Propositions du PCR pour lutter contre le chikungunya

Tout faire pour rétablir la confiance

27 février 2006

Nous reproduisons ci-après un document remis par la sénatrice Gélita Hoarau à messieurs le Premier ministre, le ministre de la Santé et des solidarités, le ministre de l’Outre-mer au nom des élus communistes de La Réunion (sénatrice, députée, maires, conseillers régionaux et généraux), concernant la contribution du Parti communiste réunionnais à la lutte contre l’épidémie.

Le PCR considère que, compte tenu de la situation préoccupante qui prévaut à La Réunion (taux de chômage élevé, inquiétude sur la filière canne...) aggravée par l’extension de l’épidémie de chikungunya, l’heure n’est pas à la polémique mais à la prise collective de responsabilité.
Pour ce qui est du chikungunya, il serait dangereux de répéter l’erreur d’attendre une éventuelle décrue de l’épidémie avec l’arrivée du prochain hiver austral. Il convient d’améliorer sans délai l’efficacité de ce qui est engagé notamment par l’État et les collectivités (Région, Département, Communes) et imaginer des actions complémentaires. C’est dans cet esprit que le PCR fait part des propositions ci-après.

Douze propositions pour :

- La prise en charge des malades et leur suivi,

- Le respect du principe de précaution pour les femmes enceintes,

- L’aide aux plus démunis (principe d’égalité de tous devant la santé),

- L’aide aux petites et moyennes entreprises et aux salariés,

- La démoustication (privilégier la lutte biologique et mécanique),

- La mobilisation et la participation de la population,

- La direction générale de la bataille et le contrôle des résultats,

- La prévention vis-à-vis d’éventuelles épidémies.

1 - Définir les protocoles de prise en charge des malades

- Isolement durant la période de virémie des personnes présentant les signes d’une maladie virale à vecteur.

- Questionnement pour déterminer les personnes ayant été au contact du malade dans les 5 jours précédents.

- Sondage sur un échantillon de personnes atteintes en prenant en compte les critères d’âge et de période de contamination pour voir et comparer les suites et les différentes évolutions de la maladie.

- Traitement préventif des personnes (répulsifs) afin qu’elles ne deviennent pas autant de “réservoirs” du virus.

- Désinsectisation des domiciles des intéressés et des environs.

2 - Définir les protocoles de prise en charge des femmes enceintes

- Protection des femmes enceintes (principe de précaution) et suivi des grossesses des futures mères infectées par le virus.

- Recherches sur d’éventuelles embryopathies en cas d’infection au cours du premier trimestre de la grossesse.

- L’allaitement du nourrisson par sa mère contaminée peut-il se poursuivre ?

3 - Définir les protocoles de soins et de prise en charge des malades présentant des pathologies préexistant à l’infection

- Diabète (le nombre de cas de diabète est supérieur à la moyenne nationale),

- Insuffisance rénale dialysée,

- Insuffisances cardiaques,

- Affections à VIH,

- Asthme et diverses autres insuffisances respiratoires,

- Allergies sévères, intolérance aux anti-douleurs,

- Hypertension,

- Maladies liées à l’alcool, etc.

4 - Définir les modalités de l’aide aux malades

- Personnes - âgées ou non- seules. La maladie commence par une “paralysie”. Le malade perd toute autonomie et ne peut plus se déplacer y compris pour les besoins les plus élémentaires.

- Mères célibataires.

- Handicapés.

- Malades VIH : encore très souvent le malade VIH est chassé de sa famille.

- SDF.

- Mise à disposition gratuite de produits répulsifs (spirales au pyrèthre notamment) aux personnes relevant de la CMU et aux plus défavorisés (principe d’égalité de tous devant la santé). Urgence d’une réunion de travail État-Région-Département.

- Association des maires pour définir une enveloppe globale et les modalités d’aide à ces personnes défavorisées (acquisition de moyens de protection, remboursement des frais de soins et de différents forfaits, etc. L’intervention du Fonds européen ad’hoc sera sollicitée.

- Rétablissement d’un service national civil. Durant toute une année, il sera possible de renouer avec la tradition du brassage des jeunes filles et garçons tous milieux socio-culturels confondus

- Tous ces jeunes devront recevoir une formation la plus poussée possible d’auxiliaires de secourisme. Répartis en brigades dans l’île, ils auront la charge de s’occuper de la protection des personnes vulnérables et/ou isolées. Elles pourront également effectuer des stages de co-développement dans les pays de la zone Sud-ouest de l’océan Indien.

5 - Définir les modalités de l’aide aux petites et très petites entreprises

- Au 1er janvier 2005, La Réunion comptait :

o environ 7.000 exploitations agricoles dont 90% de 10 hectares et moins.

o 30.942 entreprises :

- 27.000 (90%) d’entre elles comptent de 0 à 5 salariés,

- 25.070 entreprises (81%) comptent de 0 à 2 salariés,

- 18.125 (59%) n’ont aucun salarié.

Ces données permettent de mesurer la fragilité des entreprises agricoles, industrielles, artisanales et touristiques. La maladie et la durée des séquelles menacent l’économie réunionnaise et l’emploi.

- Les mesures annoncées par Monsieur le ministre de l’Outre-mer ajoutées aux demandes qui lui ont été formulées par les socio-professionnels lors de la réunion du 23 février 2006 à l’Hôtel de la Région doivent être chiffrées et prises en considération de toute urgence pour éviter qu’à la catastrophe sanitaire ne s’ajoute une catastrophe économique avec ses répercussions sociales.

