Chikungunya : Fin de la visite sénatoriale

’Ne plus tâtonner’

25 mars 2006

Avant son départ pour la métropole, Nicolas About, président de la Commission des affaires sociales du Sénat, a accepté de nous dresser un bilan rapide de ses 3 jours de visite à La Réunion. Frappé par la mobilisation réunionnaise qu’il qualifie d’exemplaire, le sénateur estime que La Réunion doit bénéficier d’un site de recherche de même qualité, ’un site de recherche exemplaire. C’est une demande légitime’.

Après ce que l’on pourrait qualifier de "période de cafouillage, de réajustement ou d’adaptation à l’épidémie", voire de "retard à l’allumage" déjà constaté en France face à la menace de léginélose, Nicolas About estime qu’il convient dès lors de "ne plus tâtonner", mais bien de réfléchir à des moyens de lutte et de recherche à inscrire dans la durée.

Pérenniser les emplois

Même si l’épidémie semble ralentir, certainement en raison de cette mobilisation exemplaire à tous les niveaux, de la population, de la classe politique, des associations qui a "impressionné", le sénateur, tout comme cette prise de conscience de l’intérêt général "rare", "il faut sortir de la crise et surtout voir comment l’État envisage d’aborder une situation endémique". L’implication, l’investissement des jeunes volontaires qui ont rejoint l’armée dans les opérations de démoustication et qui, plutôt que de ressentir du désabusement face à l’ampleur de la tâche, ont manifesté une réelle volonté d’agir dans l’intérêt général, doivent trouver leur écho dans la création d’emplois pérennes. Selon le sénateur UC-UDF des Yvelines, "il faut réfléchir à la façon de maintenir tous ces jeunes en activité, de passer des emplois aidés à des solutions durables".

Pour une stratégie durable

Il convient également de répondre à cette volonté forte exprimée par le corps médical, les médecins, généralistes et hospitaliers, avec qui le sénateur s’est longuement entretenu, en organisant "une recherche spécifique à La Réunion qui pourra servir aussi bien son intérêt que celui de la région et par rebond, l’intérêt de la France et des autres pays. La Réunion doit développer un site de recherche sur les arboviroses, doit réfléchir aux démarches à entreprendre pour se débarrasser de l’albpopictus qui fait preuve de ruse, mais aussi de toutes autres menaces. Elle doit réfléchir à une lutte anti-vectorielle la plus efficace possible. Il faut un site de recherche exemplaire, c’est une demande légitime". La mise au point d’une stratégie durable est à l’ordre du jour pour Nicolas About qui pense à tous ces moteurs de recherches qui permettront d’apporter des traitements plus efficaces, qui se tolèrent mieux et qui diminueront les formes graves, qui permettront de mieux comprendre les phénomènes de rechutes, d’approfondir la question des niches de contaminations, etc... Cela passe pas la création de structures adaptées aux besoins locaux, tels qu’un Institut de recherche ou encore un CHU. "L’État a pris la dimension de l’enjeu et du service qu’il peut rendre au niveau mondial".

"Soutenir La Réunion"

Le chikungunya, "c’est un vrai sujet, il faut maintenant soutenir La Réunion", maintient Nicolas About qui fera une communication devant la Commission du Sénat dans ce sens, qui précédera certainement la mise en place d’un nouveau débat en séance publique. Le sénateur accorde que l’épidémie qui frappe La Réunion met en exergue le déficit d’investissement français dans la recherche. "Il ne faut pas rater l’occasion de donner un coup de fouet à la recherche, allant dans le sens d’une collaboration entre La Réunion et la France". En tant que médecin généraliste de formation et familier de l’industrie pharmaceutique, le sénateur accorde également que la question de la différence de prix des médicaments entre La Réunion et la métropole doit être retenue et discutée. À la veille du déremboursement de plus de 150 médicaments, cette initiative serait effectivement la bienvenue.

Estéfani


Route en Corniche

Nicolas About, interpellé sur l’effondrement de la Route du littoral, apporte tout son soutien aux familles des victimes. S’il ne peut s’exprimer à la place du ministre de l’Outre-mer sur la question de la décentralisation des routes nationales au Conseil régional et du transfert de la route en corniche au Conseil régional, il souligne en revanche que "le transfert ne serait simplement d’accompagner de transfert sans moyens appropriés. Il faut réfléchir ensemble à ce problème récurrent".


Courbe épidémiologique descendante

Vigilance

Si le nombre de cas tend à diminuer, l’épidémie de chikungunya reste néanmoins toujours active. La dépression tropicale Diwa peut contribuer à modifier le cycle de vie du moustique vecteur de la maladie. Il ne faut pas se laisser surprendre à nouveau, rester vigilants, d’autant que les données transmises par la CIRE ont encore besoin d’un délai de consolidation.

