Chikungunya : courbe épidémiologique vacillante

Un effort de tous et de tous les jours

1er avril 2006

Le point épidémiologique tenu hier à la préfecture en présence du président du Conseil régional, Paul Vergès et du conseiller général, Claude Alcaraz, intervient à un moment ou la CIRE fait apparaître une légère reprise de l’épidémie. De 4.500 nouveaux cas déclarés pour la semaine du 13 au 19 mars, nous sommes passés à 6.000 cas pour celle du 20 au 26 mars, soit un total de 230.000 cas déclarés depuis le début de l’épidémie. Signe que la population ne doit pas baisser la garde, mais au contraire s’impliquer davantage encore dans une lutte communautaire essentielle qui doit s’inscrire dans la durée. La Réunion doit apprendre à vivre avec le chikungunya.

"Ça n’est pas fini même si les choses s’améliorent", souligne le préfet Laurent Cayrel. "Il ne faut pas relâcher l’effort de lutte". Les opérations de démoustication ne suffiront pas à faire infléchir l’épidémie. Gouvernement et collectivités, rassemblés pour faire face à l’adversité, appellent donc l’ensemble de la population à poursuivre et renforcer son implication dans la lutte communautaire.

Simplifier les messages

Le dernier rapport de l’OMS, rédigé par 3 de ces membres dernièrement en mission à La Réunion et dans la zone, souligne que si l’ensemble des actions entreprises sur notre territoire est important, la lutte communautaire, qui devrait représenter 60% de la stratégie d’action, reste insuffisante. Afin d’amplifier encore la mobilisation individuelle, la Préfecture a décidé de faire appel au secteur associatif, relais privilégié de la population. 1.000 associations sportives et culturelles vont recevoir un document d’information récapitulant les différents points de prévention.
À partir de ces messages simplifiés, où les gîtes larvaires deviennent des "nids à moustiques", "nous attendons des associations qu’elles retraduisent et retranscrivent, en termes de proximité, le discours institutionnel vers la population, selon la sensibilité du public", explique Laurent Cayrel. Un effort de communication et de simplification du débat ô combien complexe qui vise à surmonter les différentes difficultés de compréhension, comme celle induite par la langue. Exemple de la population mahoraise qui maîtrise mal ou pas le français.
Si l’effort communautaire doit s’intensifier, la lutte anti-vectorielle ne ralentit pas pour autant et continue dans les mêmes termes, sans changement de protocole, du moins jusqu’à l’hiver austral, et sur la même base d’effectifs. 150.000 maisons ont déjà été traitées pour un objectif de 250.000 qui devrait être atteint à la mi-juin.

L’Ouest plus touché

Les premiers résultats de l’évaluation de l’efficacité du dispositif de lutte, par comptage des gîtes larvaires avant et après intervention, montrent qu’après le 3ème passage sur la même zone, on arrive à un indice de Breteau de 10, soit un risque épidémique très limité (par comparaison, sur les zones étudiées, l’indice était de 26 avant traitement et de 17 au 2ème passage). Pourquoi alors cette nouvelle augmentation, si les opérations de démoustications agissent sur les populations de moustiques ? Le préfet interroge et répond : c’est une situation épidémique relativement forte dans l’Ouest, micro-région touchée en dernier, qui "explique pour une part le chiffre relativement mauvais de ce jour". D’autre part, c’est le phénomène nouveau et croissant de récidive qui induirait cet effet de reprise, attendu que ces personnes en rechute ne se seraient pour beaucoup pas déclarées la première fois. Cela explique toujours le flux important des hospitalisations dans la zone Ouest.
Qu’il s’agisse de la mobilisation individuelle, de la démoustication ou encore de la gestion des déchets, le préfet rappelle que "la vigilance est plus que de mise".

Effort financier considérable

Pour le président Vergès, "il faut tirer les enseignements de cette expérience qui ne se limite pas à La Réunion mais s’étend dans la zone", "il faut réfléchir à ce problème dans toutes ses manifestations". La Commission de l’océan Indien, réunie dernièrement à Tananarive, la capitale malgache, a ainsi appuyé l’idée d’une rencontre entre les ministres de la Santé des différents pays de la zone, rencontre qui devrait se tenir en juin, pour envisager les mesures communes à adopter.
"Le vecteur n’attend plus que le virus", poursuit Paul Vergès citant pour exemple le département du Var qui le compte en masse. À La Réunion, le virus est bien présent. La phase descendante de l’épidémie et l’arrivée de l’hiver austral ne doivent pas entraîner un relâchement de l’effort si l’on ne veut pas reproduire les mêmes erreurs que l’année passée. "Il faut vivre avec, s’organiser dans la durée pour continuer la prévention, la recherche et, le plus difficile, changer les habitudes".
Le président de la Région appelle également à une réflexion sur le plus long terme concernant "le niveau considérable" de mobilisation humaine et financière pour la lutte anti-vectorielle. La permanence au travail des employés mis à la disposition de cette mission pose la question des statuts. Les 850 “emplois verts” mis à disposition par le Conseil régional sont investis dans la lutte à temps plein, au détriment de leurs propres missions. "L’effort financier pourra-t-il être maintenu par l’État et les collectivités ?".

