Chikungunya : l’Union des syndicats de la CGTR-Santé inquiète

Renforts insuffisants

4 mars 2006

Les retards structurels et humains de notre système de santé n’ont pas attendu le chikungunya pour remettre en cause l’égalité des soins entre La Réunion et la métropole. Face à ce constat, l’Union des syndicats de la CGTR-Santé juge les mesures du Premier ministre insuffisantes. Elle demande que la question du recrutement des personnels soit clarifiée, que la priorité soit donnée aux professionnels locaux avec l’objectif de créer des emplois pérennes. Elle souhaite également que les plans blancs soient activés dans chaque établissement public pour offrir les meilleures conditions de gestion de crise.

En tant que délégués des personnels des établissements publics de Saint-Paul, Saint-Pierre et Saint-Denis, les membres de l’Union des syndicats de la CGTR-Santé n’ont à aucun moment été sollicités pour réfléchir, aux côtés des instances, à la gestion de crise sanitaire. C’est certainement parce que leurs revendications légitimes, connues de tous, nécessiteraient un effort centuplé de l’État, le rattrapage sanitaire dont La Réunion a tant besoin.

Et le personnel technique ?

Marlène Jeanne, secrétaire générale de l’Union soutient que le renfort de 45 personnels soignants, même s’il ne peut être que bien accueilli, est insuffisant. En moyenne, les établissements publics hospitaliers enregistreraient entre 30 et 35% de leur personnel atteint par le chikungunya. "Malgré les douleurs, la maladie, ils viennent aider leurs collègues et soutenir les patients", explique Marlène Jeanne qui rend hommage à ce dévouement et cette solidarité exemplaires.
Les soignants épuisés par des cadences de travail infernales ont évidemment besoin d’un soutien mais il ne faut pas oublier les personnels techniques, eux aussi touchés par la maladie, et qui concourent, par leur travail administratif, de cuisine, de pharmacie, de manutention, à créer les conditions de bien être du patient. "Le corps médical a besoin de sa tête, de ses bras et jambes pour fonctionner. Soignants et techniciens forment une même famille", soutient Marlène Jeanne. Et cette famille a besoin de s’agrandir, besoin d’infirmiers, de médecins, mais aussi de spécialistes, pédiatres, puéricultrices ou encore psychiatres.

Transparence sur les chiffres

L’Union des syndicats de la CGTR-Santé a interpellé l’ARH pour que soit privilégié le recrutement local, que la centaine d’Infirmiers diplomés d’État puissent trouver un emploi au bout de leur trois ans d’étude et ne soient pas "laissés sur la touche." Selon Antoine Perrin qui s’exprimait dernièrement sur le sujet, l’ANPE aurait transmis à ses services seulement 15 candidatures d’infirmiers, ce qui est insuffisant pour pallier la demande de soin. Jocelyn Flahaut, secrétaire général de la CGTR-EPSMR (Établissement public de santé mentale de La Réunion) explique que les IED, à leur sortie de l’Institut de formation des soins infirmiers, soit ils font du "turn over" pour remplacer les départs à la retraite, soit sont recrutés en métropole. En aucun cas, ils ne peuvent intégrer le libéral car il leur faut une expérience hospitalière de trois ans. Même si certains décident de faire un break après leurs études avant d’entamer leur carrière professionnelle, le compte n’y est pas pour Jocelyn Flahaut qui demande que la transparence soit faite, que "les déclarations contradictoires" soient mises au clair. "Tout ce qui touche aux ressources humaines est entouré d’un flou, d’une opacité", précise l’infirmier qui pense aussi aux personnels de catégorie C (aides soignants et agents hospitaliers).