Nous en serions à 218.000 cas de chikungunya depuis le début de l’épidémie. Pour la semaine du 13 au 19 mars, 4.500 nouveaux malades sont recensés par la CIRE, contre 5.600 la semaine antérieure. Le nombre de certificats de décès et de cas graves, respectivement 155 et 142, continue à augmenter.

Cas de rechutes hospitalisés

Comme le confirme Danièle Ilef, coordinatrice scientifique de la CIRE qui succède à Henriette de Walk, la courbe descente de l’épidémie ne doit pas provoquer un relâchement de la vigilance. "Nous sommes toujours en période épidémique. Cela pourrait repartir, reflamber. Il faut rester vigilants, continuer à lutter activement contre les gîtes larvaires et à se protéger contre le moustique". À l’exception des urgences de Saint-Denis, le nombre de passage dans ces services comme le nombre d’hospitalisations diminuerait au cours de la semaine du 13 au 19 mars. Toujours un bémol pour la région Ouest qui commence juste à noter un infléchissement, plus ressenti dans les données statistiques que dans les faits. Selon Danièle Ilef, "on pourra parler d’essoufflement de l’épidémie lorsque l’on aura atteint un niveau beaucoup plus bas, plusieurs semaines de suite". Les 47 cas de transmission materno-fœtale, entre la naissance et le 9ème jours de vie, les phénomènes importants de rechutes ou de décompensation de pathologies chroniques après la phase virémique qui expliquent d’ailleurs la continuité des hospitalisations, l’augmentation des auto-déclarations par téléphone (qui n’est pas significative pour la CIRE) ou encore celle des décès enregistrés en janvier-février au regard des années antérieures, sont des facteurs inquiétants.

Encore beaucoup de questions

Il faudra attendre une analyse plus précise des certificats de décès pour confirmer et officialiser l’imputabilité du chikungunya. Il faut du temps, selon Danièle Ilef qui rappelle que les épidémiologistes ont des difficultés à engager des analyses de fonds, "à travailler sur la validation des analyses de mortalité", lorsqu’ils doivent participer aux cellules de crises, répondre aux diverses sollicitations quelles soient des médias ou des autorités gouvernementales de passage. C’est aussi la rédaction des protocoles, et des protocoles des protocoles, qui ponctionne du temps. Pour la coordinatrice scientifique, jusque-là attachée à la CIRE du Nord Pas de Calais, et qui découvre une situation de crise sanitaire toute nouvelle avec le chikungunya, on ne peut pas demander plus que la transparence offerte actuellement. Les programmes de recherche clinique permettront d’en savoir plus sur les cas de rechutes, les formes graves. L’enquête de séroprévalence, coordonnée par le docteur Favier du GHSR, et qui sera engagée en mai-juin de cette année auprès de 2.000 personnes, permettra grâce à un questionnaire complémentaire d’aboutir à une étude descriptive de la population. Pour l’heure, il faut selon cette dernière rappeler que tant qu’il y aura des malades, l’épidémie restera active, représentera un danger particulier pour les femmes enceintes et les personnes âgées, malades, fragiles.

Estéfani


An plis ke sa

o Pas de co-infection
Les 26 dossiers de patients suspectés d’être co-infectés par le chikungunya et la dengue ont été revus par le CNR. Ses premières conclusions ne sont pas en faveur d’une co-circulation des 2 virus, mais ce constat ponctuel qui ne doit pas écarter la ré-émergence d’une forme grave de dengue.

o Déclaration obligatoire ?
Comme annoncé par Xavier Bertrand, la semaine dernière à Nice, le Conseil supérieur d’hygiène publique de France, instance consultative du ministère de la Santé, devait étudier, hier après-midi, l’éventualité de la mise en place d’une déclaration obligatoire des cas de chikungunya et de dengue sur le territoire national. La menace est prise au sérieux, mais cette mesure permettra-t-elle d’endiguer la maladie ?

o Des produits sans danger, à condition...
Tout ce que l’on sait du dispositif de toxicovigilance des effets sur la santé des insecticides utilisés dans la lutte anti-vectorielle, c’est que l’on ne sait rien. Là encore, si l’on respecte précisément les fameux protocoles d’utilisation, ces produits toxiques ne représentent "pas de risque pour la santé des applicateurs et de la population générale". Les 39 dossiers en cours d’analyse par le Rectorat et la DRASS semblent néanmoins démontrer qu’en raison d’un traitement proche de l’école, ou le jour même de sa fréquentation, ou d’un défaut d’étanchéité des bâtiments, ou encore en raison du vent, ont provoqué à plus d’une centaine d’enfants et adultes des effets irritants sur la peau, les yeux, au niveau des voies respiratoires, voire un malaise dans 2 cas et une hospitalisation.


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