Agir Pou Nout Tout reçu par l’ARH

On gère l’urgence pas la crise

11 février 2006

Hier matin, Antoine Perrin recevait Jean-Hugues Ratenon et ses interrogations. Le président d’Agir Pou Nout, en contact permanent avec la population et ses préoccupations, sent bien que les moyens sanitaires, mêmes renforcés, restent insuffisants pour répondre à la crise. La qualité de l’échange, la disponibilité du directeur de l’ARH n’ont pas suffit à convaincre le militant associatif qui estime qu’’on nous dit les choses comme elles sont, mais cela ne veut pas dire qu’elles sont suffisantes’.

Jean-Hugues Ratenon connaît, comme nous tous, les insuffisances de notre système de santé, qui se révèlent d’autant plus avec l’épidémie exponentielle de chikungunya. Ses inquiétudes ne sont pas anodines mais sont l’écho du quotidien des plus mal aisés. Qu’est-ce qui peut être fait pour ces personnes en souffrance qui demandent une prise en charge hospitalière qui leur est refusée ? Comment obtenir plus que des conseils par téléphone qui ne suffisent pas à rassurer ? Comment se déplacer jusqu’à l’hôpital quand on n’a pas les moyens ?

Les urgences obligées de refuser

Le phénomène d’engorgement des services d’urgence des hôpitaux publics n’est pas nouveau. Depuis plusieurs années, les urgentistes réclament des moyens supplémentaires qui arrivent au compte goutte, quand ils arrivent. Mais avec la crise sanitaire du chikungunya, les capacités d’offres sont saturées. "Comment s’organisent alors l’accompagnement et la prise en charge des malades ?". Jean-Hugues Ratenon interpelle Antoine Perrin sur l’entassement des malades dans les services ; une réalité qui n’épargne aucun hôpital de l’île, selon le directeur de l’ARH, qui s’en rend compte à chacune de ses visites de terrain. Plusieurs données sont en cause : la taille des locaux qui limite les capacités d’accueil, la forte fréquentation des "personnes socialement fragiles" qui ont besoin d’un soutien, la pénurie de médecins de garde le week-end qui renvoie les patients aux urgences et enfin le manque d’effectif. Sur ce point, les renforts de métropole viennent soulager le personnel en place qui ne peut, à lui seul, répondre à toutes les demandes. Pour éviter un embouteillage à l’entrée des urgences, il faut traiter en priorité les malades les plus touchés, ceux qui souffrent d’atteintes vitales et qui ont besoin d’un lit, d’une hospitalisation. Les simples consultations ne sont pas prioritaires. "Cela peut vous sembler un peu dur", consent le directeur de l’ARH pour qui la gestion de crise passe par la gestion des cas urgents. Il faut être vigilant à ce que les cas qui ont besoin d’une prise en charge rapide ne soient pas détériorés par une attente prolongée.

Recrutement local difficile

"Les renforts sont-ils suffisants pour répondre à la crise aujourd’hui et dans les jours à venir ? Et qu’en est-il des embauches locales ?". L’ARH estime le plateau d’infirmiers à 25 sachant qu’entre arrivées et départs, les renforts se croisent. Pour les médecins, ils étaient au nombre de 19 jeudi, 12 hier, mais là encore, les chiffres varient d’un jour à l’autre. Par projection, pour répondre aux seuls besoins de l’hospitalisation, Antoine Perrin estime qu’il faudrait un plateau de 15 à 18 médecins. Le problème c’est que la grippe mobilise beaucoup de professionnels en métropole, alors que les autres sont en vacances. Les budgets sont ouverts pour les recrutements locaux. "L’objectif c’est d’avoir des CDI, les hôpitaux en ont besoin". Mais si La Réunion a des aides soignantes, des agents de service, elle manque cruellement de personnels infirmiers. La région Sud parvient à trouver ces effectifs, mais dans l’ensemble, le marché local ne permet pas de répondre à la demande. Les 15 dossiers d’infirmiers recensés par l’ANPE Réunion ne sont pas à la hauteur des besoins. Du coup, le soutien spontané des élèves infirmiers en 3ème année est le bienvenu. Antoine Perrin se dit d’ailleurs particulièrement frappé par la solidarité hospitalière. Le personnel revient sur ses congés, même malade parfois, il ne veut pas laisser tomber ses collègues. "Les Réunionnais ne se laissent pas abattre, prennent les choses en mains", constate le directeur de l’ARH. Jean-Hugues Ratenon soutient ce constat de solidarité et de combativité de la population, prenant pour exemple le cas d’emplois CES qui reviennent au travail pour donner la main.

