Pesticides : Le scandale antillais

18 septembre 2007

« Désastre » sanitaire. La révélation soudaine de la dangerosité des pesticides, principalement du chlordécone, utilisé aux Antilles sur les bananiers, inquiète le ministre de l’Agriculture. Chaîne alimentaire contaminée, population malade, voilà les principaux effets de son utilisation, révélés par un rapport accablant. D’autres affirmant même que certains ont fermé les yeux.

La situation est grave, « très grave », selon le Ministre de l’Agriculture Michel Barnier, présent hier matin sur l’antenne d’Europe 1. Au centre de ses inquiétudes ? Un puissant pesticide, le chlordécone, utilisé massivement en Martinique et en Guadeloupe, suspecté d’être hautement cancérigène et perturbateur d’hormones. Dans un rapport élaboré par le Professeur Belpomme et rendu public aujourd’hui, les conséquences de l’utilisation de ces produits sont irréversibles. Dans “Le Parisien” d’hier, le savant n’hésite pas à parler de véritable « désastre sanitaire » et d’une affaire « plus grave que celle du sang contaminé ». Hier, le Parti socialiste a réclamé l’ouverture d’une Commission d’enquête parlementaire pour mesurer les conséquences de l’utilisation de ces produits.
Déjà contacté par le JDD.fr concernant le rapport publié par l’Académie de Médecine sur les principales causes du cancer, le Professeur Belpomme avait mis en garde contre un facteur majeur et sous-estimé : la pollution et l’influence environnementale, responsables, selon lui, d’une bonne partie des cas. « Il faut [...] que le Plan national cancer soit réorienté en faveur de la prévention environnementale », nous avait-il déclaré le 13 septembre. Son rapport scientifique à paraître aujourd’hui est accablant. Les Antillais détiennent le record des cancers de la prostate, l’eau, le sol, les femmes et les enfants sont contaminés, les bananeraies ont considérablement pollué les plantations.

Utilisation frauduleuse du chlordécone jusqu’en 2002

Des révélations inconnues du grand public, mais qui ont attiré l’attention de bon nombre de chercheurs, bien avant la parution de l’affaire, fin août, dans les médias français. Pour François Veillerette, Président de l’association Mouvement pour les Droits et le Respect des Générations Futures (MDRGF), co-auteur du livre “Pesticides, révélations sur un scandale français”, élaboré avec le journaliste Fabrice Nicolino et paru en mars 2003, le cas des Antilles est un véritable « scandale », un triple problème environnemental, sanitaire et social, dont les autorités publiques connaissent les risques depuis longtemps.
Contacté par la Rédaction, cet ancien président de Greenpeace France a longuement insisté sur les dysfonctionnements des mesures prises pour interdire l’utilisation du chlordécone. Malgré la prohibition du produit en France en 1991, le « lobby des producteurs de bananes » était tout de même parvenu à obtenir une prolongation de 3 ans, malgré la connaissance des risques liés à son utilisation massive. « Mermaz et Soisson - anciens ministres de l’Agriculture - ont donné des autorisations après l’interdiction, ce qui est un scandale, car on connaissait déjà les risques », a-t-il déclaré. Il a également prouvé qu’une utilisation frauduleuse du produit avait eu lieu aux Antilles jusqu’en 2002.

« Dean a couché les bananiers, mais les sols sont contaminés »

Malgré tout, Michel Barnier, qui s’est emparé de l’affaire, a tenu à tempérer les choses en évoquant les effets « positifs » du cyclone Dean. « On a une opportunité de faire autrement à partir de maintenant, et heureusement, puisque les bananeraies ont été détruites par le cyclone (Dean). Au moment où l’on va replanter, on a l’occasion d’utiliser peu ou pas de pesticides », a déclaré le ministre sur Europe 1. Un mal pour un bien, comme on dit, sauf que le mal est bien installé.
Selon le président de MDRGF, certains effets des pesticides dangereux, et notamment le chlordécone, sont « très, très longs et très persistants. Dean a couché les bananiers, mais les sols sont contaminés », a-t-il dit en réponse au ministre. Car, en plus d’avoir des effets considérables sur la population et sur les plantations, la contamination pose un véritable problème social et économique, beaucoup d’Antillais étant dépendants de leurs cultures pour vivre.
Seul espoir, la possibilité de plus en plus concrète d’aller vers une solution "zéro pesticide". Une envie partagée par Veillerette et Barnier, qui pourrait conduire à minimiser les conséquences immédiates de produits toxiques. « La conjoncture actuelle est favorable », a déclaré Veillerette, faisant référence à la médiatisation des problèmes environnementaux et au débat du prochain Grenelle qui se tiendra dans moins d’un mois. « J’espère que les déclarations de Michel Barnier vont vraiment faire bouger les choses ».


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