Lutte contre le chikungunya : histoire de responsabilités (partagées)

“Plan Chik” : ’sur papier c’est bien mais...’

6 septembre 2006

Autour du Ministre de l’Outre-mer, une quinzaine d’élus de La Réunion (Maires, Sénatrice, représentants des collectivités) se sont rassemblés hier à la Préfecture pour faire le bilan de l’épidémie de chikungunya et partager la présentation du “Plan Chik”, nouvelle stratégie de lutte pour affronter le retour de l’été austral. L’occasion toujours de ramener chacun à ses responsabilités sans oublier de prôner l’action unitaire.

Le risque de résurgence épidémique est bien réel, un plan de vigilance s’impose. C’est pour répondre aux attentes légitimes des Réunionnaises et Réunionnais qu’un plan de lutte a été réalisé par les autorités sanitaires (DRASS, ARH, CIRE) en collaboration avec les professionnels du secteur médical et paramédical.

"Dynamique, réactif et adapté"

Un plan global pour un traitement global de la problématique épidémique où les aspects médicaux, sociaux, économiques ont été abordés... "un plan conçu comme un élément de réponse", précise le Ministre de l’Outre-mer. Les termes sont pesés, le sujet est en main. Et le Préfet de préciser que ce "“Plan Chik” n’est pas plaqué depuis Paris, mais que la réflexion a été engagée au niveau local". Un plan qu’il qualifie, avec l’enthousiasme du haut fonctionnaire prêt à affronter le virus, avec l’envie de transmettre son allant, de "plan, dynamique, réactif et adapté". Ceux qui ont vécu la flambée épidémique du début d’année ne peuvent que le souhaiter. En substance, un plan à 3 niveaux d’interventions selon le développement de l’épidémie, avec une mobilisation proportionnelle des hommes sur le terrain, une meilleure organisation des services hospitaliers (prévision des jours de repos, formation accrue des personnels, médecin pilote dans chaque arrondissement...) et un relais renforcé des médecins libéraux en cas de besoin pour pallier l’encombrement des urgences. La possibilité d’activation d’un “plan bleu” qui permettra de renforcer la prise en charges des personnes âgées, et en dernier recours, le passage au “plan blanc” auquel on a échappé de justesse l’année dernière.

Les communes pourront-elles suivre ?

Et sur bien des points, durant la présentation du plan hier à la Préfecture, en présence des élus, l’on a pu mesurer les rappels insistants à la responsabilité locale, aux responsabilités locales. En arrière fond, sans s’imposer mais toujours en soutien, la constance de la solidarité nationale a été actée par François Baroin. "Il n’y aura jamais rupture de la solidarité nationale". Il en veut pour preuve ce contingent de 120 militaires qui restera présent pour le suivi de la lutte anti-vectorielle. Mais c’est bien sûr autour des collectivités, des intercommunalités, des communes et des citoyens eux-mêmes que ce nouveau Plan Chik verra sa mise en œuvre. Sa réussite dépend d’une mobilisation unanime et totale. Les communes certes volontaires, engagées, par la voix de Maurice Gironcel, Maire de Sainte-Suzanne et Jean-Yves Langenier, Maire du Port, rappellent qu’elles ont besoin d’un accompagnement(voir aussi encadré sur répulsifs). "Sur papier c’est bien, mais il y a les moyens à mettre en place, intervient le Maire du Port. Les communes ont fait des efforts très importants. Au Port, 500.000 euros du budget communal ont été investis dans la lutte depuis octobre 2005. Compte tenu des risques de relance importants, je ne sais pas si l’on pourra maintenir cet effort". Ce à quoi le Ministre répondra d’un ton ferme et assuré, rappelant au passage l’effort financier déjà conséquent de l’État : "On ne peut pas demander l’argent de l’Europe et s’asseoir sur les aides communautaires. On ne peut pas ne pas gérer ses déchets et vouloir faire revenir les touristes".

"Un vrai service de prophylaxie" ?

