend chez le médecin, "prenne conscience de l’acte médical", ou plutôt du coût des soins pour la collectivité nationale. Pour le chef du gouvernement, il s’agit d’en finir avec ce qu’il nomme "le sentiment de gratuité".
Pour encourager cette prise de conscience, le chef du gouvernement envisage d’instaurer sur chaque acte médical "une contribution (financière) très modeste, pas plus d’une pièce, en tout cas", restant à la charge du patient. Une pièce de combien, exactement ? "Un euro, par exemple".
Pour faire passer la mesure, Jean-Pierre Raffarin, la main sur le cœur, nous assure que les plus défavorisés et les plus fragiles seraient "bien sûr" exonérés de cette franchise non remboursée, comme "les enfants et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle (CMU)" .
Devant les députés de la mission Debré sur l’assurance-maladie, Philippe Douste-Blazy s’était montré défavorable à l’instauration d’une franchise de deux euros... par boîte de médicament, "car cela ne différencie pas celui qui est riche et celui qui est pauvre". Le ministre de la Santé n’avait certes pas évoqué l’éventualité d’un "reste à charge" par feuille de soins. Selon Xavier Bertrand, secrétaire d’Etat à l’Assurance-maladie, "cette "pièce" constituerait un acte fort, un engagement qui montrerait que la santé a un coût".

Les limites du ticket modérateur

Reste que la responsabilisation strictement financière des patients, même "modeste", est souvent jugée inéquitable et culpabilisante, pour peu de résultats. Pour nombre d’observateurs, la franchise sur les actes médicaux serait "injuste" et "inefficace" en termes d’économies (l’assurance-maladie traite 840 millions de feuilles de soins par an, dont 213 millions de C).
Pour que les gens sachent ce que coûtent les soins, de nombreuses voix s’élèvent et préconisent de ne pas "montrer du doigt les patients". Elles prônent plutôt "l’éducation sanitaire, comme pour les antibiotiques ou les génériques".
Porte-parole du Collectif interassociatif sur la santé (CISS), qui regroupe vingt-cinq associations d’usagers, Alain-Michel Ceretti s’étonne que le gouvernement "revienne à ce genre de mesures, car, fait-il remarquer, le ticket modérateur, n’a jamais fait baisser quoi que ce soit".
"Nous avions eu cette discussion avec Jean-François Mattei [le précédent ministre de la santé], ajoute-t-il, tout le monde était d’accord pour dire que faire payer encore plus ce n’est pas la solution". Il regrette lui aussi que le malade soit considéré comme "la raison des 14 milliards de déficit" et s’interroge sur les "contreparties" que les usagers peuvent attendre de la réforme, notamment en termes de "transparence des pratiques professionnelles".
La Mutualité française (95% des mutuelles santé, 36 millions de personnes couvertes) est totalement hostile à la franchise sur les consultations. "Il s’agit d’une mesure gadget qui ne résout rien et qui risque de faire reculer l’accès aux soins d’une partie de la population". "Si on exclut les patients en Arrêt de Longue Durée et les CMU, il reste deux catégories : les gens qui se fichent d’une telle mesure parce qu’ils ont les moyens et ceux qui risquent de renoncer à certains soins."
Même les médecins généralistes semblent sceptiques. "Ce n’est pas la bonne approche, analyse le Dr Pierre Costes, président de MG-France. Un bon système de santé doit faciliter l’accès aux soins de première ligne."
Décidément, Jean-Pierre Raffarin persiste à s’en prendre aux plus défavorisés. Peut-être que, le 13 juin 2004, plusieurs millions de bulletins de vote pourraient le placer en arrêt de longue, très longue, durée. Pour le plus grand bien de tous les patients de la République.


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