Lutte contre le chikungunya et environnement

Un entomologiste mauricien

4 août 2006

Dans sa dernière édition, le journal “Le Mauricien” rapporte que pour Raheem Gopaul, entomologiste du Ministère de la Santé dans l’île sœur, ’la désinsectisation à grande échelle par vaporisation d’insecticides a fait plus de mal que de bien, que ce soit à La Réunion ou à Maurice’. Une analyse qui confirme celle effectuée par “Témoignages” depuis des mois sur l’inefficacité voire le caractère néfaste de certaines méthodes de lutte anti-vectorielle utilisées par l’État pour combattre l’épidémie de chikungunya dans notre île. On lira cet article ci-après, avec des intertitres de “Témoignages”.

"Le moustique vecteur du chikungunya est bien implanté à Maurice et l’on ne pourra pas l’éradiquer car les œufs peuvent survivre plusieurs mois avant d’éclore", affirme Raheem Gopaul, entomologiste du Ministère mauricien de la Santé. Il explique que la présence de l’Aedes Albopictus, qui transmet le chikungunya, est connue dans l’île depuis le 18ème siècle.
Selon l’entomologiste, "la désinsectisation (“fogging”) à grande échelle par vaporisation d’insecticides a fait plus de mal que de bien, que ce soit à La Réunion ou à Maurice". "Les moustiques ont été effarouchés et se sont sauvés pour aller sévir dans d’autres zones. Ce n’est pas si efficace que ça. Cela a été un gaspillage de ressources".

"Éliminer les gîtes des larves"

M. Gopaul fait ressortir que "le vecteur de la dengue est le même que celui du chikungunya, c’est-à-dire le moustique du type Aèdes". Il avertit que "les moustiques sont une menace dans notre région, notamment à cause des risques grandissant de la résistance des moustiques aux insecticides".
Jetant un regard critique sur les campagnes sur la lutte contre les moustiques, l’entomologiste a exprimé sa désapprobation au sujet de la publicité sur les produits répulsifs. "Ces crèmes et sprays que l’on voit sur les étalages des commerçants se vendent très cher. Je me demande si les moustiques ne finiront pas par s’y habituer. On devrait plutôt dire aux gens de nettoyer chez eux et d’éliminer les gîtes des larves".

"Dire la vérité"

Il rappelle qu’il y a eu une épidémie de dengue dans les pays du Sud-Ouest de l’Océan Indien et à Maurice en 1978-79. "La fièvre hémorragique de la dengue est une tueuse".
Raheem Gopaul précise que des souches plus virulentes du virus propagé par l’Aèdes Albopictus ont été découvertes, alors que la population locale n’est pas immunisée. "Il vaut mieux dire la vérité aux Mauriciens", insiste-t-il.
"Il y a trop d’experts venant de l’étranger", s’indigne par ailleurs l’entomologiste. "Maurice est un pays où l’on aime les experts. On n’écoute pas les gens d’ici et les rapports restent dans les tiroirs. J’avais prédit la menace des moustiques dès 2003. Les experts sont invités à venir à grands frais. Ils lisent les rapports locaux et écrivent des rapports sur les données que les autorités gouvernementales leur soumettent. Ils disent que tout va bien, que la grange est en feu, mais c’est le château qui est en train de brûler. Même l’eau du chien doit être changée une fois par semaine, car les larves prennent une semaine pour devenir moustique vecteur du chikungunya".


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