Et pour répondre à une autre attente, celle d’une organisation pérenne, François Baroin annonce d’ici le 10 octobre, la création d’un Groupement d’Intérêt Public qui réunira autour de l’État les 2 collectivités, les intercommunalités, les communes et les associations et qui se dénommera “Service de Prophylaxie de La Réunion”. Il sera composé d’un service dit renforcé de la DRASS (150 agents en janvier 2007 et 220 en janvier 2008) et des agents mis à dispositions par les autres acteurs. La Présidente du Conseil général, toujours opposé à accepter cette compétence, est satisfaite de cette réponse et trouve ainsi en l’État "un bon interlocuteur". De son côté, la Région, par la voix de sa Vice-présidente Catherine Gaud, si elle se dit "prête à participer au GIP", envisage cet outil "plus comme une solution temporaire, une disposition d’attente pour répondre à l’urgence, la préfiguration d’un vrai service de prophylaxie". La Région a quant à elle 800 “emplois verts” sur le terrain et estime que ce n’est pas de ses compétences d’aller plus loin, surtout lorsque le GIP est inscrit pour 30 ans !
Cette rencontre aura au moins permis de relever que si l’envie d’agir ensemble est unanime, que si la santé publique reste le sujet prioritaire, entre le plan et son application, plus que des volontés encore à rassembler, il y a des moyens, un coût à assumer. Bien que ferme et parfois directif, le Ministre de l’Outre-mer a insisté sur la décentralisation décisionnelle et le soutien financier de l’État. Oui mais, certaines applications restent pourtant floues !

Stéphanie Longeras


Pérenniser les emplois

Catherine Gaud, vice-présidente de la Région, et Nassimah Dindar, présidente du Département, ont affirmé de leurs collectivité que les emplois durables créés au sein du service de prophylaxie soient alloués en priorité au personnel déjà sur le terrain qui ont des contrats précaires. Par ailleurs, Catherine Gaud a remis au représentant du Ministre de la Santé une liste de chercheurs réunionnais au chômage ou expatrié qui veulent participer aux travaux du Centre de veille et de recherche sanitaire.


- Point épidémique en matière de recherche
- Le Centre de recherche et de veille sanitaire regroupant en réseau les plus grands centres de recherche médicale sera installé à La Réunion à la fin septembre. Le Conseil régional et le Conseil général seront associés à ces travaux.

- Les essais du vaccin débuteront dès la fin de cette année et se dérouleront sur 5 ans.

- Les premiers résultats sur la Nivaquine apparaissent encourageants, mais seulement sur 75 patients au vu du faible nombre de malades à l’heure actuel et aussi des critères d’éligibilité au test.

- Les résultats définitifs de l’enquête de séro-prévalence seront connus là encore fin septembre. Enfin, 4 programmes de recherche hospitalière et clinique sont lancés pour un montant de 2 millions d’euros.

Volet économique : "Les fonds sont là, il faut les utiliser"
À ce jour, un peu moins de 10 millions d’euros sur les 60 millions avancés par l’État pour permettre au secteur économique de supporter la crise ont été utilisés. 85% ont été alloués au secteur touristique et 16% au secteur artisanal.
977 salariés ont perçu une indemnisation de chômage partiel et 991 salariés ont bénéficié d’une formation professionnelle. Seulement 8 demandes de garanties bancaires ont été accordées, et Jean Ballandras de souligner que "le montage avec les banques est insatisfaisant".
François Baroin a souligné que "dans les mêmes modalités de consommation des crédits, en fonction des critères retenus, l’enveloppe est suffisamment large pour tenir plusieurs mois. Les fonds sont là, il faut les utiliser". À la question : pourrait-on envisager une modification des critères d’attribution ?, le Ministre répond que "cela se passe au niveau local".

Communiquer "en toute transparence"
La campagne de communication qui sera mise en œuvre à compter du 15 septembre vise, selon le Préfet Pierre-Henry Maccioni, "à remobiliser la population (...). Il faut un changement durable de nos comportements à tous. Sans l’action répétée et l’engagement quotidien de toutes les Réunionnaises et les Réunionnais, le Plan Chik ne sera pas en mesure d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixé". La jeunesse, pour une fois valorisée et présentée sous son trait le plus responsable, sera mise à contribution dans cette campagne de sensibilisation avec l’implication du Rectorat pour faire passer le message. S’agissant du grand public, le préfet a tenu à insister (et c’est de bon aloi) qu’il sera informé "en toute transparence". Et appel est lancé cette fois au monde associatif pour continuer son travail de solidarité et de proximité, la transmission d’un message pédagogique dans sa propre sphère.


Et le protocole ?

Hier, à l’occasion du déjeuner en l’honneur du Ministre de l’Outre-mer, les représentants de la Région et du Comité du Tourisme n’ont pas bénéficié de la considération qui est reconnue aux institutions auxquelles ils appartiennent. Pour marquer leur réprobation, deux personnes ont quitté le déjeuner. Par leur geste, elles ont marqué leur opposition à ces petites manœuvres. Alors que La Réunion est confrontée à des problèmes graves, certains s’amusent à échafauder des combines, un bien triste jeu.


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