Sourds et malentendants : de graves problèmes à La Ressource

11 décembre 2007

Compagnon d’une jeune femme sourde, professeure en Langue des Signes en Français (LSF), j’ai le devoir de dénoncer un certain nombre de graves problèmes que j’ai constatés au Centre de La Ressource, une structure sociale censée venir en aide aux personnes ayant une déficience auditive, visuelle ou motrice. Je parlerai ici uniquement des problèmes liés au secteur des personnes sourdes et malentendantes.

Ma compagne a été contactée à la mi-mars 2007 en Métropole par cet organisme, qui a créé un pôle de formation pour entendants, appelé IREF (IRSAM Réunion Formation). Malgré son handicap, cette enseignante excelle dans sa profession et tous ses stagiaires, sans exception, la couvrent d’éloges. Ce sont des personnes intéressées par la LSF - en réinsertion professionnelle le plus souvent - et des professionnels travaillant au sein de La Ressource (en général, comme éducateurs et professeurs).
Les jours et les mois passent. Ces professionnels de La Ressource, des personnes motivées par leur travail, qu’elle côtoie lors de ses formations, sont soulagés d’avoir enfin des cours en LSF. Certains, qui travaillent depuis une trentaine d’années avec de jeunes sourds, ont enfin droit à leurs premiers cours dans cette matière essentielle. Comment, pendant tout ce temps, ont-ils pu se faire comprendre par ces personnes sourdes et eux-mêmes les comprendre ? Comment se fait-il qu’un tel organisme embauche des personnes ayant un diplôme d’éducateur, mais n’ayant pas reçu une formation spécialisée sur les problèmes liés à la surdité ? Comment éduquer une personne sourde si on ne peut communiquer avec elle ? La Direction répond que cela n’est pas grave !
Une grande partie de ce personnel ne demande qu’à être formée. Mais le problème est qu’on ne lui donne aucun moyen, en se contentant de lui dire : « oui, oui, on vous formera plus tard, mais vous savez, ça coûte cher... » etc...

Quel est donc le rôle exact de La Ressource ? Quel est l’objectif de sa Direction et quelles sont ses motivations ?
Selon moi, cela ne fait aucun doute. La première motivation est d’ordre financier ! Mais où est donc passé le côté humain d’une telle institution ? Les personnes sourdes ne sont pas des objets, ni des cobayes, mais des personnes à part entière ! Les responsables de La Ressource et beaucoup de cadres ne connaissent rien au monde des sourds, souvent par manque de formations et d’informations, ne les côtoyant que dans leur milieu professionnel. Ils pensent que ce qu’ils leurs apportent est suffisant. Mais que connaissent-ils de leurs besoins et attentes ? Ils ne s’en préoccupent guère. Pourvu qu’il y ait toujours de nouveaux sourds à accueillir afin de toucher d’incroyables subventions de l’État !
Combien de sourds vont-ils encore casser dès leur plus jeune âge en les frustrant, les humiliant et générant en eux une colère ? Est-ce pour dire : “vous voyez, les sourds sont des gens colériques, qu’il faut assister, ils sont incapables de se débrouiller seuls dans la vie, etc...” ? Il faut que cela cesse.

Je peux vous assurer que des sourds plus intelligents que moi - un entendant -, j’en ai déjà rencontrés plus d’un. Seulement, ceux-là ont été à une toute autre école. Si La Ressource ne veut pas faire son travail comme il se doit, qu’elle laisse alors à d’autres, plus motivés et compétents, le soin de le faire.
Il faudrait que la DRASS, qui subventionne La Ressource, contacte ces jeunes sourds qui ne demandent qu’à fuir de leur “prison dorée”, qui, à douze ans, ne savent toujours pas compter jusqu’à dix, qui sont apeurés et paniqués, qui ressentent une pression constante et que La Ressource ne sait ni écouter, ni éduquer. Il faudrait également que la DRASS contacte tous ces sourds qui sont passés par ce Centre et qui, aujourd’hui, traumatisés, ont du mal à accepter des personnes entendantes. À qui la faute ? Sûrement pas à ces sourds !
Comment se fait-il que du personnel sourd venant de Métropole soit choqué et que son cœur souffre en voyant le bas niveau d’éducation et de scolarité de ces jeunes sourds ? Cela veut bien dire qu’il y a un sacré problème à La Ressource au niveau du service de la surdité !

Je tenais aussi à dire que la plupart de mes propos ont été récoltés auprès de jeunes sourds et de professionnels travaillant à La Ressource, qui avaient besoin de témoigner et de dénoncer publiquement ces problèmes.
Aujourd’hui, je ne souhaite qu’une seule chose : que tout cela change. Qu’on donne le droit aux Réunionnais, sourds et entendants, compétents pour éduquer et instruire de jeunes sourds, d’exercer cette profession afin que ces personnes handicapées aient enfin toutes les cartes dans leurs mains pour leur insertion sociale et pour un avenir meilleur à La Réunion.
J’appelle aussi tous les parents d’enfants sourds à être vigilants au choix du centre qui aidera leurs enfants, afin que ceux-ci soient plus à l’aise et réellement soutenus pour s’insérer dans notre société. Il ne faut pas croire qu’il n’y a que La Ressource à La Réunion comme organisme social lié à la surdité. Faisons bouger les choses car tous les sourds doivent avoir droit au respect de leurs droits, de leur personne et de leur dignité.

Thomas Kappler,
Le Port


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