 Estéfani 


An plis ke sa

o Le partenariat

Qu’il s’agisse du chikungunya ou de la route du littoral, le président de la Région rappelle que La Réunion est ici confrontée à "2 énormes problèmes inscrits dans la durée". "Il n’y a pas d’autre chose que le partenariat, la coopération, le partage des tâches, pas d’autre voix que de fédérer les efforts dans la même direction".
o BD sur le chikungunya

Si l’on ne peut rien contre notre climat tropical et ses pluies qui favorisent la prolifération des moustiques, en revanche, il faut agir à son niveau, réorganiser ses habitudes de vie avec le chikungunya. Et pour changer les mentalités, Paul Vergès souligne l’initiative de l’Institut de l’image du Port qui a réalisé une BD distribuée dans les écoles, "une porte d’entrée dans la famille".
o 1.000 contrats d’avenir

Le Conseil général recrute actuellement 1.000 contrats d’avenir dont une moitié viendra renforcer les équipes de démoustication et l’autre moitié sera chargée de la lutte mécanique et de la prévention au sein d’associations. Une annonce déjà faite début janvier par le présidente du Département qui, à l’évidence, a du mal à rassembler ses troupes.
o Passage des “démoustiqueurs” : le message ne passe pas

Envisager une carte télévisée des démoustications sur le modèle d’une carte météo quotidienne est techniquement impossible, selon le préfet. L’opinion publique se plaint pourtant de ne pas être informée des dates de passages des équipes de démoustication, des opérations de nébulisations nocturnes qui appellent pourtant à des mesures de précautions. La carte de démoustication est établie bien à l’avance, communiquée 12 jours avant le passage dans la zone à la commune qui, elle, doit informer la population au moins 5 jours avant. L’émergence de foyers ne modifie pas les prévisions initiales. Le préfet avance 2 types de difficultés possibles : soit l’information de la commune (lettre dans la boite, diffusion par micro ou autres, selon le choix libre) n’est pas passée, soit c’est le report du passage suite aux intempéries qui a décalé la date, nouvelle échéance qui n’aura pas été alors communiquée aux intéressés. Laurent Cayrel souligne au passage recevoir des plaintes de la part des habitants qui se situent dans la zone d’éviction des captages d’eau, soit 50 mètres. Dans ce cas, il faut adopter d’autres méthodes de traitement.
o Hiver austral sous surveillance

Qu’arrivera-t-il lorsque les 250.000 maisons auront été traitées au début de l’hiver austral ? Laurent Cayrel informe que les opérations de démoustication vont se poursuivre et le maintien de forces militaires a déjà été sollicité auprès du ministère de l’Outre-mer au moins jusqu’en août. Deux priorités sont affichées pour l’hiver austral : la reprise du désencombrement des ravines et le suivi de l’efficacité du traitement avec une intervention systématique dès que les populations de moustiques représentent un risque épidémique. En septembre, il faudra alors envisager de nouvelles mesures en fonction toujours de l’importance des vecteurs. Si le risque a diminué, il faudra engager "une phase d’entretien", comme cela se fait couramment aux Antilles avec toujours des nébulisations par 4X4 et des larvicides. Quelle que soit l’évolution du dispositif, la lutte communautaire doit, elle, se poursuivre, la mobilisation des Réunionnais doit être totale, ne doit pas fléchir et doit s’inscrire dans la durée.


Points économiques

o Les arrêts de travail dus au chikungunya continuent à baisser.
o Au 30 mars, 657 salariés sont au chômage partiel en grande partie dans les filières liées au tourisme.
o Le système de garantie des prêts bancaires, géré en partenariat avec la Région Réunion, est désormais opérationnel. En dépit de dossiers et de financements qualifiés de lourds par Paul Vergès, celui-ci rappelle "un engagement sans réserve" de la part de la collectivité depuis le début.
o 106 salariés vont bénéficier de modules de formations professionnelles, solution intermédiaire pour leur éviter le chômage. Cela correspond à 29.000 heures de formation.
o 464 dossiers de demandes de moratoires fiscaux et sociaux sont actuellement en cours d’instruction.
o 70 entreprises ont sollicité les aides financières des 2 fonds exceptionnels annoncés par le Premier ministre. Trois dossiers pour le FISAC et 9 pour le Fonds de secours, portant exclusivement sur le tourisme, le commerce et l’artisanat, sont déjà programmés avec un versement des fonds sur le compte des entreprises concernées dès la semaine prochaine.
o Comme annoncé lors de sa visite, le ministre du Tourisme soutient La Réunion dans sa campagne de relance promotionnelle. Il débloque une enveloppe de 250.000 euros, dont l’utilisation sera fixée avec le CTR.


Volets environnement et recherches

Sur ces points, "les choses ont aussi avancé", précise le préfet. Alors qu’une mission est désormais chargée d’étudier les aspects sociologiques de l’épidémie, la recherche médicale est lancée, les protocoles élaborés. À noter qu’un bulletin de 5 pages réalisé à partir des synthèses du corps médical sera transmis exclusivement aux professionnels de santé pour leur offrir des repères pratiques sur l’épidémie, leur permettre d’uniformiser leur discours à l’égard des malades.
Le rapport de l’étude sur le suivi de l’impact environnemental de la lutte insecticide n’interviendra que dans le courant juillet. Quant à la recherche entomologique encore en cours, les premiers résultats seront soumis à la validation, dès la semaine prochaine, de l’entomologiste martiniquais André Yébaquima, de retour dans notre île. En plus du suivi des opérations de lutte, ce dernier sera également chargé de l’élaboration de nouveaux protocoles pour adapter la stratégie de lutte en fonction de l’évolution de l’épidémie durant l’hiver austral.


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