Lutte contre les cancers professionnels

Métiers du bois, de l’automobile : des risques cancérogènes avérés

14 novembre 2007

Depuis 20 ans, la CGSS de La Réunion et ses partenaires évaluent le risque cancérogène au travail, apportent conseils et assistance aux entreprises dont les produits ou procédés exposent les salariés à des agents cancérogènes. En 2008, les acteurs de la prévention vont se concentrer sur les 400 menuiseries de l’île qui emploient du personnel, exposé aux poussières de bois cancérogènes.

La lutte contre le cancer, priorité de santé publique, passe aussi par le monde du travail. Identifier les cancers professionnels, les substances et pratiques à risque, informer les entreprises de leurs obligations réglementaires, mais aussi les accompagner dans leurs applications techniques sont autant de missions dévolues à la CGSS et à ses partenaires intervenants en prévention des risques professionnels*.

Réunion/Bretagne partenaires depuis 20 ans

Depuis 1987, la CGSS de La Réunion travaille en collaboration avec le CIMPO (Centre Interrégional de Mesures Physiques de l’Ouest) de la CRAM (Caisse Régionale d’Assurance Maladie) de Bretagne. Constituée de 7 techniciens, l’équipe du CIMPO de Rennes vient deux fois par an dans notre département, soit au total une soixantaine d’interventions afin de mesurer les nuisances physiques (ventilation, bruit, thermique, éclairage, vibration) sur un échantillon d’entreprises signalées à risque par la médecine du travail ou détectées comme tel par les services de prévention. Comme le soulignait hier Alain Iglicki, Ingénieur Conseil régional en Prévention des Risques Professionnels à la CGSS, « les interventions sur le terrain ne se font pas du tout au petit bonheur la chance ».
Thierry Batannec, Ingénieur Conseil régional du CIMPO, actuellement dans notre département avec deux techniciens, explique que les réalisations communes engagées avec La Réunion ont jusque-là essentiellement porté sur les nuisances sonores et l’assainissement de l’air (voir encadré). Depuis 5 ans, en Bretagne comme à La Réunion, les vibrations, induites par exemple par les engins de carrière, et qui entraînent des problèmes lombalgiques importants chez les salariés, font l’objet d’une attention plus précise. « Il y a matière à faire des choses », précise Thierry Batannec, soulignant que les professionnels doivent prendre en compte les normes d’exposition aux vibrations. Sachant que les affections périarticulaires ont progressé de 24% de 2005 à 2006 à La Réunion (source : Statistiques 2007 CGSS) et que les troubles musculo-squelletiques gagnent du terrain dans tous les secteurs d’activités, aucune piste d’actions préventives ne doit être écartée. Autre perspective d’action envisagée par le CIMPO, le contrôle des centres d’appels téléphoniques, activité tertiaire en plein développement. « On sait que la qualité et les conditions de vie au travail y sont très difficiles. Si le poste de travail est mal aménagé, si les salariés sont trop nombreux, le risque de surdité est avéré ». « Un vrai sujet d’avenir pour nous », soutient encore Thierry Batannec.

« Les menuiseries manquent d’assainissement de l’air »

Dans un avenir plus proche, dès 2008, sous réserve de l’approbation finale de l’Inspection du Travail, la CGSS souhaite s’inspirer du Plan Régional Santé-Environnement (PRSE) développé en Bretagne au niveau des menuiseries, secteur d’activités où les risques cancérogènes sont avérés. En effet, l’inhalation des poussières de bois peut entraîner une infection cancérogène de l’ethmoïde (cavités nasales). « Les menuiseries manquent d’assainissement de l’air, alors que la réglementation est très forte sur cette question, explique Alain Iglicki. Il faut s’intéresser aux capteurs de poussières de bois installés sur les machines, et donc conduire un travail en amont sur leur conception ». La ventilation, le captage des poussières sont des éléments de prévention importants de même que la prise en compte des risques d’incendie. Pour prévenir les risques de cancers liés à l’exposition aux poussières de bois, le PRSE de Bretagne préconise 4 axes de travail : le dépistage précoce des cancers ; l’état des lieux des entreprises de menuiserie ; la constitution, à partir de cette photographie, de préconisations types ; le suivi de leur application comme des nouveaux projets d’installation. À La Réunion, le registre des métiers recense 800 entreprises de menuiserie dont la moitié seulement intéresse la CGSS et ses partenaires, car employant du personnel. À la différence de La Bretagne où l’activité industrielle est plus développée, l’Inspection du Travail envisagerait non pas un PRSE, mais un PRST (Plan Régional Santé-Travail). Il faudra attendre le feu vert de son directeur pour en savoir davantage sur ce choix.

