Gilbert Bigot, retraité de la DRASS, témoigne

’Un héritage terrible pour nos enfants...’

16 février 2006

Gilbert Bigot, technicien sanitaire retraité de la DRASS, estime que presque un an après l’apparition du virus, les épandages massifs d’insecticides sont d’autant plus nocifs qu’inutiles. La lutte contre l’aedes albopictus, également vecteur de la dengue, n’aurait pas dû attendre aussi longtemps. ’Il est déjà trop tard.’ L’information et la destruction mécanique des gîtes sont deux axes prioritaires.

Gilbert Bigot a travaillé 34 ans comme technicien sanitaire à la DRASS, de 1967 à 2001. Il a été responsable de la lutte anti-palu et a mené des opérations de prévention dans les écoles, d’éducation à la santé. Il a donc connu l’épidémie de dengue de 1977 déjà véhiculée par l’aedes albopictus. À l’époque "les pulvérisations étaient ciblées", il n’y avait pas comme aujourd’hui, "des déversements inconsidérés d’insecticides." Si en 1977, la dengue "nous est tombée dessus", Gilbert Bigot estime que la vigilance à l’égard du vecteur n’aurait pas du être relâchée, d’autant que nous sommes dans une zone sensible ouverte sur le transport des maladies.

Rappelez-vous le DTT

Le nouveau protocole de lutte mis en place par la Préfecture ne change rien au problème. La deltaméthrine est aussi toxique que les autres produits. Cette molécule, auparavant appliquée sur les murs pour supprimer les blattes, peut rester des semaines voire des mois active. Même si elle est pulvérisée en petite quantité, elle l’est plus souvent. "On va en respirer plusieurs fois un petit peu, au lieu de beaucoup d’un coup." Gilbert Bigot rappelle que c’est après 20 ans d’utilisation du DTT dans la lutte contre l’anophèle vecteur du paludisme que sa dangerosité a été déclarée par l’OMS et retiré du marché. "Il nous restait alors plus d’une dizaine d’hectolitres de produits qu’au lieu de détruire, on a envoyé à Mayotte. Cela vous donne une idée de ce qui peut être fait."

Destruction mécanique des gîtes

"Là c’est la massue, le tank pour tuer le moustique", la mise en danger de personnes qui ne sont pas suffisamment formées à l’utilisation de produits chimiques. "Il est déjà trop tard" pour Gilbert Bigot qui souligne que dans son quartier de Terre Sainte à Saint-Pierre, 100% de la population est déjà touchée. Il faut en priorité informer correctement le public sur les consignes de prévention, de protection, mais aussi sur les dangers sanitaires qui nous guettent. "Il faut aller à la chasse aux gîtes que l’on peut très bien détruire de manière mécanique, là, autour de la maison, au lieu d’être en train de nous empoisonner", estime l’ancien technicien de la DRASS qui prône avant tout la lutte anti-larvaire. "C’est un héritage terrible pour nos enfants que le préfet et les militaires de passage nous laissent." Il faut enfin à La Réunion un service de lutte comme dans les autres DOM. "Cela aurait du être fait depuis longtemps." "Si je devais délivrer un message au préfet, conclut Gilbert Bigot, je lui conseillerais de se procurer le livre de Rachel Carson : "Le Printemps silencieux", traduit de l’anglais en 1968 avec une préface du directeur de l’Institut des Sciences naturelles qui lui en apprendra beaucoup sur les effets des produits insecticides."

Estéfani


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