6 - Définir les modalités de l’aide aux salariés

Les salariés contraints de cesser le travail se trouvent lourdement pénalisés par :

- le délai de carence de 3 jours (130 à 140 euros de perte de revenus),

- l’indemnité journalière qui leur fait perdre 40% de leurs revenus,

- la multiplication de la cotisation de 1 euro pour chaque ordonnance,

- la perte des congés payés : pour éviter d’être trop lourdement pénalisés financièrement, les salariés malades se font placer en congés annuels,

- La situation de catastrophe naturelle à laquelle est confrontée La Réunion entraîne que ces dispositions pénalisantes pour les salariés soient suspendues jusqu’au rétablissement d’une situation de santé publique satisfaisante.

7 - Définir les cibles de la lutte antivectorielle

- déterminer si aedes albopictus est réellement le seul vecteur du virus.

8 - Définir les moyens biologiques de la lutte antivectorielle

Le Bti
o a - Recherche

- L’utilisation du Bti peut se faire sans délai. Elle peut être mise en œuvre par les Réunionnais eux-mêmes. L’expérience à grande échelle conduite au Pérou par Mme Palmira Ventosilla (Institut de médecine tropicale Alexander von Humboldt de Lima), montre qu’un protocole simple a pu être établi permettant aux Péruviens de produire, à partir de la noix de coco, tout le Bti nécessaire.

- À La Réunion, une piste (parmi d’autres) peut être explorée : celle consistant à élever du Bti à moindre coût en utilisant un substrat abondant : la bagasse. Qu’il s’agisse du Bti-coco ou du Bti-bagasse, un partenariat État-Région-Université de La Réunion devrait être envisagé.

- Cette épreuve peut être également l’occasion de mettre sur pied une action concrète de co-développement avec nos voisins qui souffrent du même mal.

o b - Élevage et mise en œuvre du Bti

Rencontre État/Région/Département avec les agriculteurs pour définir avec eux :

- les conditions de l’élevage du Bti

- leur mobilisation pour l’épandage avec leur matériel traditionnel

- L’intervention lourde et massive des militaires devant être réservée à des sites “difficiles” (lits de ravine, etc...)

o c - Le Neem Tree (Margousier)
Planté, en partenariat avec l’ONF auprès des habitations, dans les cours des établissements scolaires, hospitaliers, administratifs, etc. cet arbre devrait permettre d’éviter de recourir aux insecticides tout en assurant une bonne protection anti-moustique.

9 - La démoustication mécanique

a - Généraliser l’exemple de la commune du Port (déchetteries mobiles) et accentuer l’action de la ministre de l’Écologie et du développement durable (destruction systématique des décharges sauvages).

b - Obtenir du gouvernement une augmentation de l’enveloppe (500.000 euros) du ministère de l’Environnement et du développement durable et rendre éligibles à cette enveloppe abondée les actions communales de déchetterie mobile (exemple du Port).

10 - Mobilisation et participation de la population

- Élaborer un plan de communication grand public pour l’épandage de la lutte anti-larvaire et la démoustication mécanique,

- Rencontre avec le recteur pour la mobilisation à tous les niveaux de l’Éducation nationale,

- Rencontre avec le monde associatif,

- Rencontre avec les maires et les présidents de Communauté d’agglomérations,

- Rencontre avec la presse.

11 - Une direction générale de la bataille,

assurée par l’État, le Conseil régional, le Conseil général, l’Association des maires, en concertation avec le monde socioprofessionnel et associatif, qui conduirait les actions prévues, mettrait en œuvre de nouvelles actions en cas de besoin et évaluerait les résultats de ces actions.

12 - Recréer un service de prophylaxie

- Pour prévenir d’éventuelles épidémies, il convient de remettre en place un service de prophylaxie comme il en existait un dans les années 50, et qui a fait ses preuves dans l’éradication du paludisme.

Bien des décisions ont déjà été prises (Cellule nationale de recherche et de coordination sur la maladie du chikungunya, distribution gratuite de kits de répulsif...) mais d’autres pistes restent encore à explorer. Nous l’avons déjà dit à maintes reprises : nous souhaitons que les Réunionnais soient associés à ce grand chantier de lutte antivectorielle qui s’ouvre.
L’éradication du virus chikungunya par le contrôle des populations d’aedes albopictus semble un objectif raisonnable à condition de n’écarter aucune piste, de ne privilégier a priori aucune solution.

La Réunion compte aujourd’hui de nombreux chercheurs de talent mais inemployés. Elle compte aussi de nombreux chômeurs dont un grand nombre pourrait être mis en activité pour des opérations de masse.

Il convient de doter La Réunion des moyens de recherche appropriés qui lui permettront, n’en doutons pas, de triompher de cette nouvelle épreuve en y associant les chercheurs de la zone Sud-Ouest de l’océan Indien.

Si La Réunion parvient à fixer un certain nombre de protocoles, établir des schémas de lutte validés par l’expérience, nul ne doute qu’au fur et à mesure de la survenue des changements climatiques qui affecteront le Sud de l’Union européenne au cours des 20 prochaines années, ces protocoles et schémas sans cesse enrichis, servent à la France et à l’Union ; de même que mis en œuvre dans un partenariat de co-développement, ils servent aussi à La Réunion et à ses voisins.

Chikungunya

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