Épandages massifs d’insecticides chimiques

« Toxiques, mais nécessaires »

9 février 2006

« Les insecticides sont toxiques, mais ils sont un mal nécessaire pour lutter contre la prolifération de l’Aedes albopictus », ont affirmé hier l’entomologiste André Yébakima et Jean-Paul Boutin du département épidémiologie et de santé publique de l’Institut de médecine tropicale du service de santé des armées (IMTSSA).

« Un insecticide est un toxique. À partir de ce moment-là, on ne pas dire qu’il soit sain pour l’environnement », note André Yébakima, entomologiste, dans la conférence de presse qu’il a tenue hier à la DRASS (Direction des affaires sanitaires et sociales). « C’est justement parce que c’est un toxique qu’il est efficace contre les moustiques », ajoute Jean-Paul Boutin, du département épidémiologie et de santé publique de l’IMTSSA.
Ils réagissent à la polémique sur l’utilisation de 2 produits distribués par la DRASS et destinés à détruire l’Aedes albopictus. Le Fenitrothion, mortel pour les moustiques adultes et le Téméphos, mortel pour les larves, sont utilisés par l’armée chez les particuliers, les agents de l’État dans les espaces et bâtiments publics - les établissements scolaires.
Cet épandage massif a alerté bon nombre de défenseurs de l’environnement. L’inquiétude a fini par gagner la population. Cela d’autant que plusieurs cas d’oiseaux, de caméléons et même de chiens et de chats morts à la suite des pulvérisations des insecticides ont été signalés. En application du principe de précaution, la commune du Port a refusé l’utilisation du Fenitrothion et du Téméphos au bénéfice des BTI, des bio-insecticides contenant une bactérie détruisant les moustiques et leurs larves. Mardi, la commune de Saint-Paul a décidé à son tour de suspendre les épandages, dans les écoles, des produits fournis par la DRASS. Le Conseil général a pris la même décision pour les sites traités par ces agents.
« Le principe de précaution complique les choses. Il permet d’ouvrir le parapluie et plus personne ne prend ses responsabilités », commente André Yébakima. L’entomologiste rappelle que ces 2 insecticides, appartenant à la famille des organophosphorés, sont couramment utilisés dans plusieurs pays africains notamment, sans que des dommages majeurs à l’environnement ni à l’homme n’aient été signalés. « Le Téméphos devrait être retiré de la vente dans l’Union européenne le 1er septembre 2006. Pas parce qu’il est dangereux mais pour des questions de profits économiques. Le marché n’est pas rentable pour ce produit, les industriels ne veulent plus le fabriquer », indique Jean-Paul Boutin.
André Yébakima affirme utiliser régulièrement ces insecticides dans ses actions de lutte contre les Aedes. Ailleurs « dans le monde, j’ai pulvérisé le Fenitrothion à l’intérieur des maisons. Les gens sont revenus chez eux 1 heure après. Je n’ai jamais enregistré de problème ou de mort d’animaux », dit-il. Les 2 produits « sont efficaces contre les moustiques, toxiques mais pas dangereux pour l’Homme et l’environnement s’ils sont correctement dosés et utilisés », souligne André Yébakima. À la question de savoir si ces insecticides sont « correctement dosés et utilisés » dans l’île, l’entomologiste répond sans détour : « je ne sais pas ». Ni lui, ni Jean-Paul Boutin ne savent quel impact les récentes pulvérisations ont eu sur l’environnement, ni si elles ont été efficaces contre les moustiques et les larves. « L’étude d’impact ne relève pas de nous et le protocole pour l’évaluation des actions de démoustication est en cours d’élaboration », souligne Jean-Paul Boutin.
On n’en saura guère plus si ce n’est la nette tendance des 2 spécialistes à préférer le Fenitrothion et le Téméphos. Ils annoncent toutefois que les bio-insecticides seront très prochainement utilisés en alternance avec les produits chimiques. « Il faut savoir que les produits BTI ne sont ni neutres pour l’environnement, ni révolutionnaires. Ils peuvent être tout aussi toxiques que les produits chimiques », remarquent en substance les 2 spécialistes. « Mais il est vrai qu’à dose égale, les BTI sont en mesure de traiter une plus grande zone », reconnaît Jean-Paul Boutin en notant que l’alternance entre les produits aura le mérité de réduire les risques de voir les moustiques développer une résistance aux insecticides.
Enfin, si l’on en croit les 2 spécialistes, ce n’est pas par souci d’économie que la DRASS a préféré le Fenitrothion et le Téméphos qui sont bien moins chers que les BTI. « Ce n’est pas un problème de coût. Ici à La Réunion, il y a de l’argent ».

Chikungunya

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