Solvant, peinture, fumées d’échappement : « un sujet récurrent »

Un PRST qui pourrait également concerner les garages et carrosseries automobiles. « La question des solvants, de la peinture, des fumées d’échappement est un sujet récurrent », souligne Thierry Batannec. La conformité des cabines de peinture doit être vérifiée de même que l’installation des blocs de préparation des produits, le matériel et les procédés de ponçage ou encore le captage des fumées d’échappement. Comme le rappelle Alain Iglicki, dans ce secteur comme dans celui de la menuiserie, il existe un certain nombre d’exigences techniques auxquelles on ne peut déroger. « Les normes CGSS sont bien connues des fournisseurs, assure-t-il. On ne peut plus faire n’importe quoi ».
Des sanctions sont-elles possibles ? L’Ingénieur Conseil rappelle que « la CGSS, comme l’Inspection du Travail, a un pouvoir de contrainte. Nous le faisons en ce qui concerne les poussières de bois, les gaz d’échappement, et l’on peut aussi apporter une aide financière aux entreprises de bonnes volontés ». L’idéal n’étant pas d’avoir à imposer, mais à discuter des solutions techniques les plus facilement applicables. La prévention des risques professionnels est d’autant plus nécessaire dans les métiers du bois et de l’automobile que ce sont les deux secteurs d’activités qui enregistrent un fort taux de fréquence d’accidents du travail. Enfin, si Alain Iglicki assure que ces 5 dernières années, les cas de cancers professionnels sont faibles à La Réunion (1 à l’amiante, 1 aux poussières de bois), il insiste sur le fait qu’« on cherche à éviter qu’avec un autre produit, on soit confronté au même problème qu’avec l’amiante ».

Stéphanie Longeras

* ARVISE (Agence Réunionnaise de Valorisation des Initiatives Socio-Economiques) ; CCIR ; Chambre d’Agriculture ; CDG (Centre Départemental de Gestion de la Fonction Publique Territoriale) ; CGSS ; Chambre de Métiers et de l’Artisanat ; Direction du Travail ; Intermétra/Métrag ; SISTBI (Service Interprofessionnel de Santé au Travail du Bâtiment et Interprofessionnel) et le Rectorat. En 2000, l’ensemble de ces partenaires ont signé une charte visant à coordonner leurs actions et à offrir un accompagnement pluridisciplinaire aux entreprises.


La Réunion citée en exemple

Dans son intervention visant à présenter les actions communes conduites depuis 20 ans entre le CIMPO de Rennes, la CGSS de La Réunion et ses partenaires, Thierry Batannec a souligné le caractère « exemplaire » des réalisations locales en matière de prévention. Les travaux déjà conduits avec le CIMPO, la mise en place de standards destinés et utilisés par les entreprises, les opérations d’information à l’attention des fournisseurs et des installateurs et la planification de nouvelles actions témoignent d’une bonne dynamique départementale en la matière. Thierry Batannec note que La Réunion est même globalement en avance sur ce qui se fait en Métropole.Les travaux d’insonorisation des presses à parpaings mais encore des plumeuses et machines à éviscération de l’abattoir Segma (ex : Grand Matin) à Salazie ont été cités en exemple en juillet à Lille lors d’un congrès réunissant les actions de la prévention. Une publicité positive qui traduit que, accompagnées, les entreprises peuvent appliquer les normes sécuritaires au profit des conditions de travail et de la santé de leurs salariés.


Quelques réalisations communes Rennes/Réunion

Comme l’a rappelé Thierry Batannec, en 20 ans de partenariat, la CGSS et le CIMPO ont conduit des réalisations qui portent essentiellement sur le traitement acoustique et l’assainissement de l’air. Il a cité l’installation de plafonds et de panneaux visant à limiter les nuisances sonores dans l’atelier de métallurgie Lafarge à La Possession, dans les concessions automobiles Cadjee, Sogecor. Ces travaux sont efficaces et esthétiques. La promotion de torches aspirantes a été réalisée dans les entreprises de métallurgie pour un captage à la source des poussières de soudage. Toujours chez Lafarge, des cabines extérieures ont été installées pour protéger les salariés de la centrale à béton. Dans certaines imprimeries, pour ne pas citer celle du “JIR”, les rotatives ont été isolées et un traitement acoustique d’ensemble par baffle a été opéré. On peut citer encore, en plus de l’insonorisation de presses à parpaings et de l’abattoir Segma, le traitement acoustique des entrepôts de limonaderie de Bourbon.


Brochure pour les entreprises

Réalisée conjointement par la CGSS et l’ARVISE et financée par la Direction du Travail, une brochure portant sur la lutte contre les cancers professionnels vient d’être éditée à destination des entreprises. « L’objectif est d’informer les employeurs destinataires de cette plaquette sur leurs obligations en matière de cancers professionnels : l’évaluation des risques (produits et procédés), le rappel de la réglementation », explique Xavier Fareldela de la CGSS. Dans les activités susceptibles de présenter un risque d’exposition à une substance ou une préparation chimique classée comme cancérogène, l’employeur doit mettre en œuvre un certain nombre d’actions décrites dans cette brochure. Il doit par exemple substituer un produit à risque par un autre ou adapter son procédé lorsque cela est techniquement possible*. Ces brochures seront délivrées par les partenaires de la CGSS en fonction des entreprises à risque rencontrées.
Pour plus d’information, vous pouvez consulter les sites de la CGSS (www.cgss-reunion.fr) et de l’ARVISE (www.arvise.net).

* L’acétate de plomb par exemple, utilisé par l’industrie sucrière pour clarifier le jus de canne, devrait être remplacé par un autre produit. Actuellement, de façon provisoire, il est capté à la source. Mais une mesure définitive est à l’étude. Un produit de substitution est en cours d’analyse et devrait être prêt d’ici 2008. Reste à ce que ce dernier n’entrave pas la richesse du sucre, élément décisif pour les agriculteurs.

SL


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