MAPAD : inquiétudes du Collectif des familles “payantes”

« On veut que l’on nous explique ce que l’on paye »

17 juillet 2007

À l’incompréhension s’ajoute l’inquiétude chez les familles de résidents payants de la Maison de retraite Clovis Hoarau, communément désignée MAPAD (Maison d’Accueil pour Personnes Agées Dépendantes), gérée par la Croix-Rouge. L’incompréhension quant à la nouvelle hausse du déficit de l’établissement s’accompagne d’une flambée de la tarification ; l’inquiétude dans l’hypothèse de son éventuelle fermeture évoquée par la Croix-Rouge et le Conseil Général.

Le Collectif des familles payantes compte interpeller l’Observatoire des Prix et des Revenus en raison des taux hautement inflationnistes pratiqués par la Maison d’Accueil pour Personnes Agées Dépendantes (MAPAD).
(photo Toniox)

La prise en charges des personnes âgées qui souffrent de pathologies lourdes et invalidantes qui les rendent dépendantes, qui sont atteintes de la maladie d’Alzheimer - comme 60% des 84 résidents de la Maison de retraite Clovis Hoarau - nécessite des soins et une attention spécifiques. Le personnel de la structure l’a d’ailleurs prouvé en engageant une grève en début d’année pour réclamer une hausse de l’effectif et de meilleures conditions de travail. Il a eu gain de cause.

700 euros d’augmentation en 2007

Une prise en charges adaptée qui a donc un coût. Le Collectif des familles payantes (13 au total au sein de l’établissement) ne remet pas cette évidence en cause. Il se dit également parfaitement conscient que, du fait de l’inflation, de la hausse des coûts en général, les tarifs seraient amenés à augmenter, mais pas à ce point et si rapidement. De 1988,34 euros au 31 décembre 2006, le montant des prestations d’hébergement et de dépendance - fixé par le Département sur la base du budget de fonctionnement transmis par le gestionnaire de la MAPAD, à savoir la Croix-Rouge - est passé à 2.726,14 euros en janvier 2007, soit une facture gonflée de près de 700 euros !

« Depuis 2002, la tarification subit un effet yoyo, constate Roger Cazalou, parent d’un résident. On n’arrive plus à comprendre ce qui se passe. » Si d’une année à l’autre, les tarifs journaliers montent et descendent, reste néanmoins une constante : en 4 ans, le coût de l’hébergement a subi une augmentation annuelle de 41,73% et, de façon surprenante, celui de la dépendance de 34,09%. « Pourquoi un tel tarif ? Pourquoi une telle évolution et jusqu’à quelle hauteur arriverons-nous ? », interroge Maud Damour, autre parent qui souligne que la retraite des pensionnaires concernés n’évolue pas dans une telle mesure.

Sachant que la maison de retraite enregistre un déficit de 2,7 millions d’euros en 2007, les familles estiment qu’elles font les frais d’une « gestion aventureuse ». Du côté de la Croix-Rouge, on soutient que le déficit résulte justement et « exclusivement » de la faiblesse des tarifs. « On ne peut pas tenir deux langages, estime Jean-Paul Dupuis, président de la délégation régionale de la Croix-Rouge dans un courrier adressé au Collectif des familles payantes. Reprocher la gestion déficitaire de la maison de retraite et refuser de payer les tarifs nécessaires à son équilibre budgétaire. » Il s’appuie également sur les tarifs pratiqués par une autre maison de retraite dionysienne, Astéria, pour justifier le caractère normal des prix pratiqués. Si ce n’est que dans cet établissement, la prise en charges des malades fait l’objet d’ateliers et d’animations divers qui n’ont pas cours à la MAPAD dont le Président M. Judet de la Combe a pour sa part clairement signifié aux familles que si elles n’étaient pas satisfaites, elles pouvaient changer de structure.

« On ne veut pas la gratuité »

En dépit de ces explications, les familles ne comprennent toujours pas pourquoi les responsables de l’établissement ont laissé filé son déficit, pourquoi le Conseil Général, qui a son financement à charge, n’a pas réagi plus tôt, d’autant qu’il est aussi redevable de ces augmentations pour la prise en charge des 71 pensionnaires qui ne sont pas payants. Le Collectif s’est donc tourné vers le Tribunal interrégional de tarification implanté à Paris. « Théoriquement, ce tribunal n’est saisi que par les organismes publics mais devant l’inaction des premiers concernés, nous nous sommes permis en février de faire la démarche », explique Roger Cazalou.
Poussée dans ses retranchements, la Collectivité a fini par accepter la proposition des familles vers la tenue d’un audit financier. En attendant les résultats, les familles continuent à payer la prise en charge de leurs parents dépendants sur la base des tarifs de 2006. « Concrètement, nous sommes en impayés, explique Maud Damour. Mais nous ne sommes pas, comme on voudrait le laisser entendre, des empêcheurs de tourner en rond. Nous comprenons parfaitement que la structure a un coût. On ne veut pas la gratuité, on a toujours payé, mais l’on veut que l’on nous explique ce que l’on paye. Car combien nous demandera-t-on en 2008 ? C’est une véritable épée de Damoclès qui plane sur nos têtes : l’établissement peut fermer demain et l’on fait quoi après ? Les Maisons de retraites ne courent pas les rues. »

Un dossier pour l’OPR

Pourquoi le tarif journalier aurait-il été jusque là déprécié ? Le Conseil régional, qui se dit prêt à supporter le déficit, aurait-il une responsabilité dans cette dépréciation ? Est-il assuré que la gestion de la structure, dont la responsabilité incombe à la Croix-Rouge, est vraiment saine ? Les questions sont nombreuses et les réponses en attente. Les familles payantes sont en tout cas dans l’angoisse. Même si elles ne lâchent pas prise, elles craignent que le désagrément que peut engendrer leur mouvement auprès des responsables de la Maison de retraite ne se reporte sur les pensionnaires. « Ça s’est déjà vu, accorde Maud Damour. A chaque fois qu’on rend visite à nos familles, on a le ventre noué. »

Voilà un dossier pour l’Observatoire des Prix et des Revenus (OPR) que compte d’ailleurs interpeller le Collectif en raison des taux hautement inflationnistes pratiqués. Quels sont en effet les facteurs qui peuvent engendrer un tel écart de prise en charge entre la Métropole et La Réunion ? À Strasbourg, dans une structure spécialisée pour la prise en charge des patients d’Alzheimer, la tarification mensuelle s’élève à 1.400 (hébergement, dépendance, ateliers et sorties compris) ! Confronté au vieillissement de sa population, La Réunion a effectivement des questions à se poser pour pallier ses déficits structurels et surtout apporter des réponses aux familles qui, demain, seront peut-être à leur tour confrontées à une situation de dépendance.

Stéphanie Longeras


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