" Ils en ont marre "

"Le chikungunya amplifie les dysfonctionnements qui existent déjà." Pour Jocelyn Flahaut, le manque de structures d’accueil pour les personnes âgées est fortement responsable de la saturation des capacités d’accueil hospitalières. Il faudrait à La Réunion un niveau d’équipement "au moins égal à celui de la métropole." L’ARH envisagerait de rouvrir certains bâtiments de l’ancien hôpital de santé mentale, mais vu "l’état déplorable" des structures, des travaux de réhabilitation doivent être engagés.
En attendant, explique Jocelyne Flahaut, "équipes médicales et malades sont ballottés" et Marlène Jeanne de rajouter : "ils en ont marre." La prime de 300 euros promise aux personnels soignants par le Premier ministre parviendra-t-elle à faire passer la gélule ? Marlène Jeanne, loin d’en être assurée, déplore que, là encore, le personnel technique ne soit pas bénéficiaire de cette mesure, qu’elle apparente plus à une prime d’assiduité qui a déjà cours et qui "récompense" le personnel qui n’est pas absent plus de cinq jours durant l’année civile. Ce n’est en rien une mesure compensatoire visant à rétribuer les nombreuses heures supplémentaires qui ne se comptent même plus.

Ou sont les plans blancs ?

Enfin, l’Union des syndicats CGTR-Santé demande que les chefs d’établissements rédigent et activent un plan blanc dans leur structure respective, plan qui prévaut en cas d’ "afflux de victimes, et cela quel que soit le scénario à l’origine de cet afflux", comme le stipule la circulaire du 3 mars 2002. "Le critère est là", soutient Jocelyn Flahaut qui s’interroge sur le non-usage de cette mesure légale qui permettrait de "mobiliser toute une batterie de mesures pour organiser l’accueil et l’orientation des patients, et qui prévoit entre autres des temps de repos pour les personnels."
Ainsi l’Union demande le même plan blanc instauré pour l’épisode de canicule en France en 2003. "Soit La Réunion est un département français et bénéficie de la même couverture sanitaire, soit l’on nous dit démerdez-vous avec force millions....C’est une chose, mais quelle part reviendra aux soins ?" L’Union des syndicats CGTR-Santé sans dénier les conséquences multiples du chikungunya, appelle à ne pas oublier l’humain, les patients qui ont besoin d’un accueil et de soins adaptés. Alors que l’on attend toujours des signes probants de baisse de l’attaque épidémique, "faut-il attendre le nombre de mort de la canicule pour réagir ?"

Estéfani


An plis ke sa

o Loin de la réalité
Pour l’Union des syndicats CGTR-Santé les 180 000 et 93 décès ne correspondent pas à la réalité de l’épidémie. Beaucoup de malades n’ont pas consulté de médecin, se soignent eux-mêmes. Il faudrait rajouter à ce compte entre 50 et 90 000 malades. Quant au décès, il faut remonter au début de l’épidémie pour avoir une vision objective de la mortalité causée directement ou indirectement par la maladie.

o Renfort des "compatriotes"
Selon Marlène Jeanne, de nombreux soignants réunionnais exerçant en métropole souhaiteraient venir en renfort à La Réunion. Elle en recense actuellement le nombre exact. Le directeur de l’ARH répond que ce volet ne dépend pas de ses compétences mais de celle du ministère de la Santé qui puise les renforts dans des listes de volontaires répondant à certains profils. Marlène Jeanne a fait valoir que le soutien de ces "compatriotes" permettrait un gain de temps dans le soin, car éviterait des difficultés de communication entre Réunionnais et métropolitains qui ne maîtrisent pas la langue.

o Rattrapage énorme
Jocelyn Flahaut a choisi une région métropolitaine qui compte à peu près le même nombre d’habitants que La Réunion (775.000), le Limousin (724.000), et a comparé les capacités d’accueil des deux territoires pour l’année 2004. Court séjour : 2.472 lits en Limousin, 1.385 à La Réunion. Soins de réadaptation : 768 lits en Limousin et 101 lits à La Réunion. Secteur privé : 882 lits en Limousin et 624 à La Réunion. Psychiatrie : 922 lits en Limousin et 351 à La Réunion. À dire que le système de santé en Limousin est plus efficace...


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