Pourquoi le prix du médicament ne va pas baisser

26 décembre 2007

À l’heure qu’il est, les pharmaciens ne savent pas si la baisse de 5% va être répartie entre grossistes et détaillants, ni comment elle va l’être, si tel est le cas. Mais dans la mesure où ils ont été “ciblés” spécifiquement, leurs simulations portent sur une baisse de 3% appliquée au coefficient d’outre-mer.
Comment est formé le prix du médicament outre-mer ? Au prix unique du laboratoire fabricant s’ajoute le prix des grossistes répartiteurs, obtenu à partir d’un coefficient proportionnel au prix du fabricant.
À l’inverse des grossistes, les pharmaciens sont tenus par la règle de la Marge Dégressive Lissée, introduite à la fin des années 80 et reconduite depuis. A La Réunion en particulier, ce coefficient de 1,303 aurait été appliqué depuis 17 à 18 ans de façon “illégale”, mais constante.
Cette MDL n’est appliquée que sur le prix public et pas sur le prix de revient. Le prix public Réunion est le prix indiqué sur la vignette (prix public Métropole) majoré de 1,303.
« Un médicament qui coûte 10 euros à Paris va coûter ici 13,03 euros, mais pourtant, la marge des pharmaciens de La Réunion est globalement inférieure à celle des pharmaciens de Paris parce que là-bas, leur prix d’achat est inférieur, de même que l’ensemble des frais (frais bancaires, etc...). C’est une première anomalie », explique Claude Marodon, de la FSPF-Réunion. « La deuxième anomalie est que la MDL n’est pas appliquée aux grossistes. Il arrive ici que nos marges soient inférieures à l’Octroi de mer. Or, l’effort de baisse des prix n’est répercuté que sur les pharmaciens et pas sur les grossistes », ajoute le responsable de la Fédération. Cette distorsion dans l’application de la MDL fait que plus un médicament est cher, plus le fossé se creuse en faveur des grossistes et au détriment des détaillants.
Une éventuelle répartition entre détaillants et grossistes reste en débat, mais les pharmaciens, encore une fois, ont été les seuls visés par les propos du sénateur-maire UMP, qui ne s’en est pris ni à l’industrie pharmaceutique, ni aux grossistes répartiteurs.
« La baisse de 3% sur le coefficient ne touche pas aux 3/4 du prix du médicament. Si le gouvernement voulait réellement baisser le prix des médicaments, il ferait comme cela a été fait pour les génériques, vendus 30% à 40% moins cher sans attaquer la marge des distributeurs. En Corse, les laboratoires font parvenir les médicaments au prix Métropole, ce qui signifie que le prix peut baisser, si on traite la question à partir du coût d’achat. Les pharmaciens ont des propositions pour faire baisser le prix du médicament prescrit non remboursé : c’est cela qui coûte cher aux patients, ce n’est pas le prix du médicament remboursé », poursuit Claude Marodon.
Pour un autre de ses collègues, du même syndicat, pharmacien au Port, « la baisse de 3%, appliquée non pas sur le bénéfice, mais sur le chiffre d’affaires, pénalise l’activité globale. Cela aura des répercussions sur les impôts, sur les charges sociales... C’est une décision totalement absurde sur le plan économique », ajoute-t-il.


Des conséquences sociales désastreuses

Les syndicats de pharmaciens affirment que pour pouvoir continuer à faire face à leurs charges, les prix vont augmenter sur bon nombre de produits parapharmaceutiques (déjà taxés de 23% d’Octroi de mer) et de produits O.T.C (“Sur le comptoir”, en anglais), ou médicaments vendus sans ordonnance en pharmacie. Les hausses menaceraient aussi les laits pour bébés, les biberons ou les produits vétérinaires habituellement vendus moins chers en pharmacie parce qu’ils sont achetés en groupement...
Et s’ils veulent éviter d’augmenter les prix, alors ce sont les emplois qui risquent d’être menacés.
Dans les simulations faites à partir d’une baisse de 3%, les syndicats de pharmaciens estiment la perte correspondante entre 40.000 et 45.000 euros par an, pour une pharmacie dont le chiffre d’affaires annuel est d’environ 1 million d’euros. « 45.000 euros, c’est 2 à 3 emplois par officine qui risquent de disparaître », ajoutent-ils.


Des créations limitées

L’autre coup bas porté à la faveur du vote de la loi de financement de la Sécurité sociale 2008 est la limitation imposée aux créations de nouvelles pharmacies, sur un critère de quota de population que le gouvernement a décidé de modifier entre deux recensements. Selon la loi remaniée en 2000, les communes de moins de 30.000 habitants pouvaient avoir une pharmacie pour 2.500 habitants ; celles de plus de 30.000 habitants avaient un seuil de création de pharmacie pour 3.000 habitants. À la faveur du recensement complémentaire, les règles ont changé, le seuil passant à 3.500 habitants pour 1 pharmacie, quelle que soit la taille de la ville. Cette mesure, peut-être adaptée à la situation des zones urbaines et des grosses agglomérations, en France, ne peut que pénaliser les zones rurales, et en particulier La Réunion, où les pharmacies ne sont pas trop nombreuses. Deux amendements présentés au Sénat ont tenté de modifier cette donne sans y parvenir. L’amendement d’Anne-Marie Payet (UDF) a été retiré et celui de son collègue Blanc (UMP) a été rejeté, passé minuit, à 1 voix près...

Ratés dans le recensement

Encore faut-il que le recensement complémentaire soit fait dans des conditions qui permettent d’en publier les résultats. Pour différentes raisons, cela n’a pas été le cas à Saint-Louis, par exemple, dont le recensement mené par la CIVIS a abouti à des déperditions dans les collectes. La croissance observée étant inférieure à 15%, les résultats du recensement complémentaire ne font pas l’objet d’une publication officielle, sur laquelle appuyer toutes les décisions découlant du décompte de la population.



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Messages

  • http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/IP955int.pdf
    voici l’adresse d’une étude faite sur le revenu des pharmaciens...120000 euros brut de revenu annuel avant impôt...merci de noter cette étude dans un prochain sujet sur la baisse du prix des médicaments.
    au fait, pourquoi ne pas "déprivatiser" l’importation de médicaments à la Réunion ...?

    • A Nicolas de l’ouest,
      dans cette même étude de l’insee on voit la courbe de la marge commerciale ainsi que celle de l’Exédent Brut d’Exploitation, carrément décrocher par rapport au chiffre d’affaire. En fait on se trouve avec un chiffre d’affaire qui augmente mais les moyens dont dispose la pharmacie pour répondre à sa mission diminuent. Crois-tu que cette optique rend les pharmaciens confiants en leur avenir ? Que penses-tu qu’il arrivera à notre système de santé dans les 10ans ? Crois-tu vraiment que les pharmaciens vont continuer à rendre le même service pour une rémunération moindre ? Je crois Nicolas de l’ouest, qu’en dehors du côté "épicier" tu ne te doutes pas vraiment du service rendu à la population par les pharmaciens, si tu étais un malade chronique tu le saurais... Je ne saurais te conseiller de te rapprocher de cette population pour avoir un vrai point de vue de ce qui se trouve en jeu aujourd’hui. Diminution du service rendu aux malades : diminution de la disponibilité des médicaments, moins de stock chez le pharmacien, moins de livraisons du grossiste (4/jour actuellement), moins d’employés donc moins de temps à consacrer aux malades, plus d’avance de boites aux malades chroniques en attente d’une visite chez le médecin, etc...
      Cordialement.


Témoignages - 80e année


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