La Réunion en « autarcie » pour les soins de derniers recours : pas plus de 95 lits disponibles

Tension possible en réanimation : La Réunion abandonnée après avoir été contaminée ?

28 août 2020, par Manuel Marchal

Responsable de l’entrée du coronavirus à La Réunion, le gouvernement français doit agir faute de quoi le développement de l’épidémie dans notre territoire pourrait conduire à la pénurie des lits de réanimation, ce qui voudrait dire le passage à une médecine de guerre : décider qui aura le droit d’être soigné et donc désigner les Réunionnais qui seront abandonnés à la mort. 6e pays le plus riche du monde, la France n’a-t-elle pas les moyens d’envoyer des hôpitaux de campagne à La Réunion pour soigner les cas graves de coronavirus ? Si ce n’était pas possible, pourquoi la France ne solliciterait-elle pas l’aide de Maurice et de Madagascar pour que ces pays puissent accueillir des évacuations sanitaires de La Réunion ?

Depuis le 11 juillet, la quarantaine et le test de dépistage à La Réunion ne sont plus obligatoires pour les voyageurs ayant transité pour les passagers ayant transité par la France. Dans le même temps, Paris a décidé de mettre fin aux restrictions imposées aux compagnies aériennes desservant La Réunion en termes de nombre de passagers par vol et de fréquence des vols. Depuis le mois de juillet, ce sont donc 20 vols par semaine qui arrivent chaque semaine à La Réunion. Par jour, lors de la période du « retour des vacances » et donc également de l’arrivée des fonctionnaires mutés de France à La Réunion, ce sont plus de 1500 personnes qui sont entrés à La Réunion sur la seule base d’un résultat négatif en France. Cette protection s’avère très insuffisante car lorsque des passagers décident de suivre la recommandation du test de dépistage COVID 7 jours après l’arrivée, des cas positifs sont découverts : 33 sur 10000 en moyenne selon les chiffres de l’ARS daté de la semaine dernière.
Or, les passagers qui suivent cette recommandation sont minoritaires, ce qui signifie que la majorité des 33 cas positifs sur 10000 se sont mêlés à la population en croyant être négatifs au test COVID-19, alors qu’ils étaient en réalité porteurs du virus à leur entrée à La Réunion. Ceci n’a pu que contribuer à l’accélération exponentielle du virus observée quelques semaines après ce choix de supprimer quarantaine et test obligatoire pour plus de 1000 personnes par jour arrivant d’un pays où la seconde vague de contamination était déjà une réalité au mois de juillet.
Il est difficile de croire qu’une telle situation n’a pas été anticipée par les décideurs parisiens. Car ouvrir un pays relativement épargné par l’épidémie à un autre où le coronavirus circule activement ne pouvait que donner ce résultat, c’est le principe des vases communicants.

Pas de « continuité territoriale » pour les cas graves COVID-19

Rappelons que ce relâchement de la protection due aux Réunionnais s’est faite notamment au nom de la « continuité territoriale ». Ceci signifiait que puisque La Réunion est un département français, alors il est nécessaire de maintenir une desserte aérienne quotidienne avec la France, même si le risque sanitaire existe. Or maintenant que le coronavirus circule à La Réunion, il s’avère que cette « continuité territoriale » n’existe pas pour aider les hôpitaux réunionnais à faire face à une possible saturation des services de réanimation.
Dans les médias, plusieurs médecins ont ainsi souligné qu’en termes de réanimation, La Réunion est en « autarcie ». Le directeur du CHU a indiqué que le nombre maximal de lits disponibles n’excédera pas 95, pour tous les patients souffrant d’une pathologie nécessitant le recours à ces soins de dernier recours. Or, un patient peut séjourner plusieurs semaines dans ce service.
Les évacuations sanitaires vers des hôpitaux en France sont exclues à cause de la durée du vol, plus de 10 heures.

Paris, responsable de la crise, doit agir

Face à cette situation, la France se doit de réagir car le gouvernement porte une lourde responsabilité dans la contamination de La Réunion par le coronavirus. Rappelons que si Paris avait décidé de fermer l’aéroport dès le début de la crise comme dans les autres pays dans notre cas, La Réunion serait quasiment indemne de COVID-19 comme les Seychelles, le confinement aurait pu être évité, ainsi que la vague de contamination que connaît notre île. Au lieu de cela, La Réunion se retrouve dans la situation moyenne d’un département français, avec comme différence des évacuations sanitaires impossibles vers un autre département.
Paris doit donc agir. Tout d’abord en transférant à La Réunion des moyens nécessaires pour augmenter le nombre de lits en réanimation. C’est ce que plusieurs pays ont fait avec succès, avec la mise en service d’hôpitaux de campagne destinés uniquement à soigner les cas graves de COVID-19.
Si la situation sanitaire de la France est tellement dégradée que le 6e pays le plus riche du monde ne puisse envoyer des moyens supplémentaires à La Réunion, alors la question des évacuations sanitaires devient cruciale.
Pourquoi la France ne demanderait-elle pas aux voisins de La Réunion d’être de participer à la solidarité régionale. A Maurice, le virus ne circule pas dans la population, à Madagascar, la bataille contre le coronavirus est en passe d’être gagnée. Pourquoi la France ne solliciterait pas l’aide mauricienne ou malgache dans un partenariat « gagnant-gagnant » au travers notamment de dons de matériels pour renforcer le système de santé de nos voisins ?
Il est en tout cas urgent que la France agisse, faute de quoi le développement de l’épidémie à La Réunion pourrait conduire à la pénurie des lits de réanimation ce qui voudrait dire le passage à une médecine de guerre : décider qui aura le droit d’être soigné et donc désigner les Réunionnais qui seront abandonnés à la mort.

M.M.

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