Pour plus de moyens

Le président d’Agir Pou Nout Tout prend note des mesures sanitaires mises en place, souligne la disponibilité du directeur de l’ARH qui projette sur le long terme de réactualiser le plan blanc régional pour organiser une gestion de crise dans la durée. Mais il soutient que si l’on gère difficilement l’urgence, on ne gère pas la crise. Si l’épidémie venait à exploser dans les mêmes proportions à Mayotte, il faudrait alors que les 2 îles se partagent les renforts, selon lui, déjà insuffisants. Beaucoup plus de gens aurait besoin d’une hospitalisation, d’être reçus aux urgences, mais c’est réservé aux cas extrêmes. Les effectifs sont encore insuffisants et ne permettent pas par exemple d’envisager un service mobile d’urgence. Si nous sommes tous démunis face à cette maladie, les plus démunis socialement le sont doublement. C’est à eux que Jean-Hugues Ratenon pense en premier lieu.

Estéfani


 An plis ke sa 

Gardes renforcées ce week-end

L’hôpital pour enfant de Saint-Denis mettra en place une consultation ce week-end, samedi et dimanche. Les CHD et GHSR se verront renforcés d’un médecin pompier. À Saint-Paul, le week-end dernier, ce renfort a permis la consultation de 80 malades. Enfin, les 3 dispensaires des services de santé des armées seront également accessibles.

Le SAMU ne se déplace pas toujours

Le SAMU qui a reçu 1.060 appels le week-end dernier a été renforcé de médecins et de régulateurs pour venir en soutien aux personnes isolées. Jean-Hugues Ratenon souligne que les appels ne sont pas suivis de visites systématiques. Le SAMU apprécie par téléphone l’urgence de la situation et décide d’un déplacement. "L’Homme est l’Homme, je ne peux pas assurer une appréciation juste à chaque fois", mesure le directeur de l’ARH. Le SAMU peut néanmoins mobiliser les SMUR (un par micro-région) qui sont composés d’un médecin, d’un infirmier et d’un chauffeur. Antoine Perrin souligne au passage que "les gens doivent aussi se prendre en charge", et Jean-Hugues Ratenon de répondre qu’"ils n’en ont pas tous les moyens". Même s’ils n’ont pas les mêmes compétences médicales, les ambulanciers peuvent alors être sollicités et leur intervention est remboursée par la sécurité sociale.

Les produits chimiques : cause associée dans les décès ?

Certaines personnes se plaignent d’allergie après les pulvérisations, d’autres estiment que leur cas s’est aggravé après la démoustication. Jean-Hugues Ratenon se demande si les produits utilisés n’auraient pas des effets sur la santé de la population. Antoine Perrin n’a pas compétence pour répondre dans ce domaine. Le Conseil scientifiques arboviroses (CSA) qui rendait son avis hier sur l’analyse des décès et de l’évaluation épidémiologique de la lutte, se prononcera certainement sur cette question. Quand à savoir si l’on enregistre une augmentation des décès par rapport à l’année dernière, à la même période, Antoine Perrin estime que "c’est un peu tôt pour le dire, il faut attendre le détour de la crise, mais c’est possible".

 Estéfani 


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